mercredi, 29 octobre 2025 -

1571 visites en ce moment

Russie, Ukraine, Afrique : Les quatre semaines qui ont ébranlé Wagner




Le psychodrame russo-russe du 24 juin dernier autour de la mutinerie avortée de Wagner, et sa tentative de marcher sur Moscou, a laissé des traces à des milliers de kilomètres du Kremlin. Chez les alliés africains de la Russie, la présence de Wagner a tourné au casse-tête jusqu’à l’annonce, le 20 juillet, du redéploiement en Afrique des combattants engagés en Ukraine.

« Le problème du Mali n’est pas Wagner », assurait Abdoulaye Diop, ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale au sein du gouvernement de transition à Bamako, le 12 juillet dernier. Attention cher lecteur, il est une règle d’or en communication politique : quand le chef demande à ses seconds couteaux de sortir du bois pour éteindre un incendie, c’est que le problème qu’il tente d’atténuer est un gros problème.

Commençons par un rappel des faits. Dès son arrivée au pouvoir suite à son coup d’État de mai 2021, la junte militaire dirigée par le colonel Assimi Goïta avait choisi son camp : elle a fait appel au groupe paramilitaire russe Wagner, puis poussé vers la sortie l’opération française Barkhane. Tant que l’idylle entre Vladimir Poutine et Evgueni Prigojine – le patron de Wagner – était parfaite, les dirigeants africains attirés par les promesses sécuritaires russes n’avaient pas à se poser de questions.

Mais depuis, les masques sont tombés. Tout comme la cordiale entente entre Poutine et son ex-meilleur ami Prigojine, ce dernier n’ayant jamais mâché ses mots sur la stratégie russe, y compris en Afrique : « On se bat en Afrique parce qu’on nous a dit qu’on avait besoin de l’Afrique. Et, après ça, ils l’ont abandonnée. Ils [l’État-major russe] ont volé tout l’argent qui devait être utilisé pour aider les pays africains  », avait dénoncé le patron de Wagner au moment de son coup de force le 24 juin. Un mois plus tard, les choses ont bien changé.

Cartes rebattues ?
Fin juin donc, les cartes ont semblé être rebattues : les colonnes de blindés de Prigojine – mécontent du sort de ses miliciens en Ukraine – fonçaient sur Moscou avant que le patron du groupe Wagner ne se ravise. Depuis, Poutine et Prigojine ont entretenu le flou sur leurs stratégies respectives. Et ces dissensions ont vite dépassé les plaines ukrainiennes. Soudain, les pays africains, friands des pseudo exploits sécuritaires de Wagner, n’ont plus su à qui ils devaient leur allégeance. Car il ne faut pas se leurrer : aux premiers jours de la crise, et ce malgré leurs démentis, le Mali de Goïta, la Centrafrique de Touadéra et même le Faso du capitaine Traoré étaient bien embêtés. Qu’allait donc devenir Wagner en Afrique désormais ? D’autant que dans les pays voisins, les agissements du groupe paramilitaire étaient scrutés de près. Au Tchad surtout, où les rumeurs allaient bon train concernant une tentative de déstabilisation du pouvoir de Mahamat Idriss Déby.

Début juillet, qui donnait les ordres ? Officiellement, la Russie avait reconnu – par la voix de son ministre des Affaires étrangères Sergeï Lavrov – la « présence des instructeurs russes » de Wagner déployés dans le Sahel. Comprenez « des bataillons de mercenaires » et pas de simples formateurs censés conseiller les forces armées régulières. Nous les avons vu à l’œuvre d’abord en Centrafrique où ils sont grassement payés par le régime du président Faustin-Archange Touadéra, en monnaie sonnante et trébuchante mais aussi en contrats d’exploitation miniers et forestiers. Ensuite au Mali où ils ont fait du zèle à plusieurs reprises contre les jihadistes, aux côtés des FAMa, allant même jusqu’à perpétrer des massacres contre la population civile. Une question se posait donc : qui tirait vraiment les ficelles de la présence russe ? Que restait-il de l’agenda de Wagner en Afrique ? Et de celui du Kremlin ?

La Russie veut rester sous une forme ou sous une autre
Il ne faut évidemment pas chercher trace d’une quelconque critique à l’égard du groupe Wagner dans la presse des pays du Sahel où les oppositions sont muselées et où les voix dissidentes sont poussées à l’exil ou emprisonnées. Début juillet, plusieurs rumeurs ont d’abord relayé de grandes manœuvres en République centrafricaine, avec le départ de plusieurs dizaines d’hommes du groupe paramilitaire russe – jusqu’à 500 selon certains médias, partis vers la Libye puis la Biélorussie. Ces hommes auraient quitté 14 des 47 camps que Wagner tient dans le pays.

