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Société

L’encadrement sexuel des fidèles dans les mouvements religieux à Cotonou




Au Bénin prévaut un contexte traditionnel où les relations sexuelles sont tues,cachées par le voile de la pudeur, de l’intime et de la discrétion. De plus en plus, cette image traditionnelle se déforme ou se reforme au gré des aléas du temps, de la pénétration des pratiques étrangères au cadre normatif, social et culturel béninois et dans une certaine mesure africain. Conséquence, les pulsions sexuelles se libèrent en marge des règles sociales, donc de plus en plus tôt relativement à l’âge biologique, échappant au contrôle social, parfois sans limite et motivées par des mobiles qu’il serait intéressant de visiter.

Fabrice V. TEKOU

Le langage des fautes et faux pas à éviter au niveau parental croise celui des bandes et cohorte accusateur de déficience, fichant les principes normatifs comme aiguillons des attardés. Que font alors les mouvements religieux en grande prolifération à Cotonou en matière de mesures d’ajustement des comportements sexuels des fidèles au regard des dérives devenues une part assez visible du drame silencieux d’humanité en mal de repères auquel on assiste impuissant depuis un certain temps avec le premier rapport sexuel à moins de neuf ans d’âge ?
L’implication des mouvements religieux en matière de comportement sexuel a un lien évident avec la dynamique religieuse elle-même, notamment dan son rapport à la morale et de par certaines traditions et ou institutions. Ce travail s’est beaucoup plus intéressé aux micro-espaces chrétiens.
Historiquement situé, tout part des prémices de la transformation de l’aveu dans le concile de Latran en 1215 puis à l’occasion de la Réforme et de la Contre Réforme au XVIe siècle (1976). C’est là, l’expression du fondement religieux. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe et de manière plus marquée du XIXe siècle que les techniques de l’aveu croisées avec la « discursivité scientifique » (1976 : 91) qui donnera naissance à la psychanalyse (Jaspard, 2005) aboutissent à l’émergence de la « sexualité » en tant que savoir-pouvoir. Plus tard, suivra la transformation des représentations du sexe et l’évolution des régimes de la confession, de la pastorale catholique et du sacrement de pénitence institués par le Concile de Trente en réaction à la Réforme avec pour conséquence l’extension de l’aveu, et de l’aveu de chair qui s’est rapidement accru. Par ailleurs, le rapport au sexe connaît une autre évolution sous les effets du progrès économique et scientifique avec la montée d’une conscience immédiate de consommation, fruit des principes capitalistes dominants appelés à s’universaliser comme les valeurs de la modernité.
Face à tout ce développement, les sociétés africaines ont à peine suspecté les enjeux et les dangers d’une telle évolution par rapport aux effets sur les valeurs et pratiques traditionnelles qui étaient les leurs. Elles semblent prises au piège d’une ouverture continue à l’infini, sans précautions avérées entourant les mœurs et la philosophie morale de base qui organise et dynamise les normes morales de la vie sexuelle. Les figures d’autorité au sein des sociétés traditionnelles africaines qui par leur simple
présence garantissaient le respect de ces normes depuis le domaine des permis jusqu’aux frontières des interdits, s’effacent avec une dénégation progressive de leur rôle et de leur importance, aidés par des conflits intrafamiliaux, une crise de confiance généralisée due aux représailles cultuels et le rétrécissement, voire même la remise en cause du vaste domaine occupé par l’irrationnel. Ce processus libère de l’espace aux nouveaux fondements de la vie sexuelle mus par des règles multiples
et diversement employées par les individus pour orienter leurs comportements. Reste à savoir si ces règles indiquent vraiment ce qui est valorisé. Lorsqu’on sait que l’encadrement des conduites humaines appelle parfois des règles assorties de sanctions, on se demande comment s’y prennent les mouvements religieux dans l’observance par leurs fidèles des normes éditées et quelles sont les techniques de contrôle ?
Le rôle et la place de ces mouvements religieux dans l’édition des normes sexuelles ainsi que ses outils ou techniques de contrôle de leur respect sont organisés selon l’esprit de chapelle. Le discours religieux sur le sexe étant envisagé toujours délicat à aborder avec les fidèles, avec la pudeur et le silence, parfois le secret entourant les questions relatives aux relations sexuelles. Le concept de « sexualité » même tel que mis en lumière par M. Foucault soit en tant qu’ensemble de pratiques, de comportements, de conduites, de sensations, de plaisirs liés au sexe (Foucault, 1976 : 204) est culturellement marqué par une dimension sacrée. Ainsi s’ouvre en premier lieu une perspective du rapport sacré/profane constitutif de l’ordre normatif. Ce rapport sert à légitimer le discours religieux sur les comportements sexuels. Il s’épanouit assez aisément dans la conception chrétienne du salut par la fuite du monde et du monde profane qui tend à corrompre le corps ou la chair appelée à la purification. La prégnance d’une telle conception traverse les prêches au quotidien aussi bien dans les Eglises catholiques que dans les mouvements religieux.
