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(Par Roger Gbégnonvi)
En avril 1892, au Parlement français, en prélude à la guerre contre Abomey, un député parla du Danxomê en termes de ‘‘ce couloir du Dahomey, entre les Allemands du Togo et les Anglais de Lagos [qui] vaudra pour nous comme accès au Niger et comme débouché sur le Bénin de tout le Soudan Central’’. Le Dahomey, simple couloir de transit vers une sorte d’eldorado. Se trouve par hasard dans ce couloir de hasard un peuple pluriel à l’identité collective hésitante, hier Dahoméenne, aujourd’hui Béninoise. Depuis le 1er août 1960, il essaye de faire nation dans le couloir de hasard. Il doit s’y atteler plus et mieux à l’ère du nouveau départ post rupture. La vie dans le couloir Bénin requiert l’unité du peuple pluriel, par-delà les différences, quelque étriqué et inintéressant que soit ce couloir où l’a coincé ‘‘l’alliance de la Haute Banque et la coterie romaine’’, évoquée aussi en avril 1892.
Et c’est l’univers qui ordonne aux Béninois de faire nation : l’eau du ciel et les rayons du soleil répandent la vie dans le couloir sans acception des personnes. Il n’y a donc pas de développement de mon ethnie ou de ma région sans le développement de tous et de tout le Bénin. Il s’impose, dès lors, au nouveau départ post rupture de rassembler davantage les Béninois dans un Bénin uni et fort, dans un Bénin fort parce que uni. Il faut donc trouver les outils de l’unité nationale, trouver les voies et moyens du rassemblement des Béninois dans le même creuset pour faire du couloir de hasard le lieu de vie et de bonheur des Béninois.
Par conséquent, le nouveau départ veillera à faire germer la patrie dans le cœur des enfants et des adolescents des établissements primaires et secondaires. Il ne sied pas à l’unité nationale que l’enfant béninois découvre seulement à l’Université, à 16-18 ans, l’existence au Bénin d’autres ethnies que la sienne. Et le voilà courant les amphis à la recherche des ‘‘siens’’ pour obtenir leur soutien contre les ‘‘méchants’’. Il est bien de faire le baccalauréat non loin de son village, mais ce n’est pas sans déficit pour l’amour de la patrie.
Il faut résorber ce déficit. Comment ? Pendant deux à trois semaines chaque année, à base de critères bien définis, des enfants des collines et des montagnes passeront partie de leurs vacances au bord de la mer, et des enfants du bord de la mer passeront partie de leurs vacances dans les collines et les montagnes. Aux frais de l’Etat. Les enfants doivent découvrir et aimer le Bénin autrement que par la lucarne limitante de leur village. Ils doivent, très tôt, découvrir et aimer le Bénin dans ses multiples aspects. Il convient donc de saisir toutes les opportunités de les faire vivre ensemble afin que, se découvrant différents, ils se découvrent complémentaires. Différents mais indispensables les uns pour les autres. Ils se découvrent dans une complémentarité telle qu’ils en deviennent solidaires dans la même solide cordée, dans le même élan et le même effort pour un Bénin uni et fort, un Bénin fort parce que uni. C’est pour cela qu’on devra peut-être recréer de grands internats où les enfants béninois de toutes origines prépareront ensemble le ‘‘bac’’. L’Etat en prendra les moyens. Car l’unité nationale se forge si l’on a étudié sous le regard des mêmes maîtres dévoués, si l’on s’est nourri des mêmes plats dans les mêmes réfectoires, si l’on a joué sur les mêmes terrains de jeu, si l’on a dormi et rêvé dans les mêmes dortoirs, si l’on partage, adultes, les mêmes souvenirs d’enfance. Last but not least, il existe un alphabet unifié pour écrire les langues du Bénin : un bel outil d’unité nationale et de développement, pour peu que l’on s’en serve.
Pour faire nation et patrie, les Béninois ont besoin d’actes unificateurs. Le chemin de l’unité pour le Bénin passe d’abord par ‘‘l’enfant, le père de l’homme’’, selon Victor Hugo. Il est donc urgent que le nouveau départ post rupture recoure à tous les moyens susceptibles de faire germer la nation et l’amour de la patrie dans le cœur de l’enfant béninois.