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La jacinthe d’eau est une plante considérée comme l’une des espèces les plus invasives au monde. Au Bénin, elle dicte sa loi sur les lacs et rivières menaçant le mode de vie des riverains. Néanmoins, la jacinthe d’eau est aujourd’hui valorisée à travers ses vertus qui permettent de dépolluer, de produire du biogaz et mieux de réaliser du compost. ‘’Reporterre’’, un site français d’actualité, s’est intéressé à l’utilisation de la jacinthe d’eau au Bénin à Ganvié, Sô-Ava, Porto-Novo et Dangbo.
Dans la sous-région, la jacinthe d’eau envahit rivières et lacs et sa prolifération paralyse ainsi les activités économiques. A Ganvié, les riverains vivant de la pêche ont pour quotidien la recherche de tilapias, d’aloses ou de silures blancs. Ils naviguent sur le lac Nokoué, au nord de Cotonou, la capitale économique et ville du Bénin. Cette activité devient de plus en plus difficile à cause de l’invasion de la jacinthe d’eau, « une plante aquatique originaire d’Amérique du Sud qui s’est propagée accidentellement durant la période coloniale dans de nombreuses zones tropicales ». Elle engendre beaucoup de conséquences, gêne l’activité des pêcheurs, bloque la navigation, asphyxie les poissons et constitue aussi la source de certaines maladies. La jacinthe d’eau est nommée « tôgblé », signifiant en langue fon « le pays est gâté/ruiné ». Les habitants de Sô-Ava ont commencé à l’appeler « tognon » (« le pays est bon/s’améliore »). Ceci grâce à certains entrepreneurs qui depuis quelques années ont trouvé des méthodes adéquates pour valoriser cette plante.
La dépollution par l’usage de la jacinthe d’eau
Fohla Mouftaou, est co-créateur de l’entreprise Green Keeper Africa en 2014. Située dans la commune de Sô-Ava, cette entreprise utilise la jacinthe d’eau comme source de dépollution. Les résidus de cette plante absorbent jusqu’à 17 fois leur poids en hydrocarbure, ce qui permet de freiner « la propagation d’un liquide polluant en cas de fuite ou à la suite d’une marée noire ».
Les tiges de la jacinthe d’eau sont transformées après leur séchage au soleil. « Notre démarche est écologique où l’on s’inspire de la culture maker et du do it yourself pour tester d’autres façons de faire et créer de nouvelles techniques de production. On progresse même quand ça ne marche pas », confie Florent Liaigre, rapporté par Reporterre. Selon les explications de ce responsable technique de la zone d’exploitation et chargé de la maintenance, une machine permet de broyer les tiges pour obtenir de la poudre et une autre les conserve pour avoir des fibres.
L’entreprise procède à des activités de collecte de la jacinthe d’eau avec l’aide des riverains. Elle dispose entre 1.000 et 1.200 personnes dont 85 % sont des femmes. Ces dernières vendent des jacinthes d’eau séchées, entre décembre et mars, ce qui leur donne une autonomie financière et l’entreprise crée un stock pour la production d’une année. Green Keeper Africa est aussi dans la dynamique de recyclage de ses produits après utilisation en vue de les transformer en une source d’énergie.
La jacinthe d’eau, comme source d’énergie
Au centre du système intégré de Songhaï, l’énergie est produite à travers le recyclage de la jacinthe d’eau. Créé par Godfrey Nzamujo en 1985, à Porto-Novo, au Bénin, le laboratoire d’agriculture biologique récupère les déchets organiques issus du bétail, de la pisciculture, des récoltes et de la jacinthe d’eau pour produire du biogaz, une énergie 100 % naturelle. Disposés dans des cuves, ces déchets se chauffent et produit du gaz et sert à l’ensemble du site.
Pour la fertilisation des sols, les effluents riches en éléments nutritifs rejetés au terme du traitement sont utilisés dans les récoltes Aussi, au centre Songhaï, la jacinthe d’eau est-elle utilisée pour chasser les mauvaises odeurs autour des toilettes publiques.
« Tout part du sol, là où l’énergie est au maximum. C’est notre banque la plus précieuse. On doit l’observer et s’en inspirer : cette façon de faire qu’on nomme le biomimétisme est une source d’innovations authentiques », a expliqué Godfrey Nzamujo, au quotidien de l’écologie ‘’Reporterre’’.
Pour ce prêtre dominicain d’origine nigériane qui s’est installé au Bénin après ses études de microbiologie et des sciences du développement en Californie, « la formation est essentielle pour créer un mouvement de jeunes Africains prêts à relever les défis écologiques de ce siècle ».
Ayant étendu, le réseau Songhaï dans d’autres villes et pays de la région d’Afrique subsaharienne, il précise que « le centre Songhaï a formé près de 6.000 agriculteurs désormais installés à leur propre compte ».
L’ONG Jevev dans la formation de relais locaux
Dans la commune de Dangbo, l’ONG Jevev s’investit depuis 2010 dans une formation gratuite de relais locaux pour une économie verte et durable. Fin janvier 2019, informe le site Reporterre, l’ONG a organisé la formation « route de la jacinthe d’eau » pour une durée de deux semaines. La formation durant les trois premiers jours a été théorique et les jours suivant consacrés à la mise en pratique pour la réalisation du « compost magique ».
Les jacinthes d’eau ramassées sur les bords de la rivière Ouémé sont amenées sur un site d’expérimentation. Selon Castello Zodo, formateur spécialiste de la production végétale et semencière de l’ONG, il faut « mettre les déchets végétaux les plus durs au fond pour faciliter la décomposition et obtenir une meilleure qualité de compost ».
Les branches de margousier, des tiges de la jacinthe et des fleurs de neem (margousier) sont superposées dans une fosse d’environ un mètre. Elles sont ensuite recouvertes de branches de palmier. Un bout de bois est placé au centre du trou pour laisser respirer le compost afin de mieux observer son évolution. Le tout est rendu homogène et les étudiants obtiennent, le « compost magique ». Ce produit allège la terre et permet des économies d’engrais, de terreau et d’eau.
Pour la Béninoise Chancelle Loumedjinon, âgée de 21 ans, en formation Environnement génie santé publique, c’est une manière de « préserver la nature en arrêtant d’utiliser des engrais chimiques tout en aidant les pêcheurs face au développement de la jacinthe d’eau ». D’après Henri Totin, directeur exécutif de l’ONG Jevev les formations permettent de faire des actions concrètes en laissant un héritage positif à l’ensemble de la communauté. « La jacinthe d’eau est un or vert aux multiples vertus », conclu le jeune consultant pour la Banque mondiale.
Akpédjé AYOSSO
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