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On le donnait pour mort au début du mois de mai 2016. Et ce n’était pas la première fois. Déjà en août 2012 la même rumeur avait eu cours chez nous au Benin ; et lui-même a du inviter la presse en déclarant : « Vous me voyez ! Je ne suis pas mort. Je mourrai un jour comme tout le monde, mais je suis encore là. Et je fais mon travail ». Quelle que soit l’interprétation qu’on pourrait donner à ces rumeurs, il est évident qu’il s’agit là d’un personnage qui ne laisse personne indifférent aussi bien au plan national qu’international. On peut l’aimer comme on peut ne pas l’aimer ! Mais il serait bien dommage de voir disparaître un tel personnage chargé d’histoire et de sens, aussi bien pour notre passé que pour notre devenir commun, sans en retenir ce qu’il a de précieux pour notre peuple et pour les générations à venir. L’homme s’appelle à l’état civil, Albert Tévoédjrè. Mais il a plus d’un sobriquet. Habituellement les mauvaises langues l’appellent jalousement ou affectueusement « renard de Djrègbé ». Et c’est paradoxalement ce surnom qui résume et dit si bien tout de ce que ses concitoyens et concitoyennes disent et pensent de lui : ce nom de renard peut en effet être à la fois négatif et positif. Ce qui exprime la complexité du personnage. Oui, des adversaires, il en a eu et en a encore à tort ou à raison, dira-t-on. C’est ici qu’on devrait écouter le philosophe Français Jean-Paul Sartre dans son ouvrage intitulé : « Les mains sales », pour dire et renchérir que seuls ceux qui ne s’engagent en rien, sont réellement immaculés. Ce qui nous préoccupe à l’instant, c’est d’abord de rendre un hommage à l’homme de son vivant : le renard est surtout d’une intelligence de la race de ces hommes et femmes qui ne courent pas les rues. Lui-même n’a-t-il pas assuré qu’en s’entretenant avec les humains, son esprit appréhende les choses à deux mille lieux plus loin que ses interlocuteurs ! Il a la vision d’un lynx ; la profondeur d’un dauphin ; la hauteur d’un aigle. Il ne se laisse jamais décourager par l’insuccès ou les échecs. Il sait se dépasser pour collaborer aussi bien avec amis qu’adversaires. C’est sans doute ceci qui en a fait un observateur de l’ONU auprès de la Côte d’Ivoire et le premier médiateur de la République du Bénin. Avec des fortunes diverses, il a pratiquement été de tous les combats politiques de notre pays, depuis son indépendance, et a été l’une des chevilles ouvrières des travaux de la célèbre et historique Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation. On le dit tirant toujours le drap de son côté, et pourtant son amour pour ce pays ne lui laisse aucun repos. Il a pris officiellement sa retraite politique, il y a déjà quelques années, pourtant, plus intéressé à la gestion de la cité que lui, tu meurs. Ainsi, secrétaire d’Etat et ministre au lendemain de notre indépendance, puis chef de parti politique, ministre du président Mathieu Kérékou à l’ère du Renouveau démocratique, sans oublier son brillant passage au Bureau international du travail (BIT), il aura démontré ce dont il était capable.
A présent, il s’est trouvé une vocation nouvelle ou du moins sa vocation première, découverte autrement : il est comme entré en religion et prend le nom de Frère Melchior et son épouse, sœur Théophania. De fait, il s’agit là de ce que cette société de nos pères dans la foi ont de meilleur et de plus cher, le trésor des trésors de la Société des missions africaines (Sma) : Mgr Melchior Marie-Joseph de Marion-Brésillac, fondateur de ladite société. Mais c’est pour donner probablement une nouvelle vie à celle-ci, lui qui est devenu le promoteur et même le prophète de la paix par un autre chemin ; de sorte qu’il vient de fonder un vaste mouvement mondial de prière pour la paix. N’est-ce pas peut-être là un legs pour la Sma ? Dans tous les cas, le frère Melchior nous semble être un trésor vivant pour ce pays, aujourd’hui comme demain. Il ne s’agit en définitive pas de sa personne, mais bien de quelque chose d’exceptionnel dont Dieu a doté notre pays le Bénin. Ne conviendrait-il pas que lui soit consacrée une chaire à la Faculté des Sciences Politiques dans nos universités, tout autant qu’on souhaiterait une chaire Jean Pliya en histoire ou ailleurs dans une autre discipline ! Tous deux ne mériteraient pas moins non plus d’être présentés un jour par nos autorités, comme candidats au prix Nobel de la paix. Car la paix par un autre chemin, ils y ont cru.
Père Crépin Magloire ACAPOVI
Directeur de Publication LA CROIX DU BÉNIN