Tandis que le porte-parole de la présidence de la République Albert Yaloké-Mokpem minimisait l’événement en parlant d’un « mouvement de rotation et non de départ », d’autres observateurs voyaient là un changement notoire dans la stratégie russe : Moscou avait initialement envoyé un intermédiaire au front, Moscou est désormais en train de reprendre la main. Le choix a alors été laissé aux mercenaires de Wagner, dans le cadre de la réorganisation express des forces russes par le ministère de la Défense : soit vous intégrez le contingent russe présent sur place, soit vous partez. Poutine reprenait la main. « La République Centrafricaine a signé un accord avec le gouvernement russe, a alors expliqué une source gouvernementale au site d’informations Oubangui Medias. Même si les Wagner partent, la Russie sera toujours là et occupera les mêmes dispositifs. D’ailleurs, le gouvernement russe a rassuré ses partenaires qu’il sera toujours là. » Circulez, y a rien à voir. La situation sécuritaire en Centrafrique – à quelques jours du référendum constitutionnel du 30 juillet – ne laissera pas le choix au président Touadéra : il aura besoin des Russes pour sécuriser le scrutin. Et mieux en contrôler le résultat final, car ils sont également très efficaces dans ce domaine.

À Bamako, évidemment, on a regardé de près ce qui se passait à Bangui. Le colonel Assimi Goïta, qui n’a jamais caché sa satisfaction d’avoir fait appel à Wagner fin 2021, s’était retrouvé en porte-à-faux à cause des liens – tant au niveau sécuritaire que financier – tissés entre son pouvoir et le groupe paramilitaire dont le modèle financier est de se nourrir sur la bête. De l’obtention douteuse de permis miniers au trafic de drogue vers les Émirats du Golfe en passant par la création de société locales, les hommes de Wagner se sont rendus à la fois indispensables à la survie de la junte – quoi qu’elle en dise – et bien encombrants, suite au coup de force raté de Prigojine. Goïta et sa junte allaient bien sûr choisir leur camp. Et il y avait fort à parier que le scénario centrafricain se reproduise.

Wagner a encore des cartes à jouer
Dernier acte de cette pièce de théâtre qui se joue devant nos yeux : le 20 juillet, Evgueny Prigojine – alors en Biélorussie – a annoncé que ses hommes quitteraient le front ukrainien pour se redéployer… en Afrique. Finalement, le groupe Wagner demeure un outil essentiel dans l’arsenal du Kremlin. L’avenir dira sous quelle forme son influence perdurera : Poutine ne peut ni se permettre de laisser une trop grande indépendance au groupe Wagner, ni se départir de ses cruciaux atouts liés aux montages financiers de Prigojine. Le patron de Wagner semble irremplaçable : les bénéfices réalisés par ses opérations militaires alimentent l’effort de guerre russe et permet au Kremlin d’alléger les retombées financières de « l’opération spéciale  » en Ukraine. Car le nerf de la guerre, comme toujours, reste l’argent : et il faut bien reconnaître que le fonctionnement mafieux de Wagner a largement démontré son efficacité. Impossible dans ces conditions pour Vladimir Poutine de s’en séparer. Le chef du Kremlin a donc décidé de composer avec. Et de recomposer son dispositif militaire, tant en Ukraine qu’en Afrique.

Au Sahel, les grandes manœuvres ne font donc que commencer. Nos frères maliens ont même vu des panneaux d’affichages – en français – appelant au recrutement par Wagner de nouveaux éléments. Dans une interview exclusive à AfriqueMediaTV, Evgueny Prigojine a d’ailleurs rappelé ses priorités : « Bien sûr, nous allons continuer de travailler dans tous les pays d’Afrique où nous avons commencé à le faire. Il n’y aura pas de réduction de nos programmes en Afrique. » Quelle que soit sa forme ou sa hiérarchie militaire, la présence russe poursuivra donc ses objectifs initiaux : déstabiliser les régimes affaiblis, mettre sous tutelle ceux qui sont en demande de sécurité, séduire les militaires arrivés au pouvoir suite à des coups d’État, et surtout… mettre la main sur les ressources naturelles pour financer les efforts de guerre de Moscou. Les peuples d’Afrique et le développement de leur économie et de leur agriculture, eux, n’apparaissent jamais dans l’équation.

Ibrahim Touré

www.24haubenin.bj ; L'information en temps réel

Abonnez-vous à la chaîne WhatsApp officielle de 24h au Bénin, en cliquant ici, pour suivre les infos.

