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La Galerie Cécile Fakhoury présente à Abidjan en Côte d’Ivoire du 18 septembre 2020 au 28 novembre 2020, la première exposition personnelle de l’artiste béninois Roméo Mivekannin. Il s’agit d’une dizaine d’œuvres grand format jamais montrées au public.
L’artiste béninois Roméo Mivekannin puise son inspiration dans des fonds d’archives photographiques ou des toiles iconiques emblématiques de l’histoire de l’art occidentale. Il se concentre particulièrement sur « les représentations ambigües des figures noires, sources tant de fascinations que de craintes, tantôt anonymisées, érotisées ou objectivées et destinées à l’œil quasi exclusif d’un spectateur masculin et euro-centré ».
Les œuvres de l’artiste, peintures à « l’acrylique noire sur des toiles teintées par des bains répétés d’élixir, se font alors le lieu de la remise en question d’une iconographie marquée héritée des systèmes de trafic humain et de domination qu’ont été l’esclavage et la colonisation ».
Roméo Mivekannin choisit de reprendre les faits de ces représentations historiques et d’en subvertir leur narration première afin de construire, non sans ironie, sa propre vision des récits communs.
L’artiste s’insère dans ces régimes de représentation
L’artiste béninois qui est à sa première exposition personnelle en Afrique déploie à cette occasion un procédé de citation plastique éloquent. Les compositions des toiles dialoguent avec une « histoire visuelle complexe faite de références directes à la peinture classique et aux images d’Épinal qui ont défini la représentation des noirs dans l’Europe du 19ème siècle ».
Confronté à l’incapacité de « s’identifier lui-même à ces images et à tisser une filiation avec ces récits de l’histoire, Roméo Mivekannin s’insère dans ces régimes de représentation, substituant son propre portrait à ceux des personnages noirs originaux ». Le visage de l’artiste apparaît plusieurs fois « tantôt au premier plan, tantôt dissimulé dans les foules de figurants ».
Les toiles sont plongées à plusieurs reprises dans des bains d’élixir dont seul l’artiste connaît la composition, et qui leur donne leur coloration unique. Vient ensuite le temps de la peinture. « Dans la tradition vaudou chaque dieu correspond à un ancêtre décédé. Quand on porte le masque de l’un de ces dieux, d’une personne qui a vécu, c’est un acte de libération », explique l’artiste.
Dans ses œuvres, Roméo Mivekannin interroge ainsi l’invisible et le caché. Il met à jour les rouages de la représentation qui portent les systèmes de domination et y introduit une critique subtile, à la frontière entre réécriture d’une mémoire collective et réparation d’une fracture identitaire personnelle.
Encadré
Qui est Roméo Mivekannin ?
Né à Bouaké (Côte d’Ivoire) en 1986, Roméo Mivekannin vit et travaille entre Toulouse (France) et Cotonou (Bénin). Après une formation en ébénisterie puis des études d’Histoire de l’art, Roméo Mivekannin choisit d’intégrer l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse. Il développe parallèlement à ses études, un travail personnel de création plastique, et expérimente plusieurs médium, de la sculpture à la peinture.
A la fin de ses études, l’artiste se consacre à son activité de plasticien tout en commençant une thèse entre histoire de l’art, sociologie et architecture. Au croisement de la tradition héritée et du monde contemporain, Roméo Mivekannin intègre ses créations au sein d’une temporalité ancestrale, fabriquant ses propres rituels, en écho à la cosmologie vaudou, très présente au Bénin.
À l’image d’un rite initiatique, l’artiste plonge les draps qui composeront le fond de ses œuvres dans différents bains de solutions rituelles, des bains d’élixir, quelques-unes d’entre elles ayant été enterrées à certains endroits du monde, en lien avec l’histoire de la colonisation. Le temps propre de ces draps, eux-mêmes hérités et usés, vient alors se mêler aux temporalités évoquées par les sujets de ses toiles. La mémoire et le temps deviennent ainsi la matière même de ses œuvres, leur technique.
Le travail de Roméo Mivekannin a fait partie de la sélection de la Biennale de Dakar en 2020. Il a également fait partie de plusieurs expositions collectives en France, notamment au sein de la Chapelle de Velmatier. En 2018, il publie aussi un roman, La Malédiction des Orishas, aux éditions Les Indés.
A.A.A
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