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Dans la commune d’Athiémé (département du Mono), les descendants du fondateur Donou Diti perpétuent une tradition vieille de centaines d’années. Il s’agit du lancement de la saison de pêche dans le grand étang intarissable ‘’bossou-gouin’’.
Assédji. Un village situé à quelques mètres du centre-ville d’Athiémé (département du Mono). Loin de tout regard, tout grouille dans ce coin de la commune, surtout en début de mois d’avril de chaque année.
Le matin, femmes, hommes, jeunes et enfants munis des accessoires de pêche se dirigent vers ‘’bossou-gouin’’ ou l’étang intarissable. ‘’C’est une pratique de nos ancêtres. Nous allons à l’étang pour faire les premières pêches de cette saison. C’est une grâce et nous sommes contents de nous réveiller pour voir une fois encore ce grand jour’’, laisse entendre dame Josiane Dossi, tout pressée de rejoindre l’étang.
Tout comme dame Josiane, les habitants des villages environnants s’empressaient aussi pour atteindre à temps le cours d’eau afin d’occuper les premières loges. ‘’Il faut se presser pour occuper les premières places. Car quand le top sera donné pour rentrer dans l’eau, il faudrait faire partie des premiers à mettre pieds dans l’étang pour être sûr d’attraper les premiers poissons’’, fait savoir le sieur Acclombessi chargé de sa nasse artisanale et d’un gourdin.
Pêche collective des Assenou, un rituel qui traverse le temps
Tôt le matin de ce dimanche 3 avril 2022, les sages et notables accompagnés du chef des cultes ont commencé les rituels pour le lancement de la nouvelle saison de pêche. Les dieux ont été consultés. Les offrandes ont été faites. Et les dieux ont acceptés les intercessions des descendants Assenous. ‘’C’est une cérémonie que nous ancêtres nous ont laissée. Nous, les Assonous et les Ahenous. Mais entre temps, nous avons été divisés sur certaines questions propres aux descendants de Donou Diti et Akoubadati. Aujourd’hui, nous sommes ensemble et les dieux sont avec nous. Et donc, nous avons décidé de renouer avec notre tradition en entrant avec plénitude dans la nouvelle saison de pêche’’, a expliqué Hounnongan Agboyi, l’un des précurseurs de la réconciliation, avant d’ajouter que les dieux ont accepté les prières pour que la pêche soit bonne cette année.
Pendant ce temps, ils sont des milliers d’hommes, de femmes, de jeunes et d’enfants, venus de différents villages et hameaux, qui attendent impatiemment tout autour de l’étang. Ils sont munis de filets, paniers, nasses et tout autre outil permettant de faire la pêche.
‘’Nous sommes ici pour sacrifier à la tradition. Tout à l’heure après les prières, nous allons tous nous jeter dans l’eau pour attraper du poisson. Je suis très excité et impatient’’, confie Koffi Bossou, un jeune de la trentaine.
Alors le prêtre culte, après invocation et supplications donne le top en mettant le premier le pied dans l’étang.
Pêche collective, une scène pittoresque
Une scène inédite s’ensuit. Tels des guerriers au dernier assaut du territoire ennemi, les Assenous et les Ahenous envahissent l’étang. En un clin d’œil, tout l’étang est rempli. Une ambiance indescriptible. Ils jettent les filets, plongent les nasses et très tôt les premiers poissons sont attrapés.
Sur les visages des premiers chanceux, on lisait très facilement la joie, la gaieté et surtout la fierté d’appartenir une telle communauté. ‘’ J’ai déjà attrapé trois poissons dont un silure. C’est une très bonne cérémonie qui permet à chacun d’avoir un peu de poisson afin de permettre aux enfants de manger une fois à la maison. Je suis vraiment comment et je remercie ceux qui ont pensé renouer avec cette tradition car depuis un temps, c’est une seule personne qui en profite’’, a confié Jean Kpadonou.
Et cette joie de Jean est largement partagée par tous les villageois qui sont venus pour cette pêche.
‘’Je suis très content de ce que je vis aujourd’hui. Cela fait très longtemps que nous n’avons plus eu de tels sentiments, de tels sensations ou vibrations… c’est magnifique’’, conclut Koffi Bossou.
Un patrimoine immatériel inconnu, un attrait touristique négligé
La pêche en communauté des Assenous et Ahenous d’Athiémé est un événement aussi bien culturel que cultuel. Il encore inconnu même de certaines populations de la commune.
‘’C’est la première fois j’entends parler de quelque chose du genre. Et pourtant je suis né ici à Athiémé. Je ne suis pas vraiment sûr qu’un tel événement se passe ici ; je dois voir pour y croire’’, se désole Adjété un fils d’Athiémé.
Tout comme lui, cette pratique passe inaperçue pour beaucoup de ressortissants de la région. A en croire Marcel Ayité, un guide de tourisme, natif de la localité, c’est une pratique qui perdure dans le temps, même si elle reste inconnue. ‘’Moi-même je n’ai jamais assisté à cette cérémonie mais je sais que cela existe il y a très longtemps. Et si aujourd’hui c’est quelqu’un d’autre qui vient m’en parler, c’est la preuve que nous-mêmes nous ne savons pas encore toute la richesse que nous avons chez nous’’, déplore-t-il.
Pour lui, le moment est plus que jamais venu pour que les enfants d’Athiémé se réveillent et mettent en valeur les attraits touristiques dont regorge la commune. Ce festival de pêche en communauté constitue en réalité une richesse culturelle et touristique pour la cité des bois blancs. Raison pour laquelle le guide de tourisme implore la proactivité des autorités communales et des populations afin d’inscrire ce patrimoine dans le répertoire de la commune. ‘’Il sera profitable à tous d’accorder une attention particulière à cette manifestation annuelle dans la commune d’Athiémé. C’est un rituel qui traverse le temps depuis la fondation d’Athiémé par Donou Diti.’’, conclut-il.
Dans un contexte où le gouvernement attache du prix au développement du secteur touristique, la valorisation des sites et attraits touristiques doit être une priorité pour toutes les administrations communales.
Athiémé peut faire de cette pratique ancestrale un pôle touristique qui va, non seulement drainer du monde, mais aussi et surtout constituer une source de mobilisation de ressources propres.
Le développement de cette commune passe aussi par le développement du secteur touristique.
Cokou Romain AHLINVI
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