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En marge de la Conférence internationale sur l’accès aux médicaments de qualité en Afrique francophone qui se tient à Genève depuis mardi 22 mai 2018, le président de la République du Bénin, Patrice Talon a adressé son message à la communauté internationale. Il interpelle sur la guerre contre les faux médicaments et la discrimination dans la commercialisation en Afrique de certains médicaments interdits dans les pays développés.
« La cause qui nous réunit ce jour en cette conférence est d’un paradoxe incroyable, si l’on convient qu’un produit destiné à soulager, à guérir et à sauver la vie ne peut être que de qualité », annonce-t-il. Il estime qu’un « médicament ne devrait faillir que par erreur ou ignorance humaine ». Pour le chef de l’Etat « l’homme ne pouvait en toute conscience, commercialiser un poison pour un médicament ». Il fait savoir à l’opinion internationale que « en nos temps (...) des produits fabriqués et commercialisés comme médicaments ne sont destinés ni à soulager, ni à guérir, si ce n’est exclusivement pour enrichir illégitimement et illicitement leurs auteurs ». Le président de la République souligne que « le grand malheur est que ces pseudo médicaments tuent en masse, compromettent l’efficacité des médicaments de qualité et ciblent sans pitié les plus pauvres ». Il faut donc mettre un terme aux produits qui au lieu de guérir deviennent des nids de production d’autres microbes. « Le fléau des faux médicaments est l’un des défis majeurs de notre génération, toute nations confondues, parce qu’à terme, si rien n’est fait, les maladies et les microbes invaincus et aguerris dans les milieux pauvres ne manqueront pas de sévir partout dans le monde », prévient Patrice Talon. Interpellant la conscience de tous, il pense que « la réflexion à laquelle nous invite la présente rencontre est un impératif ». Selon lui, « trouver coûte que coûte les voies et les moyens pour un meilleur accès aux médicaments et aux produits médicaux de qualité dans les pays en développement, notamment africains est désormais une urgence car, malgré les mesures conventionnelles internationales, le fléau du faux médicaments continue de faire des ravages au sein des populations pauvres en s’intensifiant ».
Les difficultés n’ont cessé d’accroître depuis le déclenchement de cette lutte au regard du circuit de trafic de ces produits. « Plus d’une décennie après ’’l’Appel de Cotonou’’ pour la lutte contre ce fléau, le trafic des médicaments et produits contrefaits ne s’est pas essoufflé sur le continent africain, bien au contraire ; ceci à la faveur d’une meilleure organisation des réseaux criminels spécialisés et le coût souvent trop élevé, il faut le reconnaître, des produits de qualité », déplore M. Talon.
Des réflexions aux actions
La présente conférence est une occasion privilégiée selon le président de la République du Bénin pour parvenir à l’adoption de mesures concrètes permettant enfin d’inverser la tendance. Il pense que l’Appel dit de Cotonou n’était pas chose de hasard mais « c’est parce que la capitale économique de mon pays le Bénin figurait, en raison de sa situation géographique favorable, sur la liste des plateformes répertoriées dans le trafic de faux médicaments ». L’engagement des gouvernants cette fois-ci après quelques années de léthargie donne ses fruits. « S’il est malheureusement établi que malgré le choix de Cotonou pour le lancement solennel de la lutte en Afrique, le Bénin n’a pu faire grand-chose jusqu’en 2016, il convient aujourd’hui de signaler que depuis bientôt deux ans, mon pays s’est courageusement engagé dans l’éradication des circuits illicites de distribution de médicaments par une lutte implacable contre les trafiquants à qui notre arsenal d’investigation, de contrôles, de saisies, de condamnation des concernés et de destruction systématique des produits illicites ne laisse plus aucun répit », explique Patrice Talon à la communauté internationale. Il reste confiant de la réussite de cette lutte implacable lancée par son gouvernement. « La guerre que nous menons est loin d’être gagnée, mais je peux vous assurer que nous avons déjà remporté de grandes victoires qui nous encouragent à aller beaucoup plus loin », se réjouit-il. C’est alors que des mesures sont prises pour remédier au déficit créer par cette lutte. Ainsi donc « le gouvernement du Bénin a entrepris de réformer tout le secteur des médicaments et de procéder aux investissements nécessaires en vue de garantir la qualité des produits entrant sur son territoire ». Il souligne que « le prix à payer est énorme, mais notre détermination est irréversible et c’est tout le sens de ma présence ici parmi vous ». Le chef de l’Etat invite à la création d’un cadre plus large pour cette lutte qui ne peut être exclusivement celle du Bénin. « Je n’ai ni la prétention, ni l’illusion de croire que le Bénin, dans une démarche solitaire, gagnera cette guerre car la lutte contre les faux médicaments est une lutte qui déborde largement nos cadres nationaux et qui doit s’inscrire dans une coopération internationale proactive en matière d’information, de renseignement, d’expertise, de formation, d’investissement et de sincérité », insiste-t-il. Il pense qu’il est important que la lutte soit désormais « sincère à tout point de vue et que les grands laboratoires cessent de développer des chaînes de production exclusivement dédiées aux pays pauvres » puisqu’une telle discrimination est selon lui « immorale, viole l’éthique, côtoie pour le moins l’illicite et fragilise dans tous les cas notre lutte ». « Est-il d’ailleurs possible que dans un même pays, il y ait des médicaments produits pour les pauvres exclusivement et non recommandés pour les riches ? Pourquoi est-il permis qu’au plan international, certaines productions soient dédiées exclusivement aux pays pauvres et interdites de vente dans les pays développés ?’, se questionne-t-il. Confiant que la présente conférence soit un cadre qui incite à « des échanges francs débouchant sur des recommandations concrètes et susceptibles d’efficacité afin qu’il ne s’agisse pas simplement d’une conférence de plus », Patrice Talon pense qu’ « au terme de nos travaux des actions concrètes seront programmées pour la suite ».
Giscard AMOUSSOU