En second lieu, la société humaine, ses dimensions sociales, économiques et politiques ont besoin d’un minimum d’organisation, reconnue par tous y compris des mouvements religieux qui se donnent pour mission entre autre d’y participer selon le plan divin. Dans cet esprit, il est un rôle important que de préparer, de bénir et de sanctifier le mariage comme le fondement de la vie en famille et non l’expérimentation réussie de la vie familiale comme fondement du mariage. Dans cette vision, c’est la vie sexuelle maritale qui est encadrée religieusement sur la base de dogmes vétéro-testamentaires. La plupart des règles font référence aux Écritures. En permettant de sanctifier le mariage avec pour objet principal tout ce qui se rapporte aux organes, le corpus de règles vise à protéger contre l’impureté
perçue comme ayant trait aux organes sexuels en activité ou tout ce qui a trait de près ou de moins près à une relation sexuelle et au plaisir qui peut en découler hors le mariage.
La relation sexuelle des non mariés est donc proscrite car jugée impure. Mais, l’activité sexuelle jouissant du seul jugement de la conscience individuelle parce que relevant de l’ordre de la sphère privée continue au niveau des fidèles non mariés bien que passée sous silence en matière d’encadrement. Pour autant les relations sexuelles hors mariage aboutissant à la procréation, elle reste régulable au niveau religieux, convoquant le temps comme le seul facteur de plasticité. Par contre, les
périodes et les occasions au cours desquelles les relations sexuelles sont interdites restent une prescription pour les époux sans négliger tout le tabou dont elles font aussi l’objet. Dans le même temps, de nombreux béninois, fidèles de différents mouvements religieux continuent de vivre simplement en union dans une situation moins établie sans qu’il y ait d’autres pratiques pour « encadrer » explicitement la vie sexuelle de ces derniers en l’état actuel des connaissances sur le sujet.
Le discours normatif précise les règles matrimoniales tandis que les dérives sexuelles dressent un tableau inquiétant des choix sexuels motivés par des conditions extérieures, souvent sans la moindre interférence religieuse en dehors des pénitences pour péchés confessés s’il y a lieu. Les mouvements religieux au Bénin se servent des règles et références bibliques, mais n’ont pas d’agents susceptibles
d’en vérifier l’observance. Ils ne disposent pas non plus d’un ensemble de sanctions hiérarchisées préétablies. Ce qui fait que les fidèles se font leurs propres règles taillées sur mesure et par des arrangements négociés entre conjoints. Le non respect desdits engagements entraine au cas échéant et à fortiori dans la durée un corolaire de problèmes, de recours informels multiples pour déboucher enfin de compte sur des cérémonies de régulation, parfois au soir de l’existence.
Dans ces conditions, le mariage existe et fait entrer dans un espace de règles mais sans pour autant empêcher d’une quelconque manière la possibilité pour les fidèles non mariés de s’unir sexuellement.
Certes, il y a omniprésent le discours de la transgression des commandements, mais il y a aussi les pratiques intra-mouvement connues des fidèles qui jouent le rôle de guide à l’action de ces derniers. Au regard des observations menées, les données sont délicates à collecter de manière systématique et certaines données ne sauraient être citées ici sans heurter la sensibilité morale des uns et des autres.
Pour faire corps néanmoins avec ce qui vient d’être développé, il nous semble opportun de partager quelques données factuelles. Il nous est revenu d’une façon vraisemblablement fréquente des récits poignants avec quelques éléments péniblement visualisable de relations sexuelles entre les enfants d’un âge bien bas (7-9 ans) dans certains mouvements, des fois entre ces derniers et d’autres enfants
adolescents (12-16 ans). Chez les adultes, ces relations sexuelles ont lieu entre des maîtres de maison et leurs servantes, tous fidèles d’un même mouvement religieux soit par désir commun ou par jeu de domination. D’autres témoignages de relations sexuelles entre les fidèles accompagnés et leurs accompagnateurs sont légion et parfois entre les pasteurs et leurs servantes, de surcroit mariées.
Aujourd’hui plus que jamais, cette situation implique un retour au travail d’encadrement sexuel des fidèles dans les mouvements religieux à Cotonou. Le cadre œcuménique serait-il inadapté pour se pencher sur la question au regard de la récurrence des problèmes ? Ou devons-nous considérer ces pratiques contraires aux discours religieux comme une sorte d’héritage culturel à perdurer tout en leur changeant vaguement de forme au fil du temps ? Ces questions demeurent entières en l’état actuel de nos recherches sur ladite problématique.

Fabrice V. TEKOU, Sociologue, Analyste des enjeux sociaux
24 HEURES AU BENIN

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