Au lendemain des élections présidentielles de mars 2011, j’ai été parmi les premiers à publier un papier (Gouvernance politique : le gâchis de la démocratie au Bénin) en date du 31 Mars 2011 dans la Nouvelle Tribune dénonçant les conditions calamiteuses d’organisation et de gestion de ces élections. Il était vrai que, en dénonçant, j’ai vu en Me Adrien Houngbédji l’incarnation d’un homme de valeur, qui a surmonté des moments difficiles en mettant l’intérêt du peuple au cœur de ses combats politiques. J’avais aussi pensé que, le Parti du Renouveau Démocratique était fondé autour des idéaux inébranlables et les actions du parti devraient suivre une ligne directrice bien marquée qui résisterait aux intempéries politiques.

C’est donc avec amertume que j’ai constaté qu’au cours du dernier congrès du PRD en février 2012, la seule décision importante du congrès est de reconduire Me Adrien Houngbédji à la tête du parti au grand étonnement d’une grande partie de la classe politique béninoise. Le PRD a-t-il définitivement renoncé à l’exercice du pouvoir suprême ? Sinon, comment comprendre qu’un homme frappé par la limite d’âge, qui visiblement n’a aucune chance de se représenter à une élection présidentielle peut continuer à diriger le Parti. Adrien Houngbédji a eu depuis 1990 ses chances.

C’est vrai, les élections n’étaient toujours justes pour lui et son Parti. Dans bien d’autres démocraties, il y a des hommes, des femmes qui ont un destin tout tracé pour occuper le poste de président de la République mais les élections ont décidé autrement. Pour être un grand homme, il fallait tourner la page et se donner d’autres objectifs.

L’exemple le plus flagrant de ces dernières décennies fut celui d’Al Gore. Il est le candidat du Parti Démocrate lors de l’élection présentielles de 2000 aux Etats Unis. Bien que majoritaire en voix et en dépit des recours et contestations consécutifs au comptage des voix en Floride devant la Cour suprême, il est, en raison du mode d’élection aux États-Unis, battu par le candidat du Parti républicain, George W. Bush majoritaire en nombre de grands électeurs.

Il se reconvertit en défenseur de l’environnement et devient en 2007, colauréat du Prix Nobel de la Paix pour ses « efforts afin de mettre en place et diffuser une meilleure compréhension du changement climatique causé par l’homme, et de jeter les bases des mesures nécessaires pour contrecarrer un tel changement » C’est ces modèles d’hommes politiques qui nous intéresse en tant que jeune, des personnalités qui font rêver non pas pour qu’elles veulent mais pour ce qu’elles ont fait. Si le PRD avait de l’ambition, et pense un jour se hisser à la tête de notre pays, il était important de commencer à se reconstruire un autre leader, de renouveler l’image du Parti et de rassembler autour d’un autre Homme une nouvelle dynamique.

D’ailleurs, en regardant dans le rétroviseur des évènements politique du Benin, on constate que le PRD et son leader charismatique se sont toujours retrouvés du mauvais côté de l’histoire. Les décisions prises au fil du temps se sont retournées contre l’avenir et les espérances du parti. La légende raconte même que Me Adrien Houngbédji était pressenti Premier Ministre de la transition lors de la conférence des forces vives de la nation. Ambitieux comme un bon Porto-Novien, il a préféré mettre le cap sur la présidence mais n’y suit jamais arriver. Ses choix politiques en 1996 ont probablement scellé à jamais son ambition de devenir président de la République.

Aujourd’hui, à quoi joue encore Me Adrien Houngbédji peut-on se demander ? Un ami m’a dit qu’il te répondra que c’est de la politique. Si c’est bien de la politique, je voudrais savoir quel modèle cela suit ? S’il s’agit de la politique, ce serait de la politique sans conviction ni vision. Je vois mal après les élections présidentielles aux USA ou en France, le candidat battu puisse retrouver son challenger dans les hôtels obscurs pour négocier une certaine collaboration. Quand on perd les élections, il faut comprendre que son programme de développement n’a pas obtenu l’onction du peuple et il faut se remettre en rang et attendre son tour.

Ce mariage forcé entre lui et Yayi Boni accouchera-t-il d’une graine porteuse d’espoir pour le pays ? En tournant le dos à ses alliés de l’Union fait la Nation, un regroupement monochrome, le PRD s’est retrouvé assis entre deux chaises en brouillant toutes les pistes sur ses réelles intentions. Parti d’opposition ou de la mouvance, le copinage entre Yayi et Houngbédji vient d’échapper une première lettre de compassion dans l’affaire dite de tentative d’assassinat de Yayi Boni. Pendant que l’UN est demeurée sceptique par rapport aux faits reprochés à l’homme d’affaire Patrice Talon, le PRD s’est rangé dans la ligne adoptée par la mouvance présidentielle : compassion, audience au palais.

Les questions qui surgissent de ce rapprochement sont nombreuses et seul l’avenir peut nous éclairer. Le PRD compte-t-il sur Yayi Boni pour survivre en tant parti politique et groupe parlementaire ? Avec les défections au sein du parti, cela m’apparait comme l’hypothèse la plus plausible ; Me Adrien Houngbédji ne voulant pas perdre la face devant ses lieutenants d’hier.

Yayi Boni et Adrien Houngbédji peuvent-ils s’associer dans une alliance dans le but de réviser la constitution en sautant le verrou sur la limite d’âge par exemple ? Dans ce cas de figure le partage des dividendes demeure toujours hypothétique. Mais on pourrait se retrouver dans un schéma à la Poutine où Adrien Houngbédji fera un mandat et retournerait le pouvoir dans la main de Yayi Boni pour deux nouveaux mandats.

Dans tous les cas, le peuple est fatigué de ces scandales à répétition, de ces calculs politiciens, de ces alliances stratégiques et le cap doit être résolument mis sur le développement. Plus de vingt ans après la conférence nationale, le peuple béninois attend toujours les fruits de ses sacrifices et de son attachement à un état de droit.

Jules Bonou Djossou

Montréal, Canada

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