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Une nouvelle Fédération en Afrique de l’Ouest pour une vraie indépendance : La fédération Sahélo-Guinéenne

Par Edgard Gnansounou




Cotonou, le 1er août 2019,
Un projet ambitieux mais nécessaire
Le colonisateur français avait cru bon de fédérer ses colonies pour mieux les administrer. La Fédération de l’Afrique Occidentale Française (AOF) regroupait huit colonies entre 1895 et 1958. Cette fédération ne procédait pas d’un choix librement consenti par les pays membres mais était le fait du maître. Elle avait pourtant le mérite d’être rationnelle, réduire les coûts de la gouvernance des colonies. Les débats contradictoires entre les leaders de ces colonies pour savoir si nous devions accéder à l’indépendance formelle ensemble avec une AOF émancipée ou séparément ont vu vaincre le camp de Houphouët-Boigny plus favorable aux intérêts du gouvernement français sur les fédéralistes de son propre parti (le Rassemblement Démocratique Africain RDA) et surtout sur ceux du Parti du Regroupement Africain PRA et du Parti des Fédéralistes Africains (PFA). Mais cette histoire est aujourd’hui bien loin de nous car en 59ans nous avons été tous conditionnés par la fragmentation résultant de cette victoire du camp des promoteurs de l’indépendance dans la dépendance à la France. En réalité, elle est plus proche de nous qu’il ne semble, il suffit de faire le bilan de l’existant pour s’en convaincre.
Notre voisin le Nigéria compte aujourd’hui 36 états. Celui de Lagos est plus peuplé que notre pays le Bénin. Ces nombreux Etats qui constituent le Nigéria sont-ils jaloux de ne point jouir de la souveraineté internationale dont nous nous enorgueillissons si tant ? Et si la voix du Bénin vaut celle du Nigéria dans les sommets de la CEDEAO, comme elle vaut celle de la Chine aux Nations-Unies, à quel rapport de forces, cette comédie diplomatique correspond-elle ? Nous devons être conscients que la paralysie de nos organisations sous régionales vient de la prévalence des apparences sur la réalité.
Le Nigeria réunit aujourd’hui 52% de la population de l’Afrique de l’Ouest et produit chaque année 70% de sa richesse. A côté de la première puissance économique de l’Afrique, on trouve 14 autres petits pays qui ont pourtant la prétention d’avoir le même poids qu’elle dans les décisions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Notre pays, le Bénin fait partie de ces 14 pays. Notre économie est influencée par ce qui se passe chez notre grand voisin. Elle est aussi influencée par le cours international du coton et doublement par celui du pétrole. Doublement parce que d’une part nous sommes importateurs de pétrole, et d’autre part cette matière première fournit l’essentiel des recettes d’importation du Nigéria. Une partie importante de la santé de notre économie est indépendante de notre volonté. Certes, nous pouvons faire des efforts de diversification économique mais ils ont leur limite. Pour lutter contre la pauvreté, notre économie doit connaître une croissance économique à deux chiffres pendant plusieurs décennies, une croissance inclusive. Comment y parvenir si ceci ne dépend que partiellement de notre volonté ? Un autre pays pauvre, l’Inde y parvient parce qu’il peut notamment compter sur un marché intérieur de près de 1,4 milliard de consommateurs. On peut être un petit pays et être riche mais il faut exceller dans des créneaux pour lesquels la concurrence internationale est très faible. En général, la prospérité économique d’un pays se construit d’abord à partir de son marché intérieur ; les organisations d’intégration régionale telle que l’UEMOA et la CEDEAO offrent des tentatives de solution à la fragmentation des marchés intérieurs nationaux. Mais la lenteur de mise en œuvre de ces solutions montre qu’elles ne sont pas à la mesure des enjeux. Il nous faut agir, de manière plus radicale, sur notre environnement géopolitique. C’est une œuvre ambitieuse mais nécessaire.

