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(Par Roger Gbégnonvi)
Dans son discours d’investiture, le Chef de l’Etat a dit qu’il établirait le Bénin en ‘‘zone franche du savoir’’. Il va devoir l’impulser comme l’étincelle attendue de la rupture. L’y oblige le ‘‘vrai visage du pays’’, révélé par les résultats des examens du CEPE, du BEPC et du Bac. Il ne recoudra ce visage ravagé qu’en mettant le peuple béninois en piste pour la ‘‘zone franche du savoir’’. Or point de savoir pour le progrès sans le binôme écriture/lecture.
Dans l’état d’analphabétisme profond où barbote le Bénin, la seule piste d’envol s’appelle l’écriture. Le Chef de l’Etat, qui a la volonté politique d’annuler les concours frauduleux, doit avoir aussi celle d’annuler la fraude historique commise sur le peuple par le colonisateur en décrétant les langues africaines inaptes à l’écriture. En conséquence de quoi quelques Béninois écrivent et lisent des langues européennes, pendant qu’un nombre infime d’entre eux écrivent et lisent l’une ou l’autre langue africaine, maternelle. Le monde à l’envers au sud du Sahara. Feu Mgr Robert Sastre s’est senti blessé dans son âme le jour où, à Rome, un confrère asiatique lui a demandé s’il n’avait pas une langue à lui. Côte à côte, ils suivaient une conférence en italien. L’Asie prenait note dans sa langue maternelle, l’Afrique en italien. Constatant la ‘‘faute’’, l’Asiatique vit rouge et comprit sans doute pourquoi les Africains sont à la remorque, à la traîne, à la dérive. L’écriture et la lecture des langues du Bénin par les Béninois, voilà ce qui libèrera le Bénin de l’enfer de la dépendance étrangère.
Si la piste d’envol, ici et maintenant, est unique, les pistes d’atterrissage sont multiples et diverses. S’il s’agit, par exemple, de l’agriculture de subsistance qui est celle rudimentaire du Bénin avec la houe millénaire, la piste alimentation n’est pas prioritaire, puisque le pays est, grosso modo, épargné par la famine. Mais il demeure que, sachant lire et écrire, le paysan béninois évitera le piège des OGM, comprenant par lui-même que les OGM, c’est à nouveau ‘‘l’Afrique crucifiée’’, sur laquelle Senghor a pleuré, que c’est le projet, mercantile, de ‘‘faire des paysans des salariés’’ (Idem), que c’est la tentative, machiavélique, de vendre et de faire avaler aux Africains des produits porteurs – peut-être – de germes de maladies dévastatrices à terme. L’agriculture béninoise est depuis toujours bio et devra le rester pour la bonne santé des Béninois grâce à leurs paysans sachant lire et écrire.
Et justement, la piste d’atterrissage soins de santé primaires peut s’avérer prioritaire. Sachant lire et écrire, le Béninois découvrira le bel ouvrage, commandité par le Bénin et l’ACCT, et dirigé par feu le professeur Edouard Adjanohoun, ‘’Contribution aux études ethnobotaniques et floristiques en République Populaire du Bénin’’. Ce sont 895 pages ouvertes sur 23 langues du Bénin et qui renferment presque toutes les plantes, de l’océan Atlantique au fleuve Niger, accompagnées de leurs vertus thérapeutiques : ‘‘Médecine traditionnelle et pharmacopée’’. Il y a fort à parier que depuis 1989, date de sa parution, ce coffret de mille et un trésors soit exploité par Européens et Américains pour vendre aux Béninois et à l’ensemble des Africains des produits sortis de laboratoire, qui soulagent une maladie en créant 36 malaises. Or quel beau cadeau le Béninois ferait à l’humanité si, sachant lire et écrire, il entrait dans ses forêts muni du livre susdit, et ressortait pour offrir à tous la possibilité de se soigner, sans s’abîmer, avec des plantes pas trop abîmées ! De Lokossa à Malanville, le monde prendrait d’assaut les cliniques autochtones bios du Bénin.
Car l’unique piste d’envol écriture conduit à des pistes d’atterrissage développement multiforme. Aussi le Chef de l’Etat mettra-t-il le Bénin en piste pour de grandes choses. L’on dira alors, avec Saint-John Perse : ‘‘C’étaient de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde…, parmi le monde entier des choses’’. En ‘‘zone franche du savoir’’. Au Bénin.