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Mémoire du chaudron 74




Savalou transcenda donc sa partition culturelle et ethnique est-ouest pour faire chorus derrière le candidat Yayi. La volonté d’un choix unique était si perceptible au sein de la commune que les représentants des autres candidats à cette élection présidentielle étaient obligés, pour la plupart, d’établir derrière le rideau des divergences politiques, de discrètes passerelles avec ceux qui faisaient figures de lieutenants du cheval gagnant qu’était devenu Yayi.

Mais, dans ce Savalou qui n’en finissait pas de panser la blessure liée au décès de Paul Dossou, il y avait une sorte d’insolence ou, disons pour être plus précis, une sorte de fatalisme politique, lorsque j’y accompagnai Yayi pour la première fois. C’était en 2003. Un fils de Savalou, expatrié au Canada depuis les années de braise du régime révolutionnaire, nous y avait convié à une petite réjouissance familiale, mais avec, bien entendu, beaucoup d’arrière-pensées politiques. Son nom, Gilbert Gbègo Tossa, ne vous dira rien. Mais, je tiens ici à lui faire justice en le passant à la postérité. Car, son histoire avec Yayi fut l’une des plus parfaites illustrations de la mise en garde que me fit _"Maman Glessougbè"_ et sur laquelle il n’est point besoin de s’étaler ici pour les lecteurs assidus de ces chroniques.

Quand Yayi me parla pour la première fois de Gilbert Tossa en 2003, c’était avec beaucoup de soulagement. Car, ce Béninois discret et idéaliste qu’il venait de rencontrer à Montréal s’était engagé à accompagner matériellement son aventure électorale dans laquelle il mit une grande foi. Je me souviens de ces courts, mais réguliers séjours que Gilbert Tossa faisait alors au Bénin, spécialement pour suivre à nos côtés, l’évolution de la situation sur le terrain. Son extrême timidité ne facilita pas ses contacts avec le premier cercle de fidèles que nous formions autour de Yayi. Il réussit néanmoins à établir une grande complicité avec Paulin Dossa, qui me permit de m’informer régulièrement sur les motivations réelles de ce compatriote un peu taiseux.

Mais, ce dimanche, troisième jour de campagne électorale, il n’y avait pas de Gilbert Tossa dans l’effervescence du stade municipal de Savalou où se pressait une foule immense et euphorique. Qu’était donc devenu ce précurseur qui, le premier, nous ouvrit la porte de son Savalou natal ? Je m’accrochais, pour toute explication de l’absence de Gilbert Tossa dans l’entourage visible de Yayi dans les derniers mois de 2005, par quelques confidences qu’il fit à Paulin Dossa, sur sa grande frustration de ne plus se faire décrocher au téléphone que sporadiquement par celui dont il fut pourtant si proche pendant de si nombreux mois. Je finis, non sans pincement, par me faire une explication plus claire du dépit amoureux que vivait le pauvre Gilbert Tossa.

Yayi avait tourné sa page ou, du moins, lui avait changé de casier. Le financement industriel qu’exigeait la campagne électorale était au-dessus de son gabarit et l’entrée en jeu du mécène _"Patrice"_ avait sonné la fin de la récréation pour des _"petites poches"_ comme lui, le truculent Tundé et Francis da Silva que Yayi fut prudent de ménager jusqu’à la proclamation définitive des résultats de l’élection présidentielle, à cause de la grande proximité qu’avait ce dernier avec la présidente de la cour constitutionnelle d’alors.

Yayi n’était pas fou !

Je fus souvent peiné, les premiers mois après ma nomination comme conseiller à la communication du président de la République, de voir Gilbert Gbègo Tossa traîner sur l’esplanade de l’ancien bâtiment du palais de la présidence, à la quête d’une rencontre avec Yayi. Il reprenait son vol, bredouille. Il fit ainsi cette navette infructueuse pendant quelques mois, puis je ne le revis plus jamais. Ni moi, ni Yakoubou Aboumon, encore moins Paulin Dossa qui connaissions l’engagement de Gilbert Tossa, ne pûmes hélas rien pour l’aider. Le chemin le plus évident pour voir un président de la République passe rarement par les collaborateurs qu’il a officiellement nommés. La sentence de _"Maman Glessougbè"_ avait fait sa première victime.

L’histoire de Désiré Adadja fut plus heureuse. Lorsqu’il rencontra Yayi en 1998, sa réputation managériale était déjà largement établie. Il dirigeait en Côte d’Ivoire une organisation régionale africaine chargée de la communication par satellite, appelée RASCOM, après avoir marqué son passage à la tête de l’Office des postes et télécommunications, OPT.