Emanciper l’UEMOA du poids de l’ancienne métropole coloniale
L’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) réunit principalement les anciennes colonies françaises. Elle garde avec l’ancienne métropole des liens privilégiés aussi bien pour ses importations que sa monnaie, le Franc CFA. Les 50% des réserves de ces pays sont gérées par le trésor français qui offre à ces pays le privilège d’avoir une devise adossée à l’euro par un taux de change fixe. Il s’agit là d’un cadeau empoisonné qui dope les importations de biens de consommation par l’élite urbaine de ces pays, renchérit le coût de la vie dans ces pays et favorise le maintien d’économies d’exportation de matières premières peu élaborées donc des économies structurellement vulnérables. A part la Côte d’Ivoire dont la matière première le cacao se trouve sur un créneau spécifique, tous les 7 autres pays ont montré, chaque année, une balance commerciale structurellement déficitaire ces trente dernières années. Par ailleurs, l’existence même de l’UEMOA consacre une détermination de ces pays sur la base de références néocoloniales que seul un pragmatisme empreint de passivité pourrait justifier. Au moment où nous célébrons les 59 ans d’accession formelle à la souveraineté internationale, comment pourrions-nous continuer à rester insensible à ce nœud qui enserre tout discours sur l’indépendance dans une incohérence assumée avec tant de légèreté que nous devrions nous pincer pour y croire. Nous devrions une fois pour toutes nous libérer du poids que maintient l’ancienne métropole coloniale sur cette institution sous régionale. Ceci dépend principalement de nous et ne constitue nullement une offense au peuple Français. La France a aujourd’hui intérêt à coopérer avec une Afrique de l’Ouest forte, capable de défendre ses intérêts, elle a davantage intérêt à un être un partenaire apprécié dans cette région à fort potentiel économique. Elle peut y parvenir si elle prend conscience du fait que les aspirations des populations vont de plus en plus prendre les chemins de l’émancipation. Les intérêts de l’Etat Français coïncideront de moins en moins avec ceux des lobbies français présents en « Afrique francophone » pour lesquels la monnaie et les différents accords de coopération ont été taillés sur mesure. Les partenariats économiques des pays de l’UEMOA se diversifient de plus en plus ; la Chine y joue un rôle grandissant, de même que le Nigéria. La tutelle française doit disparaître ; elle est pesante et grossière. Elle doit faire place à une coopération plus normale n’en déplaise aux partisans du statu quo ante aussi bien en France que dans les ex colonies.
Fédérer les pays de l’UEMOA après son émancipation de la France avec six autres pays de la CEDEAO
Une fois émancipée de l’emprise de l’ancienne métropole coloniale et de ses lobbies, la nouvelle organisation pourra accueillir en son sein, la Guinée, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, la Gambie et les Iles du Cap-Vert. Ces quatorze pays constitueraient une nouvelle fédération : la Fédération Sahélo-Guinéenne, une fédération entre les pays du Sahel et du Golfe de Guinée.
La création de cette fédération ne signifie pas la fin des Etats qui la constitueraient. Ces Etats partageraient leur souveraineté avec l’Etat fédéral mais resteraient maîtres de leurs ressources naturelles. La gestion de chaque pays serait davantage tournée vers l’intérieur. Certes, les dirigeants qui le voudraient auraient désormais moins d’occasions de pavoiser dans les arènes internationales et on verrait moins de dames africaines aux bijoux d’or et de diamant occulter le vécu difficile de leurs compatriotes ; mais qui s’en plaindrait ?
En 2050, la Fédération Sahélo-Guinéenne serait aussi peuplée que les Etats-Unis d’Amérique et l’Afrique de l’Ouest aurait deux fois la population de ce pays. La liberté de circulation des personnes et des biens serait une réalité dans la nouvelle fédération, ce qui implique qu’ensemble nous devrons affronter les menaces à notre sécurité collective. Parmi ces menaces figure le djihadisme qui prospère à nos portes nous autres Béninois et que nous continuons de voir loin, chez les autres. Nous aurions plutôt tendance à croire qu’il faut laisser nos voisins avec leurs djihadistes et ne surtout pas fraterniser avec eux au sein d’un même Etat fédéral. Mais dans notre fort intérieur, nous savons que la menace n’est pas bien loin et que continuer dans cette passivité résulte d’une myopie coupable.
Par ailleurs, avec le changement climatique, la fréquence des épisodes de sécheresse aura tendance à croître, de même que les déplacements de populations des zones semi-arides vers le golfe de Guinée. Il nous appartient d’anticiper ces migrations en construisant un continuum politique et économique permettant de gérer un futur commun sans heurts, un futur harmonieux pour tous. Le Golfe de Guinée développerait sa façade maritime de manière complémentaire là où une compétition construite sur des fonctions portuaires fragmentée ne permet pas de parvenir aux économies d’échelle suffisantes pour soutenir la concurrence internationale.
Ainsi, la Fédération Sahélo-Guinéenne serait la deuxième fédération de l’Afrique de l’Ouest et lancerait avec la Fédération Nigériane une nouvelle dynamique économique et politique qui ferait de l’Afrique de l’Ouest un des premiers pôles économiques en Afrique, un pôle attrayant pour les investisseurs si nous parvenons tous ensemble à créer les conditions de stabilité institutionnelle nécessaires. Ceci n’est possible que si nous nous accordons sur les valeurs qui doivent guider à cette fédéralisation

