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Le vodoun, culte endogène largement répandu au Bénin est généralement matérialisé par un Lêgba, une figure anthropomorphisée réalisée à base de l’argile ou de latérite selon les milieux, et à laquelle on fait correspondre les yeux (souvent des cauris), un nez, une bouche, deux cornes, etc. Le Lêgba porte, parfois dans sa représentation un phallus, l’organe reproducteur masculin, très imposant, toujours debout et bien tendu, et qui suscite curiosité.
Installé à l’entrée des maisons ou aux abords d’intersections principales des villages ou quartiers de ville, la mission principale du Lêgba est de ‘’stopper net’’ toute menace de l’ennemie en direction de la concession ou du village qu’il garde. Quelle que soit la forme qu’on lui donne, l’élément distinctif du Lêgba est son phallus en érection permanente.
Dans la culture Fon, le phallus tendu est symbole de virilité et de procréation.
« Un homme qui ne bande pas, n’en est pas un. Il est moins qu’une femme », entend-on souvent. On dit encore de lui « qu’il n’est pas vivant ».
Le Lêgba avec son phallus bien érigé est considéré comme un bon mâle.
Selon Edouard Nakanhoundé, dignitaire vodoun à Têgon Sassa dans la commune de Zogbodomey, le Lêgba tire sa force ou sa puissance du phallus qu’il porte. C’est l’arme par lequel il parvient à accomplir toutes les missions (en bien ou en mal) qu’on lui confie, a-t-il informé.
Le dignitaire explique que c’est par le phallus que le Lêgba voit. C’est à travers le phallus qu’il se nourrit également. A en croire Edouard Nakanhoundé, le phallus en érection permanente est parfois utilisé pour le traitement des dysfonctionnements érectiles chez l’homme. On l’utilise aussi à l’occasion de cérémonies de purification de la femme qui commet l’adultère, a confié le dignitaire vodoun.
Le phallus qui est une représentation du sexe masculin selon le professeur Raymond Assogba, enseignant chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), n’est pas imaginé sans les deux testicules, et une base terrestre (pubis), expression de la réalité terre. C’est une représentation de l’intemporalité, a-t-il ajouté. Sa verticalité traduit le rapport entre le ciel et la terre ; ce qui est de l’ordre des idées, le haut « dji » (ciel), qui surplombe et qui peut étonner, ou encore, ‘’la pluie’’, a expliqué le sociologue. Pour lui, c’est « une réalité métamorphisée pour traduire un rapport au sens, la façon dont on conçoit la vie, où l’homme n’est pas un vers de terre ». « Il est quelqu’un qui n’existe que par rapport à ses activités. La verticalité traduit l’activité, la proportion de l’être qui veut exister, qui veut s’arracher au néant. Le flux d’énergie que l’homme a, et qui lui permet d’aller à la conquête de la vie active », a-t-il poursuivi.
Rôle du Lêgba dans la société
Selon dah Akoho Lêgbanon, responsable de vodoun Akpodokouin à Bohicon, le Lêgba est le premier des vodouns. « C’est lui qui précède la sortie de tous les vodouns. S’il ne sort pas, aucun des autres vodouns ne sort », a souligné le vieil homme, signifiant que c’est le « Houndaho ».
Pour le sociologue, en tant que premier des vodouns, le Lêgba sort pour mettre chaque chose à sa place, pour établir l’organisation de ce qui va se faire, maintenir chaque chose à sa place, et certifier que l’ordre de réception de la sortie des vodouns est assuré.
En même temps, par rapport à chaque sphère, le Lêgba détermine les désordres qui peuvent surgir, les gère et les maintient à leurs niveaux, puis à la fin, raccompagne les vodouns dans le couvent, a clarifié le professeur.
L’autre qualité du Lêgba à l’en croire, est de voir dans le pagne noir l’indistinct dans l’obscurité ; « rien ne doit lui échapper », a confié Raymond Assogba. Selon lui, le Lêgba joue un « rôle d’élément structurel de gestion de tout ce qui peut entraîner le désordre dans la vie ». « C’est un élément magnétique de prospective des menaces qui existent, des perturbations par rapport à l’acte que l’individu porte. Quand l’individu fait quelque chose, en même temps qu’il atteint ses objectifs, quelque part, génère du désordre, il perturbe l’ordre », a-t-il expliqué. L’enseignant chercheur a précisé que le Béninois à partir de ses performances intellectuelles et cognitives, utilise le Lêgba pour aménager l’espace. Raison pour laquelle les rois l’implantaient sur les territoires conquis afin de garantir la sécurité.
Selon le sociologue, le Lêgba est « une institution dans le système de pensée du Bénin. Il fait partie des concepts que les ancêtres avaient utilisés pour « organiser et construire intellectuellement le rapport à leur existence, et le rapport à la nature, à l’extériorité, à l’autre ». « C’est un élément du vodoun », a-t-il précisé.
Typologie du Lêgba
Il existe trois types de Lêgba. Edouard Nakanhoundé distingue le Dôlê Lêgba, le Houn-Lêgba, et le Hounnoukon-Lêgba ou le Tô Lêgba.
Le Dolê Lègbâ est individuel, et propriété de la personne qui a reçu son Fâ. Le Houn-Lêgba appartient au dignitaire qui reçoit un vodoun (Sakpata, Heviosso, Lissa, etc). Le Hounnoukon-Lêgba ou Tô-Lêgba enfin, est propriété de toute la communauté, et responsable de tous les vodouns.
Pour dah Akoho Lêgbanon, c’est un « Akpawavodoun » (le dieu des alliances). Sa particularité est qu’il repose sur les 256 signes du Fa.
Outre ces trois types de Lêgba, on distingue également le Honto-Lêgba et le Houé-Lêgba, souvent érigés pour protéger et gérer l’ordre dans la maison. Tous ces Lêgba, selon Edouard Nakanhoundé, sont porteurs du phallus.
F. A. A.
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