26 juillet 2023 par Judicaël ZOHOUN




Quand la régulation des jeux devient une affaire privée


13 octobre 2025 par Akpédjé Ayosso
Dans le secteur très lucratif des jeux et paris au Sénégal, la (…)
Lire la suite

Wilfrid L. do Rego analyse le bilan et donne ses points de vue sur les (…)


8 octobre 2025 par Judicaël ZOHOUN
Le 𝗕𝗶𝗹𝗮𝗻 𝗱𝘂 𝗠𝗶𝗻𝗶𝘀𝘁𝗲̀𝗿𝗲 𝗱𝗲 𝗹’𝗘́𝗰𝗼𝗻𝗼𝗺𝗶𝗲 𝗲𝘁 𝗱𝗲𝘀 𝗙𝗶𝗻𝗮𝗻𝗰𝗲𝘀 de 𝟮𝟬𝟭𝟲 à 2𝟬𝟮𝟯 (…)
Lire la suite

UBA renforce sa stratégie de croissance panafricaine, réaffirme son (…)


1er octobre 2025 par Judicaël ZOHOUN
UBA Plc, la banque africaine d’envergure mondiale, a réaffirmé son (…)
Lire la suite

« Préserver les acquis et poursuivre sur la lancée de développement et (…)


15 septembre 2025 par Judicaël ZOHOUN
« Préserver les acquis et poursuivre sur la lancée de développement et (…)
Lire la suite

Non, Madame la Vice-présidente n’a pas dit ça…


11 septembre 2025 par Judicaël ZOHOUN
« Un Président, ne devrait pas dire ça… ». La formule est désormais (…)
Lire la suite

Boni Yayi, prestidigitateur ou fossoyeur ?


10 septembre 2025 par Judicaël ZOHOUN
À force de distribuer des promesses contradictoires, Boni Yayi ne (…)
Lire la suite

Non, suspendre les élections ne sauvera pas la démocratie africaine


27 août 2025 par Judicaël ZOHOUN
Si vous avez envie de lire une nième incongruité d’un intellectuel et (…)
Lire la suite

Arrestations au Sahel : le signal des libertés en recul


13 août 2025 par Judicaël ZOHOUN
Le 1er août dernier, l’ex premier ministre malien, Moussa Mara a été (…)
Lire la suite

« On vous en doit une, Monsieur le Président »


27 juillet 2025 par Judicaël ZOHOUN
Le 1er Août 2025, notre pays, le Bénin célébrera le 65e anniversaire de (…)
Lire la suite

Manifeste pour un panafricanisme inclusif et productif !


14 avril 2025 par Judicaël ZOHOUN
L’Afrique, berceau de l’humanité, est malheureusement le continent dont (…)
Lire la suite

Les Afriques, contraintes du continent et prospection solutions


4 avril 2025 par Akpédjé Ayosso
Comme à son habitude, le Mouvement des étudiants panafricains de (…)
Lire la suite

Clash Trump-Zelensky : la suspension de l’aide militaire pour l’Ukraine


7 mars 2025 par Judicaël ZOHOUN
Ce lundi, le 3 mars, Donald Trump a ordonné une « pause » dans l’aide (…)
Lire la suite

Gabriele Leite : Décolonisation des Territoires


14 janvier 2025 par Judicaël ZOHOUN
Pendant longtemps, les grandes scènes de la musique classique ont privé (…)
Lire la suite

200 ans de la Promenade des Anglais


23 décembre 2024 par Judicaël ZOHOUN
La Promenade des Anglais a été inaugurée en 1824 grâce à l’initiative (…)
Lire la suite

MANIFESTE POUR LA NATIONALITÉ FRANÇAISE DES DESCENDANTS DE TIRAILLEURS


1er décembre 2024 par Judicaël ZOHOUN
(Par Aliou TALL, président du RADUCC) Préambule. A l’occasion du (…)
Lire la suite

L’Afrique se déshonore à encourager la chasse à la baleine à la (…)


16 septembre 2024 par Judicaël ZOHOUN
Nous appelons les dirigeants de nos pays à cesser de soutenir la chasse (…)
Lire la suite

Hommage à Amilcar Cabral gênât penseur de la révolution africaine


8 septembre 2024 par Judicaël ZOHOUN
Amilcar Cabral (12 septembre 1924 – 20 janvier 1973 à Bafata), dont le (…)
Lire la suite

A LA REDECOUVERTE DE L’OEUVRE INTEMPORELLE DE JACQUES ROUMAIN, écrivain (…)


18 août 2024 par Judicaël ZOHOUN
Quatre-vingts années se seront écoulées. Le 18 août 1944, Jacques (…)
Lire la suite




Derniers articles



Autres vidéos





Les plus populaires