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Depuis son invention au milieu du XIXe siècle, la photographie a influencé la perception des présidents par le public, de leur vivant et même longtemps après. Les locataires de la Maison Blanche comptant parmi les personnalités les plus photographiées au monde, ils doivent maîtriser l’art de gérer leur image, déclare Cara Finnegan, professeure de communication à l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign.
Dans son livre, Photographic Presidents : Making History from Daguerreotype to Digital, Cara Finnegan examine l’évolution du rapport des présidents américains à la photographie.
Avec le progrès, les techniques de production et de diffusion des photos ont beaucoup changé dans le temps. Les présidents ont dû s’adapter pour continuer de présenter une image positive. Cette relation complexe remonte à la première forme de photographie : le daguerréotype.
Un nouveau type de portrait
John Quincy Adams, président de 1825 à 1829, considérait le daguerréotype comme une invention « extraordinaire ». Présenté par l’inventeur Louis-Jacques-Mandé Daguerre à Paris en 1839, ce procédé utilise de la vapeur de mercure pour fixer les images sur une plaque. Le système se popularise au début des années 1840, les studios de photographie se multipliant dans les grandes villes au grand bonheur des clients désireux de se faire tirer le portrait.
John Adams en faisait partie. Mais ayant posé pour des peintres et des sculpteurs toute sa vie, le sixième président des États-Unis avait une vision plutôt rigide du portrait. « Pour lui, l’image devait être un indice du caractère moral de la personne et représenter ce qu’il appelait “le vrai portrait du cœur”, explique Cara Finnegan. Et il avait l’impression que la photographie ne pouvait pas restituer cela. » D’ailleurs, Adams décrivait ses portraits photographiques comme « hideux ».
Un daguerréotype de 1843, pris 14 ans après son départ de la Maison Blanche, constitue la plus ancienne photo existante d’un président américain. Et le daguerréotype de 1849 de James K. Polk, le 11e président, est la plus ancienne photo existante d’un président américain en exercice.
Quant à Abraham Lincoln, 16e président américain, il a été photographié plus de 120 fois, la plupart du temps au format ambrotype. Ce procédé, qui était courant dans les années 1850, recourait encore à des produits chimiques pour imprimer l’image sur une plaque de verre, mais il permettait de le faire avec un équipement portable. Ainsi, les photographes pouvaient quitter leur studio, voyager et produire de petits portraits baptisés du terme français « cartes de visite ». Vers la fin des années 1860, l’ambrotype est remplacé par le ferrotype, plus économique, l’image étant fixée sur du fer.
Abraham Lincoln posera pour son dernier portrait officiel en février 1865, quelques semaines avant son assassinat. L’image, connue aujourd’hui sous le nom de « cracked plate », réalisée sur une plaque de verre accidentellement endommagée, montre un président soucieux, aux prises avec le destin d’une nation en pleine guerre civile.
L’essor du photojournalisme
Dans les années 1880, la photographie sur plaque sèche, née en 1871, se popularise et accroît la mobilité des photographes. Les nouvelles plaques enduites de gélatine peuvent être conservées pendant un mois avant d’être exposées. Le système est beaucoup plus propre et plus pratique pour les photographes.
Et c’est au milieu des années 1880 que l’entrepreneur new-yorkais George Eastman monte une entreprise de fabrication de plaques sèches. Après avoir testé plusieurs techniques, il parvient à produire des pellicules photos. En 1888, sa société « a lancé des rouleaux de pellicules permettant de prendre 100 vues — montés dans un petit appareil photo appelé Kodak », précise le musée National Inventors Hall of Fame.
Si le progrès technologique a apporté aux présidents davantage de publicité, il était accompagné du risque de la diffusion d’images peu flatteuses. Finis les clichés présidentiels pris uniquement en studio par un photographe professionnel, « n’importe qui dans la rue peut maintenant prendre une photo de vous », explique Cara Finnegan.
Au début du XXe siècle, l’avènement des courts métrages d’actualité et l’essor du photojournalisme donnent encore plus de visibilité aux chefs de l’exécutif américains. Ce ne sera pas un problème pour Théodore Roosevelt, le 26e président à partir de 1901, qui « maîtrisait très bien l’organisation des opportunités photographiques », fait savoir Cara Finnegan.
Ces « photo op », en anglais, qui sont des séances photos faussement improvisées, deviennent coutume dans les années 1920 sous Warren Harding, le 29e président qui était aussi un ancien journaliste, et son successeur, Calvin Coolidge.
En 1961, photographier le président devient un travail à plein temps, lorsque le président John F. Kennedy fait de Cecil Stoughton le premier photographe officiel de la Maison Blanche. Auparavant, ce sont les photographes de l’armée qui immortalisaient les événements de la Maison Blanche et les moments d’intimité des Premières familles.
Depuis lors, tous les présidents américains — à l’exception de Jimmy Carter — ont embauché un photographe officiel. Après son entrée en fonction en 1963, Lyndon Johnson a donné au photographe Yoichi Okamoto un accès sans précédent. Les clichés réalisés par ce dernier continuent d’inspirer aujourd’hui les photographes présidentiels, révèle Cara Finnegan.
Quand Barack Obama est élu 44e président en 2008, les médias sociaux sont en plein boom aux États-Unis. Obama embrasse le phénomène et décide de créer une équipe dédiée aux réseaux sociaux ainsi qu’une page Flickr de la Maison Blanche afin de nouer le dialogue avec les gens dans le monde entier, signale Cara Finnegan.
Pete Souza, qui a été photographe de la Maison Blanche sous Barack Obama et sous le 39e président Ronald Reagan, avait carte blanche pour prendre des photos dans les coulisses, indique Cara Finnegan, tout comme Yoichi Okamoto sous Johnson.
« Si l’on revient à John Quincy Adams et à sa notion de “portrait du cœur”, les photos de Johnson et d’Obama révèlent, en fait, beaucoup de choses sur le caractère de ces présidents. »