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« Chaque jour est un jour J » c’est ce titre métaphorique de la pièce de théâtre de l’écrivain sénégalais Moustapha Saitque qui me vient à l’esprit lorsque je pose sur la demi -finale France Maroc qui s’est déroulée ce Mercredi 14 Décembre un regard amusé, amusé, dis-je, car le football est avant tout un jeu, une évasion individuelle et collective vers le royaume et l’esprit d’enfance. C’est le lieu de dire que la jeunesse dès les plus bas âges devrait être éduquée dans cet esprit et à cet esprit.
G. Théophile Nouatin
Il nous est souvent arrivé de pronostiquer sur la première équipe nationale de la Confédération Africaine de Football (CAF) qui soulèvera le trophée mondial. Mon opinion comme celle de tout le monde a bien entendu varié au cours du temps, au gré des contingences qui ont marqué les évolutions des diverses formations nationales dont on peut dire qu’elles tiennent le haut du pavé par la constance et la solidité de leur prouesse sur l’échiquier continental de la CAF. Je pense à l’Egypte, au Nigéria, au Cameroun etc. Il fut un temps où j’avais la conviction que le Nigéria avec sa puissance offensive du temps des Yekini, Okocha, Kanu etc. était en pôle position s’il poursuivait son ascension. Mais trop d’approximation dans l’organisation défensive et diverses autres faiblesses tactiques patentes me firent renoncer à cette prévision sauf reprise en main conséquente qui n’a pas eu lieu jusqu’à alors. Un espoir hélas de courte durée avait pointé du temps du coach nigérian Stephen Keshi. Notre choix et nos prévisions se tournèrent vers les Lions indomptables du Cameroun, héritiers d’une solide culture de rigueur défensive. J’ai longtemps gardé cette conviction ces dernières années jusqu’au constat patent que la solidité défensive d’antan des lions indomptables a beaucoup perdu de son lustre, s’est considérablement effritée sous la conjonction de plusieurs facteurs explicatifs. Il faut dire qu’historiquement l’ossature des équipes nationales africaines était traditionnellement formée sur la base d’un, deux ou trois clubs du championnat national. On songe au Canon et au Tonnerre au Cameroun, au Tout-pussant Mazembé au Congo, à Hafia FC en Guinée, au Zamalek du Caire, à Enugu Rangers au Nigeria, à Asante kotoko au Ghana, à l’Etoile filante et au Modèle de Lomé, à l’Etoile sportive de Porto-Novo, à Asso Cotonou et Asso Porto-Novo, à l’Asec D’Abidjan, au Mouloudia FC d’Alger, à l’Espérance de Tunis, au Club africain, etc. Ayant l’habitude d’évoluer au coude à coude tout le long de l’année sur le plan national, les automatismes et synergies résultant de ces collaborations s’avéraient hautement bénéfiques au cours des compétitions internationales. Avec la professionnalisation accrue et son corollaire dont la migration des meilleurs éléments vers les clubs de haute puissance financière à l’étranger, les gains de performance engrangés du fait d’une évolution au coude à coude sur l’année se réduisirent considérablement, laissant place aux regroupements périodiques de quelques semaines d’éléments sélectionnés d’un peu partout. Evoluant dans des championnats exigeants, ils apportent certes indéniablement de la technicité, une haute endurance, un certain sens tactique, autant d’éléments qui font monter les performances des équipes nationales.
Comme je l’ai exprimé, le Cameroun reste à mon sens la nation de choix pour un premier sacre mondial du continent africain nonobstant leur sortie « précoce » dès la phase de poule au Qatar. Ce n’était manifestement pas pour cette édition 2022. Cette certitude était patente au regard de leur évolution pourtant honorable lors du dernier CAN à domicile. Car il reste encore du chemin à faire. Mais nous prenons date. Le président Samuel Eto’o et le coach Rigobert Song qui connaissent bien la maison, le terrain, et sont tous deux au demeurant pétris d’expériences internationales nous semblent un duo bien en place qui épaulé par un staff technique compétent ouvriront à terme les portes du premier sacre mondial à la CAF. Pour cela du travail minutieux et persévérant reste à faire pour amener à terme l’équipe à une maturité et une maîtrise explosive. Le Sénégal du Coach Aliou Cissé, dernier vainqueur de la CAN demeure un challenger de poids dont il faudra bien évidemment tenir impérativement compte.
C’est dans ce contexte de prospectives et pronostics que les lions de l’Atlas du Maroc ont à la grande surprise fait tomber avec acharnement la barre des demi-finales jamais franchies par un team national de la CAF. Boostés par le sens de gagne du coach Hoalid Regragui, appuyés sur une solide organisation défensive à toute épreuve et une gestion tactique payante, les lions ont placé le Maroc et l’Afrique à un match d’une finale mondiale historique. Et cela devant un adversaire de taille. Le tenant du titre. Le team Marocain pouvait-il surprendre les poulains du coach Didier Deschamps ? Difficilement. Prévenus qu’ils étaient contre tout esprit de suffisance, la leçon administrée par l’équipe Nationale Suisse lors du dernier Euro est là pour le leur rappeler à suffisance au besoin. Il restait tout au moins aux Lions de l’atlas à énerver, énerver les coqs bleus durant les 90 minutes du match jusqu’à les pousser à la cacophonie et peut-être parvenir à les réduire au silence au soir du 14 Décembre. Comme le disait le coach Walid Regragui, on est là pour gagner. On veut gagner maintenant. C’est aujourd’hui le jour J voudrait-on renchérir à sa suite. Chaque jour est en effet un jour J. Voilà un mot d’ordre à garder à l’esprit et à reprendre à son compte. Les lions de l’Atlas ont tenu la dragée haute au champion du monde en titre. On garde la vision des plongées et des mains salvatrices in extremis d’Hugo Lloris. Au bout du compte la France a franchi la rampe, non pas sans trembler. Nous lui souhaitons bon vent pour la suite. Les lions de l’Atlas ont l’auguste mérite d’avoir fait bouger des limites. Un sillon est creusé …
Nous gardons le souvenir d’une demi-finale épique entre le Maroc et la France dans l’expectative d’une finale tout autant mémorable entre la France et l’Argentine de Lionel Messi. Ce dimanche 18 décembre s’inscrit à maints égards comme un jour J pour chacun des protagonistes de cette joute finale au Qatar. Que triomphe l’esprit du football, un jeu, un sport qui a la magie d’ouvrir à jeunes et moins jeunes les portes du royaume d’enfance.
En ce moment une pensée au démiurge du football qu’on ne nomme plus nous interpelle, car comme s’accordaient à le dire les aînés, il y eut le football avant Lui, le football avec Lui et le football après Lui.
G. Théophile NOUATIN