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(Par Roger Gbégnonvi)
‘‘Junkie. Drogué. Voilà vers quoi je me dirigeais’’, écrit-il dans son livre, ‘‘Les rêves de mon père’’, (RP) pour dire le destin des gens de son pays, qui naissent, victimes annoncées, coupables nécessairement, de leur classe sociale, de leur appartenance raciale, de la couleur de leur peau. A ces péchés originels, lui trouva le moyen d’ajouter l’opprobre de son ‘‘nom bizarre, et [j’étais] considéré comme un outsider‘‘ (RP) avant même que d’avoir été vu.
Programmé pour la rue et pour les décombres, guitare crevée à l’épaule, manteau élimé, cheveux pouilleux, quel ressort lui permit de retourner le destin, d’échapper à l’ornière prévue pour lui de toute éternité ? Sa force pour remonter, pour ne pas sombrer, ce fut sa volonté farouche de refuser la fatalité pour lui-même, pour les siens, pour tout homme. Mais aussi son incapacité á l’indifférence quand il côtoie l’injustice et la souffrance : ‘‘Je connais, je les ai vus, le désespoir et le désordre qui sont le quotidien des laissés-pour-compte, avec leurs conséquences désastreuses sur les enfants des rues de Djakarta ou de Nairobi, comparables en bien des points à celles qui affectent les enfants du South Side de Chicago ‘‘(RP). A cette empathie en lui semée par sa mère et qu’il se fit fort de cultiver, il faut ajouter ces mots de ‘‘L’audace d’espérer’’ (AE), le livre de son projet de société : ‘‘Je pense à ce que Benjamin Franklin écrivit à sa mère pour lui expliquer pourquoi il avait consacré une si grande partie de son temps à servir son pays : ‘‘Je préfère qu’on dise ‘Il a vécu utilement’ plutôt que ‘Il est mort riche’ ’’. Au lieu donc d’adorer Mammon, il se rendit utile à son pays.
Et le sénateur local, à force d’élections perdues et gagnées, s’arracha à l’Illinois pour monter à Washington, où il lui apparut que ce n’était pas assez d’être sénateur fédéral pour travailler au recul de l’injustice et de la souffrance. Alors il résolut : ‘‘Yes we can’’. Le peuple l’écouta et le porta au plus haut sommet de l’Etat Fédéral pour qu’il opérât les miracles chers à son cœur. De tout son pouvoir, il voulut l’assurance maladie pour les plus pauvres de ses concitoyens, il envisagea le démantèlement complet de l’inique prison de Guantanamo, il offrit la réconciliation à Cuba et à l’Iran, il se retint d’attiser le feu sur la Syrie… Il servit.
‘‘L’homme le plus puissant de la planète’’ prend-il le parti des faibles, le parti des laissés-pour-compte, s’il n’a pas au-dessus de lui un Maître de la Compassion ? Il en avait un. Celui que son ‘‘nom bizarre’’ portait vers le Croissant, choisit de se tourner vers la Croix : ‘‘J’ai enfin pu descendre un jour l’allée centrale de la Trinity United Church of Christ et me faire baptiser. C’était plus un choix qu’une révélation : les questions que je me posais n’ont pas disparu par magie. Mais là, en m’agenouillant sous un crucifix dans le South Side de Chicago, j’ai senti l’esprit de Dieu me faire signe. Je me suis soumis à Sa volonté et je me suis engagé à découvrir Sa vérité’’ (AE). Mais il fut toujours un chrétien critique, c’est-à-dire christique : ‘‘Je ne suis pas disposé à accepter une lecture de la Bible dans laquelle un passage obscur de l’épître aux Romains est plus fondamental pour le christianisme que le Sermon sur la Montagne’’ (AE). Il s’adressait ainsi aux chrétiens fondamentalistes qui voient l’enfer sur terre à l’idée du mariage homosexuel et de l’interruption volontaire de grossesse.
Au passage, sans transgression, il fit First Lady une descendante d’esclaves. Et comme Michelle emmena avec eux Malia et Sasha, leurs deux filles encore mineures, elles furent trois Reines-Etoiles envoyées briller sur la Maison Blanche huit années durant, envoyées du ciel de Rosa Parks, Martin Luther King, Malcom X, et bien d’autres. ’’Yes we did’’.
Dès qu’il a eu parlé d’audace et d’espérance, le Jury d’Oslo le fit messager de la paix du monde. Et voici que le monde le fait référence et centre : ‘‘Avant lui - Après lui’’.
Il s’appelait Barack Obama. Il s’appelle Barack Obama.