Les valeurs émancipatrices qui devraient soutenir la fédéralisation de l’Afrique de l’Ouest
Le point de départ de ces valeurs est le Traité de la CEDEAO qui affirme les principes suivants :
1) égalité et interdépendance des Etats membres ;
2) solidarité et autosuffisance collective ;
3) coopération inter-Etats, harmonisation des politiques et intégration des programmes ;
4) non-agression entre les Etats membres ;
5) maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionale par la promotion et le renforcement des relations de bon voisinage ;
6) règlement pacifique des différends entre les Etats membres, coopération active entre pays voisins et promotion d’un environnement pacifique comme préalable au développement économique ;
7) respect, promotion et protection des droits de l’Homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;
8) transparence, justice économique et sociale et participation populaire au développement ;
9) reconnaissance et respect des règles et principes juridiques de la Communauté ;
10) promotion et consolidation d’un système démocratique de gouvernement dans chaque Etat membre tel que prévu par la Déclaration de Principes Politiques adoptée le 6 juillet 1991 à Abuja.
Ces valeurs ont déjà été adoptées par chaque Etat membre de la CEDEAO mais qui peut affirmer aujourd’hui, sans rire, qu’elles sont respectées ?
Elles devront être renforcées au sein de la Fédération Sahélo-Guinéenne et une Cour de Justice Fédérale veillerait, de manière rigoureuse, à leur strict respect. Ceci implique donc un certain niveau de partage donc de perte de souveraineté de chaque Etat.
A ces valeurs, il faudrait ajouter de nouveaux principes, à titre d’exemple et pour nourrir le débat, j’énonce quelques-uns ;
11) chaque Etat garde la souveraineté sur ses ressources naturelles ;
12) égalité des droits politiques entre les citoyens, ce qui implique une décentralisation politique et une déconcentration effectives de l’Etat ;
13) démocratie libérale sans aucune limitation des droits politiques des citoyens ;
14) redevabilité politique à tous les niveaux ; le pouvoir politique émane du peuple constitué de l’ensemble des électeurs au niveau idoine ; chaque élu doit rendre compte aux électeurs pendant son mandat et à la fin de son mandat ; des élections régulières doivent être organisées dans des conditions de liberté, de transparence, de sincérité et les résultats proclamés doivent être conformes aux suffrages exprimés ;
15) respect scrupuleux du droit à l’information, ce qui implique le refus de tout monopole sur les médias et en particulier sur les médias publics qui doivent donc garantir un libre accès à tous les courants politiques représentatifs ;
16) neutralité de l’Etat dans son rôle de régulation sociale et économique, ce qui implique le refus catégorique de tout conflit d’intérêt, de tout privilège et de toute forme de corruption, à quelque échelle que ce soit de l’Etat et à fortiori à la tête de l’Etat ;
17) fondement laïc de chaque Etat ; chaque citoyen a le droit de croire ou de ne pas croire et l’exercice de toute pratique spirituelle, à l’exception des sectes interdits par la loi, relève exclusivement de la sphère privée et du choix libre des individus ; la gouvernance ne s’appuie sur aucune religion, aucune pratique ou expression spirituelle ;
18) respect scrupuleux de l’Etat de droit, ce qui implique la séparation effective des pouvoirs (exécutif, législatif, et judiciaire) et le recours à des modalités d’élection garantissant ce principe ;
19) mutualisation de la souveraineté internationale, de la défense et des grandes politiques d’infrastructures (énergie, communication, télécommunication) ;
20) subsidiarité dans la gestion des affaires économiques et de la vie quotidienne.

Eviter toute fuite en avant
Promouvoir la création de la Fédération Sahélo-Guinéenne ne doit pas être une fuite en avant, une manière d’éviter la lutte pour améliorer la gouvernance politique et économique dans nos pays. Cette lutte est complémentaire, voire nécessaire à la réalisation effective de la fédéralisation. Elle pourrait s’appuyer sur les principes fondateurs de le Fédération. Ainsi nous pourrons aussi mutualiser les luttes pacifiques en cours dans les différents pays en vue d’améliorer la gouvernance et de permettre un développement socio-économique porteur d’émancipation et d’épanouissement individuel et collectif.
Face aux périls d’aujourd’hui et pour anticiper ceux de demain, notre génération doit être dans la co-production du quotidien mais guidée par une vision émancipatrice. Nous n’avons pas le droit de nous limiter à bien gérer le monde dont nous avons hérité. Nous avons le devoir de le changer en profondeur afin que les ressources de nos pays soient réservées à l’épanouissement des populations. L’Afrique de l’Ouest doit cesser d’être un dépôt de matières premières pour le développement des autres. Notre élite doit cesser d’être grassement entretenue pour maintenir le rôle d’exportateur de biens primaires et d’importateurs gourmands de biens de consommation auquel nous avons été collectivement conditionnés. Nous devons ensemble sortir par le haut en tournant le dos à la fragmentation et à toutes les diversions terroristes visant à affaiblir structurellement le rôle régulateur de nos Etats. C’est aujourd’hui qu’il faut agir pour éviter que ne se poursuivent avec plus de vigueur le spectacle honteux et dramatique de « boat-peoples » africains échouant dans les eaux troubles de la Méditerranée.

*Edgard Gnansounou est Professeur à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et Président de la Communauté des Béninois de Suisse (CBS)

Contact : edgard.gnansounou@gmail.com

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