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Un fait anodin mais qui fait le buzz sur les réseaux sociaux, il y a peu de temps, vient relancer à mon avis le débat sur la question de la langue nationale à introduire dans l’enseignement au Bénin. Il s’agit de l’intervention du commandant Habib Aboukhedoub à bord de RwandAir. Malgré qu’il s’est exprimé en Français, Anglais et Mina, il n’a pas eu de mal à convaincre qu’il est Béninois dès qu’il s’est exprimé en Fon. Alors, doit-on polémiquer encore longtemps autour de la langue à introduire dans l’enseignement au Bénin ?
Une décision du gouvernement béninois fait état de ce que six langues à savoir, le dendi, le fon, le adja, le yoruba, le ditamari et le baatonu soient insérées dans le programme des tous petits apprenants. D’autres ont été ajoutées après. Seulement, la curiosité humaine et le bon sens voudraient qu’on se pose des questions sur la faisabilité de la chose. D’abord, pourquoi le choix de ces six langues maternelles ? Ensuite, le Béninois lambda voudrait savoir si les six langues sont-elles à enseigner simultanément. Et enfin, a-t-on cherché à répondre à la question de savoir pour quel but doit-on intégrer une langue locale dans un système éducatif ?
A tout point de vue, aucune de ces préoccupations n’ont été prises en compte par le comité qui a eu à travailler sur le sujet. Car, dire qu’on va introduire six langues et plus dans un système éducatif qui peine déjà à retrouver ses repères avec tant de problèmes, est bien au-delà l’utopie.
A bien analyser les six langues retenues, il apparaît que chaque département selon l’ancien découpage territorial s’en sort avec une langue. Ainsi par exemple, le adja est pour le Mono-Couffo, le Dendi pour le Borgou-Alibori, le Fon pour l’Atlantique-Littoral et ainsi de suite. Si telle a été l’idée qui a poussé les gens à opter pour ces langues, alors il se pose un sérieux problème. Car, ceci voudra dire que lorsque l’enfant change de département du fait par exemple de l’affectation de ses parents, il va automatiquement changer de langue et doit par conséquent se mettre à apprendre une nouvelle langue ! Si ce n’est pas trop demandé à l’enfant, c’est simplement une façon de l’aliéner. Ainsi l’objectif poursuivi qui est de booster le développement, ne sera jamais atteint. De plus, il n’est pas exclu que l’enfant qui est soumis à une telle pression linguistique n’a pas forcément pour ethnie la langue du milieu. Il va sans dire que le choix de six langues n’est pas du tout judicieux pour les pauvres petits apprenants qui sont d’ailleurs déjà bourrés ou même asphyxiés par un programme d’étude dont le contenu est surchargé. Ensuite, ce qui préoccupe le citoyen lambda est de savoir si les six langues seront enseignées simultanément et partout au Bénin. Alors là, c’est la catastrophe. Ce serait un imbroglio qui n’aura pas son pareil nulle part ailleurs au monde. Ce serait un mélange qui va complètement noyer l’enfant dans une sorte de déracinement total. Mais au-delà de tout ce développement, il est plus normal de se demander pourquoi une langue nationale dans notre système éducatif. Si c’est pour amorcer le développement, alors le Bénin est carrément à côté de la plaque dans son désir d’introduire plusieurs langues à la fois dans le système. Car, aucune des grandes nations développées n’a atteint ses objectifs avec une multitude de langues. Le France s’est imposée avec le français, la Grande Bretagne dicte ses lois au monde entier avec la langue anglaise de même que les Etats-Unis d’Amérique. La Russie est incontournable par le russe. Aujourd’hui, la Chine veut dominer sinon domine le monde avec une seule langue, le chinois. Et les exemples, il y en a plusieurs. Mais pourquoi le Bénin ne pourrait-il s’imposer au monde par son fongbé typique ? Que veut prouver le Bénin en adoptant plus de six langues pour relancer son développement ? Veut-on dire toutes ces nations n’ont qu’une seule langue nationale ? Évidemment que non. En optant pour plusieurs langues, le Bénin n’obtiendra au grand jamais ce qu’il désire.
Habib Aboukhedoub, un ambassadeur à bord de RwandAir
La difficulté se trouverait peut être dans le choix de la langue à introduire. Mais, il ne devrait pas avoir de difficulté. Car le Bénin a une histoire. Et si on remonte dans l’histoire avec le tout premier nom de notre République, « Danhomê », le choix devient évident et plus facile. Oui, c’est pour dire que la langue fon, le fongbé s’impose aux Béninois du nord au sud, de l’ouest à l’Est. Aucune autre langue ne va tracer l’identité du Bénin. Car, il faut l’avouer, « Le fon » reste une langue unique qui identifie le Béninois au monde. En effet, le yoruba est parlé un peu partout, au Bénin, au Togo, au Nigéria. Cette langue est même enseignée dans certaines grandes universités des Etats-Unis. Le adja est commune au Togo et au Bénin. Le Dendi est partagé entre le Niger, le Bénin et le Burkina-Faso pour ne citer que cela. Mais dès que vous parlez le fon à l’extérieur du Bénin, on vous reconnaît comme tel, un Béninois. Pourquoi alors ne pas développer cette langue et par ricochet s’imposer par cette langue ? Pour ma part, le développement d’une langue unique, en occurrence le fon, serait un atout formidable pour le Bénin.
Et le commandant Habib Aboukhedoub en a montré la voie à bord de RwandAir pour remonter le moral à notre Onze national après sa défaite face à la Gambie. Son nom ayant une résonance yoruba ou musulmane, combien ne sommes-nous pas surpris de voir qu’il était Béninois quand il a parlé le fon ? Et pourtant, il a bien parlé le mina aussi. Mais dès qu’il a parlé le fon, personne n’a plus douté de sa nationalité béninoise. Il aurait pu parler un autre dialecte béninois, mais pourquoi a-t-il choisi le fongbé ? Nous avons tous la réponse. Le fongbé est notre identité.
Le gouvernement Talon doit pouvoir sauter sur l’occasion pour finir définitivement avec cette question. Le courage dont font montre ce gouvernement et son chef doit les amener à éloigner les spécialistes qui sont dans une guerre de leadership linguistique.
Il va falloir que les gens se départissent des considérations ethnocentriques. L’unicité de la langue maternelle dans l’enseignement va plus favoriser la fraternité tant prônée par notre constitution. Plusieurs langues seraient source de division. Cela favorisera de plus la régionalisation et générait des frustrations qui pourraient dégénérer des conflits. Qui voudra parler la langue de qui ? Pour pallier toutes ces complications, il serait plus responsable que les autorités reconsidèrent la chose et voient dans la mesure du possible sa faisabilité. Définitivement, on ne pourra jamais prétendre à s’imposer au monde et se développer à partir de plusieurs langues. Il serait préférables que les efforts continuent dans le sens de l’alphabétisation dans les langues nationales mais en adoptant une seule comme langue nationale enseignée dans les classes. Le Bénin y gagnerait plus.
Cokou Romain COKOU
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