Même si Yayi ne lui parla pas très tôt de ses ambitions présidentielles, Adadja eut l’intelligence assez alerte pour comprendre que les conférences thématiques périodiques à Cotonou que lui suggérait son interlocuteur ne devraient pas être innocentes. Les choses devinrent de plus en plus claires quand Yayi, avec des déclarations du genre _"on ne peut pas laisser le pays dans cet état"_, finit par le mettre en contact avec un petit noyau de Béninois vivant à Paris et pompeusement baptisé _"Groupe de Paris"_.

Ce groupe, qui eut une influence notoire sur le candidat Yayi, était composé entre autres, de Issifou Kogui N’douro, Max Awêkê, Antony Zinsou, neveu du président Émile Derlin Zinsou et cousin de Lionel Zinsou, Patrick Bénon, un jeune surdoué en mathématiques qui faisait parler de lui chez l’opérateur de téléphonie _"Orange"_, Kessilé Tchalla qu’on ne présente plus. Une suite réservée en permanence dans l’hôtel _"Le Méridien Montparnasse"_ servait de cadre de rencontres périodiques à ce groupe dont Yayi me parlait si souvent et dont la mission me paraissait si floue.

D’ailleurs, Charles Toko et moi ne rations pas l’occasion de railler en petit comité, les descentes régulières à Cotonou de Kogui N’douro, surtout avec les agacements de plus en plus audibles de Benoît Dègla, trésorier du Bureau Central Intérimaire, BCI, qui devrait saigner les caisses pour la prise en charge financière de ses séjours à Cotonou, y compris les frais de billet d’avion. Désiré Adadja prit très au sérieux le projet politique de Yayi en se lançant dans la mobilisation de la diaspora béninoise à Abidjan, son lieu de travail. Cette mobilisation se révélera vaine par la suite, la CENA n’ayant pas eu les moyens matériels de prendre en compte ces compatriotes dans le processus électoral.

Lorsqu’il rentra au Bénin en 2004, après onze années passées à la tête de RASCOM, Désiré Adadja, qui n’était connu dans aucun sérail politique, jouissait alors de la neutralité nécessaire pour servir de liant à la plupart des cadres politiques de Savalou qui se retrouvaient en dehors de la galaxie Edgard Alia qui, pour eux, n’était rien moins qu’une imposture. Dès lors, Nestor Ezin, ancien et unique député du parti de Damien Zinsou Alahassa, Benoît Maffon, Isidore Maffon, le Docteur Laurent Assogba, Daniel N’Kpété, Léopold Fagnizoun, Dominique Kakè, et la liste est très loin d’être exhaustive, purent trouver un point d’ancrage dans le yayisme.

Il faut noter cependant le travail précurseur de Nicaise Fagnon et de André Dassoundo qui débordaient de leur lit Dassa, et dont l’impact fut surtout perceptible à l’ouest de Savalou, dans les arrondissements à dominance culturelle nagot et Ifè.

La mobilisation constatée ce dimanche-là fut donc le produit de toute une série de conjonctions. Le discours politique et la mise en scène de Yayi qui donna l’impression d’écraser une larme en décrétant une minute de silence à la mémoire de _"son grand frère"_ Paul Dossou, furent un coup de maître. Le public savalois frémit à l’évocation de ce nom, exactement comme le fit le public de Dassa un peu plus tôt dans la matinée, à l’évocation de la mémoire du _"grand frère"_ Adjo Boco Ignace.

Yayi, je l’avais dit, apprend vite. Il apprend très vite. Il avait désormais la clé du langage électoral, le langage qui fait frémir, tressaillir, pleurer ou exulter les foules, comme par exemple lorsqu’il prononça quelques salutations en langue mahi, à l’issue de la minute de silence.

Le meeting prit fin un peu tard dans la soirée. Mais, un débat inattendu apparut aussitôt. Où devrions-nous passer la nuit ? Dans notre programme initial, nous devrions continuer sur Bantè où Grégoire Laourou nous proposait le gîte. Mais, les Savalois ne l’entendaient pas de cette oreille et les rivalités mahi-nagot refirent immédiatement surface.

_"Ce serait une insulte pour nous, Mahis, que vous continuiez jusqu’à Bantè, rien que pour le gîte"_. Le ressentiment ainsi exprimé par les Savalois sonna comme une profonde mise en garde que Yayi fit bien de prendre au sérieux. Au terme de longues minutes d’atermoiements, il finit par céder. Notre cortège s’ébranla donc vers l’hôtel _"Musso"_ dont le propriétaire, Dominique Kakè, était également un grand yayiste.

Une journée bien remplie. Nous allons pouvoir enfin nous reposer. Demain lundi s’annonce très chargé. Nous devons faire Bantè, attaquer la Donga par Bassila et, si possible, dormir à Djougou. Mais, en attendant, Yayi avait une autre préoccupation. Aussitôt dans la cour de l’hôtel, il fit appeler Armand Zinzindohoué qui était également dans le cortège. Il voulait voir clair dans cette accusation qu’il venait de recevoir contre lui, de la part des pasteurs. La séance s’annonce houleuse.

(✋À demain)

*Tibo*

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