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Avec une prévision de croissance encourageante, mais des freins importants pour un réel décollage, le pays dirigé par l’homme d’affaires Patrice Talon est à la croisée des chemins.
PAR MARLÈNE PANARA
L’agence Standard & Poor’s Global a rendu sa copie. Dans son rapport du 5 juillet, elle attribue la note B+/B au Bénin, ce qui le classe au 132e rang des pays audités par l’agence américaine. Une note portée par les différentes prévisions que les experts ont inscrites dans leur rapport et, en premier, celle qui concerne le dynamisme économique du Bénin. L’agence table en effet sur une croissance qui avoisinera les 6,3 % entre 2018 et 2021, portée par les investissements publics et privés.
Un taux qui, d’après elle, rendra possible « l’élaboration de davantage d’infrastructures, stimulera le secteur tertiaire et la production agricole », qui comptent respectivement pour 50 % et 20 % du PIB. Outre la croissance, S&P prévoit une dette globale de l’ensemble des administrations de 50 % du PIB d’ici à la fin de l’année 2021, couplée à un déficit budgétaire de 4 % du PIB.
Les moteurs et les freins à la croissance
Des chiffres plutôt optimistes, rendus possibles, selon les experts, grâce à l’activité du port de Cotonou et au dynamisme du secteur du coton, d’après eux « les deux piliers de l’économie béninoise ». La nomination du port belge d’Anvers International en tant que gérant du port béninois, sa modernisation en cours et sa future expansion sont autant de raisons de croire à une franche accélération de ses activités. Concernant le coton, son transfert du public au privé – opéré en 2016 – couplé à la hausse des prix du produit aura pour heureuse conséquence une nette augmentation des performances du secteur agricole. Mais, revers de la médaille souligné par les auditeurs, si le secteur est bien un moteur de l’économie du pays, il le rend également très vulnérable à la volatilité des prix, et aux conditions climatiques défavorables.
Une situation antagoniste qui se vérifie également dans le partenariat économique du Bénin avec son voisin à l’Est, le Nigeria. En effet, si le pays de Muhammadu Buhari est son plus gros partenaire commercial, l’État béninois reste donc très dépendant de l’économie nigériane. Son ralentissement, constaté par l’agence entre 2014 et 2016, a eu des conséquences négatives sur l’économie du Bénin, et sur ses revenus financiers extérieurs. Une situation qui devrait, en revanche, peu à peu se dissiper, portée par la reprise nigériane et la création, de la part des autorités béninoises, de nouvelles réformes. Des mesures qui établissent, par exemple, une nouvelle tarification destinée à réduire le commerce de réexportation.
Autre frein à la croissance mis en lumière dans le rapport, les pénuries d’énergies. Selon les experts, elles représentent une réelle menace pour le dynamisme du pays. Une inquiétude cependant balayée par d’autres conclusions qui notent des améliorations progressives dans ce secteur, grâce aux investissements qui ont été faits en matière d’infrastructures.
Un programme de réformes salué par S&P Global...
Autre geste salué par S&P, les récentes réformes mises en place par le gouvernement destinées à booster la croissance. Pour l’agence, l’agenda de réformes du gouvernement démontre d’ailleurs une « approche politique proactive », dont l’axe principal a été le renforcement de la gouvernance publique. D’autres nouvelles lois, dont la finalité est l’amélioration du climat des affaires et la création de tribunaux commerciaux, ainsi que l’adoption d’une série de décrets et de lois visant à accroître la transparence – notamment dans les marchés publics – soutiendront, si elles sont « rapidement appliquées », le PIB. Une prévision qui, pour l’agence, emmènera une redynamisation de la confiance des investisseurs étrangers, compte tenu surtout du solide bilan du Bénin en matière de stabilité démocratique
… mais encore insuffisantes
Des conclusions plutôt optimistes, ramenées cependant à la réalité des « exigences sociales élevées », du chômage et des grèves, qui « limiteront probablement la mise en œuvre de politiques plus controversées, telles que le transfert de la gestion des secteurs publics clés vers le secteur privé ». D’après les experts de l’agence, les niveaux de revenu du pays sont encore trop bas et les faiblesses structurelles, importantes. Leur espoir ? Que les investissements publics et privés conduisent à une réelle croissance du PIB dans les prochaines années.
Les auditeurs avouent en effet que leur note a été contrainte à cause du faible revenu par habitant (1 000 dollars), d’importants besoins budgétaires extérieurs et de la rapide augmentation de la dette publique. En outre, l’agence considère que la place du Bénin au sein de l’Union économique et monétaire de l’Ouest africain (UEMOA) limite sa marge de manœuvre en termes de politique monétaire, bien que cela réduise tout de même les risques extérieurs et ancre non sans succès une faible inflation.
Une note encore corrigible
Concernant sa note, l’agence stipule tout de même que celle-ci n’est pas immuable. Si ses perspectives se vérifient, que le déficit extérieur et la dette publique diminuent, alors elle pourra envisager de l’augmenter. À l’inverse, les auditeurs se réservent le droit de l’abaisser si les réformes économiques annoncées ralentissent, si la dette publique et les intérêts augmentent considérablement, ce qui conduirait notamment à une croissance plus lente du PIB, ou à un dérapage budgétaire.