430 visiteurs en ce moment
Au Bénin, un enfant sur deux n’est pas mis au sein dans la première heure de sa vie, selon L’UNICEF. Et pourtant le colostrum, premier aliment du nouveau-né est riche en éléments nutritifs et de défense indispensables pour la survie de l’enfant.
Reine H. est maîtresse couturière à Cotonou, la capitale économique du Bénin. La trentaine, forte et de taille moyenne, elle est mère de deux enfants dont le dernier, Cédric, a 5 ans. Reine n’a pas eu la chance de nourrir ses deux enfants immédiatement au lait. « Après l’accouchement qui a eu lieu à 20h, ce n’est qu’à 5h du matin que la sage femme m’a mise en contact avec mon bébé pour le mettre au sein », nous a-t-elle confié d’un air évasif. Plus loin, toujours à Cotonou au quartier Midombo, dans le 3ème arrondissement, une autre maman se désole. Aurore, âgée de 22 ans et vendeuse ambulante de détergents en poudre, n’a aussi pas eu la chance de mettre son enfant de 3 mois au sein dans la demi-heure qui a suivi l’accouchement. Bougnon, également nourrice, vivant dans la partie septentrionale du Bénin, a mis son enfant au sein avec un grand retard, pour cause de complications après l’accouchement. Comme ces mamans, plusieurs autres parturientes ne se retrouvent pas en couple avec leur bébé pour les mettre immédiatement au sein après la naissance. Le constat est le même que l’on soit en milieu urbain ou rural. En témoignent les chiffres de l’enquête par grappes à Indicateurs Multiples (MICS5), réalisée en 2014. Selon cette source, le pourcentage d’enfants mis au sein précoce dès la première heure de naissance reste faible. Il est de 46.6 %.
Or le colostrum, premier liquide jaunâtre produit à faible quantité par la maman juste après la naissance est très nourricier et protecteur pour le bébé. Selon Mme Jeannine AGBO-MONLEMEY LAWANI, sage-femme spécialiste en Nutrition-Diététique, c’est au regard des bienfaits de ce liquide pour la bonne croissance du nouveau-né que l’OMS recommande à toute femme de mettre au sein son bébé au cours de la première demi-heure qui suit l’accouchement.
Bienfaits de la mise au sein précoce pour le bébé
Le contact précoce entre le nouveau-né et sa mère présente bien des avantages pour le bébé. Selon les spécialistes en allaitement, on désigne par mise au sein précoce, un allaitement qui a débuté dans les 2 heures après l’accouchement. Cette pratique essentielle, est l’un des facteurs qui déclenchent la montée du précieux liquide jaunâtre connu sous le nom de colostrum dans le sein. Puisque, c’est dans les heures qui suivent la naissance que le réflexe de succion du nourrisson est au maximum. Selon les études en la matière, la pratique permet au bébé de se réchauffer et d’améliorer surtout son bien-être. Pour le spécialiste en nutrition diététique, Armand ACAKPO, le colostrum est le premier lait du bébé qui évolue vers le lait mature au bout de quelques jours. Très précieux, le colostrum est produit en faible quantité par la mère avant la montée du lait. « Ce liquide jaunâtre est une substance extrêmement riche en anticorps, en graisses, en sels minéraux. Il est facile à digérer et favorise l’élimination du méconium (substances accumulées au cours de sa vie intra-utérine) de l’intestin du bébé avant que les selles proprement dites n’apparaissent », a-t-il précisé.
Aussi, le colostrum est-il un riche élément de défense. Il contient certains facteurs qui diminuent l’incidence de certaines maladies chroniques ou infectieuses chez le nouveau-né telles que les otites moyennes, les gastro-entérites (diarrhées…), le diabète, l’asthme et les maladies cardio-vasculaires. Ce liquide est rempli de vitamines telles que la B12, nécessaire pour le développement du système nerveux, mais aussi d’oligo-éléments comme le zinc, le cuivre etc.
Victor Adéoyé, major au centre de santé de Kouandé dans le nord du Bénin, assure que le colostrum du point de vue de ses composants, est un aliment de choix, tout à fait adapté aux besoins de l’enfant pendant les 48-72h qui suivent sa naissance. Mieux l’Organisation mondiale de la santé (OMS), fait observer qu’en commençant l’allaitement au sein dans la première heure qui suit la naissance, on diminue les risques de décès néonatal de 44 %.
La conseillère principale sur la nutrition de l’UNICEF, France Bégin, ne dira pas le contraire. Elle soutient que « Faire attendre les bébés trop longtemps pour avoir un premier contact critique avec leur mère une fois sortis de l’utérus diminue les chances de survie du nouveau-né, limite la production de lait et réduit les chances d’un allaitement exclusivement maternel ». Ainsi, la mise au sein précoce est bénéfique pour la mère mais aussi capitale pour la suite du processus d’allaitement
Un acte de réflexe
Selon la sage-femme spécialiste en nutrition-diététique, la première tétée immédiate permet au corps de la nouvelle maman de produire un trop-plein de lait car, c’est le bébé qui donne la cadence de production adaptée à ses besoins. Plus la mise au sein est précoce, plus vite la mère aura du lait et l’allaitement maternel exclusif serait une réussite. Elle favorise aussi non seulement l’attachement parents-enfants mais aussi la délivrance. « Les mises au sein très précoces ont un double rôle préventif pour la mère. Elles préviennent la parturiente des hémorragies de la délivrance et des engorgements mammaires, précise la spécialiste. C’est pourquoi, soucieux du bien-être des couches vulnérables que sont la mère et l’enfant, le gouvernement à travers le ministre de la santé Alassane Séidou a, lors de la cérémonie de lancement de la Semaine Mondiale de l’Allaitement Maternel (Smam), à Lobogo, dans le Mono, le 04 octobre 2016, exhorté tous le personnel des maternités à faire de la mise au sein précoce, un acte de réflexe toutes les fois qu’un enfant naît.