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Le slogan ‘’Toutes les filles à l’école’’ ne semble pas avoir un écho favorable dans le village d’Adohoun, une localité qui porte le même nom que l’arrondissement dans la commune d’Athiémé. Et pour cause, nombreuses sont ces jeunes filles à abandonner les bancs précocement pour des raisons diverses. L’une de ces raisons est le mariage précoce.
Elle a 16 ans. Elle était en classe de 4ème ML au CEG Adohoun. Elle n’est pas très brillante, mais ne déméritait pas non plus. Elle, c’est A. E. jeune fille dont le seul tort est d’être d’un village où le mariage passe avant toutes autres considérations, surtout scolaires. ‘’Je ne peux plus venir à l’école car je travaille avec ma belle-famille au champ. Et elle n’accepte pas que je continue mes études’’, a confié la jeune fille à son professeur de Français qui l’a surprise loin des classes dans un champ et qui voulait savoir pourquoi elle ne venait plus à l’école.
A la rentrée scolaire 2017-2018, A. E. a bien repris les classes passant de la 5ème pour la 4ème, où elle a demandé à être classée en moderne long se basant sur ses atouts. Elle a dû laisser les bancs parce qu’elle devrait se marier.
L’enseignant qui s’était arrêté pour demander à son apprenante pourquoi elle ne venait plus au cours a eu la vie sauve parce qu’il est aussi du milieu. ‘’A peine la fille m’a-t-elle répondu que ces beaux-frères et beau-père sont sortis de la brousse pour m’assaillir de questions, et ceci prenait une autre allure car pour eux c’est inconcevable qu’un autre homme discute avec la femme de leur fils. N’eut-été la réaction des passants, ils voulaient me ruer de coups pour m’apprendre à ne pas me mêler des affaires des autres, disent-ils. J’ai donc raté le lynchage de justesse et j’ai été mis en garde’’, raconte François Dodji, le professeur de français la peur au ventre. Malheureusement, la situation de cette adolescente n’est pas un cas isolé dans ce village. Elles sont nombreuses à abandonner de façon précoce les bancs pour diverses raisons.
Entre pauvreté, sexualité précoce et démission des parents
Adohoun, le plus grand arrondissement de la commune d’Athiémé, situé à environ 7 kilomètres de la ville de Lokossa, est le nid d’un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur : la déscolarisation précoce des jeunes filles. Et les raisons de ce fléau sont multiples. ‘’Mon père a dit qu’il n’a plus les moyens pour me supporter à l’école. C’est pourquoi, il m’a envoyée en apprentissage dans la localité’’, raconte une jeune fille de 13 ans, pourtant brillante à l’école.
La pauvreté semble être la cause principale de l’abandon des classes par les élèves filles. Mais le paradoxe est que les mêmes parents qui servent cet argument aux filles, maintiennent tout de même les garçons à l’école ! ‘’Moi, je n’ai personne pour me soutenir. Mes parents disent qu’ils n’ont pas les moyens’’, renchérit une autre fille qui a aussi requis l’anonymat pour ne pas subir les affres des colères de leurs géniteurs après. C’est donc la preuve que certains parents dans cette localité ont simplement démissionné quant à l’éducation de leurs filles. Et le corolaire de cette démission est que ces filles s’offrent au premier homme venu lui vendre l’illusion d’un soutien chimérique. Conséquence, elles sont très jeunes mais sexuellement très actives et avec pour la plupart du temps un enfant sans père.
Le constat est amer et triste dès qu’on fait un tour dans cet arrondissement. Les ateliers de couture, coiffure et autres sont remplis des jeunes filles de 12 à 17 ans. Et c’est les meilleurs des cas. Pour d’autres, elles sont à la maison et sont devenues des machines à produire d’enfants.
Dans le collège d’Adohoun, le constat est plus ahurissant. En terminale D, il n’y a que 2 filles sur 39 élèves. En terminale A qui semble regorger du monde féminin, on n’en décompte qu’une dizaine sur 39 élèves. Les cas d’abandon dans ce collège concernent en majorité les filles.
La situation est critique dans cette contrée. Il va falloir que les autorités compétentes prennent les dispositions pour contraindre, après sensibilisation, les parents de ce village à laisser les filles aller à l’école. Les ONG intervenant dans la promotion de la gent féminine sont aussi invitées à se lancer dans la bataille pour sauver les filles de l’arrondissement d’Adohoun de l’étau qui se serre autour d’elles.
Selon leurs témoignages, ce n’est pas la volonté de fréquenter qui manque. Il leur faut un peu d’appui et surtout les sauver des parents qui ne veulent pas les voir en classe. Et même si elles doivent apprendre un métier, aujourd’hui il y a des centres de formation professionnelle où elles pourront apprendre un métier dans des conditions optimales.
Eduquer une femme, c’est éduquer une nation dit-on. Les filles d’Adohoun en ont besoin. La mairie d’Athiémé, le gouvernement du président Talon et les ONG sont vivement interpelés.
Entre pauvreté, sexualité précoce et démission des parents, ces âmes innocentes ont besoin d’aide.
Cokou Romain COKOU
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