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La fièvre hémorragique virale Lassa fait des victimes au Bénin depuis quelques mois surtout dans le nord du pays. Dr Gouda Abdoul Akim, médecin coordonnateur de la zone sanitaire Parakou-N’Dali explique dans cet entretien le mode de transmission de la maladie et les mesures préventives.
Qu’est-ce que la fièvre hémorragique virale Lassa ?
Comme le nom l’indique, c’est une fièvre virale. C’est une maladie qui est causée par un virus, et dont les manifestations se présentent entre autres, par des signes hémorragiques, avec également d’autres signes comme les céphalées, la fatigue, une sorte de malaise généralisé.
Quelles sont les modes de transmission de cette maladie, et comment peut-on la prévenir ?
Nous distinguons essentiellement deux modes de transmission : à travers le contact entre un animal appelé rat multi-mamelles et l’homme. Le second mode, c’est à travers les contacts entre hommes, entre un individu déjà contaminé par ce virus, et un autre qui, pour des raisons diverses a été en contact avec ce dernier.
L’accent est mis sur l’hygiène comme moyen par excellence de prévention de la maladie. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il faut comprendre déjà le mode de transmission. Quand on parle de contamination à travers la manipulation des rats multi-mamelles, vous comprenez que les milieux favorables où se développent les rats sont ses milieux insalubres. Lorsque vous avez votre cadre de vie qui est suffisamment sain, il n’y a pratiquement aucune chance pour que ces rats-là se développent dans votre environnement immédiat. Vous comprenez pourquoi nous insistons sur l’assainissement du cadre de vie. En dehors de ces mesures qui visent à éradiquer le développement de ce mammifère, nous avons l’hygiène individuelle et corporelle. Et ça, c’est par rapport au deuxième mode de contamination dont je parlais tantôt, à travers les contacts entre une personne saine et une personne infectée. Pour prévenir cela, ce sont des mesures d’hygiène individuelle que nous préconisons, à travers d’abord le simple geste de lavage des mains. Pour faire un peu de description du mode de contamination, les virus sont éliminés d’une personne infectée à travers ce que nous appelons les sécrétions. Et quand on parle de sécrétions, nous parlons un peu des sécrétions qui s’émettent par les orifices naturels : la morve à travers les narines, les vomissures à travers la bouche, les urines à travers les organes génitaux, les selles à travers l’orifice anal. A travers la manipulation de ces sécrétions, la maladie peut se transmettre d’une personne infectée, à travers ces sécrétions, à une personne saine, à travers la manipulation de ces sécrétions. C’est pour cette raison que nous conseillons fortement que tout sujet-contact avec un malade puisse observer les règles élémentaires de lavage des mains avant la manipulation des vêtements, ou avant la manipulation de tout ce qui a été en contact avec un individu malade. On doit se laver les mains avant et après avoir touché ce malade. Nous avons également ce qu’on appelle des porteurs sains. Vous et moi, tant qu’on ne nous a pas prélevé, on ne sait pas a priori qui est infecté ou pas. Donc, dans nos comportements du quotidien, on demande qu’après avoir salué quelqu’un, il faudrait, tant que faire se peut, se laver les mains. Quand vous rentrez à la maison, avant de toucher vos enfants, avant de manger, vous devez nécessairement vous laver les mains. Le geste banal de lavage des mains est fortement conseillé dans le cadre de la prévention individuelle contre la fièvre hémorragique à virus Lassa.
Dans une zone touchée par exemple, combien de fois par devrait-on se laver les mains en moyenne ?
On ne peut pas avancer un chiffre avec précision. Est-ce que vous pouvez savoir le nombre de personnes que vous allez saluer dans la journée ? Donc, tant que vous saluez quelqu’un dans ce processus de prévention, on demande habituellement de se désinfecter les mains à travers le lavage simple des mains, ou à travers l’usage de gels hydro alcoolisés disponibles dans le commerce et dans toutes les pharmacies.
Comment s’établit le lien entre le rat multi-mamelles et la contamination ?
Ça peut être soit à travers la consommation du rat, soit les contacts qui ne sont pas souvent désirés, avec le rat. Parce que, lorsque vous avez votre cadre de vie qui n’est pas suffisamment propre, cela développe la prolifération des rats. Et ces rats, comme l’homme consomment, urinent, défèquent. Ils peuvent le faire dans le linge, dans les aliments. Une farine mal protégée, le rat à la recherche de sa nourriture va y déféquer ou uriner. Et vous, par mégarde, vous l’utilisez pour toute la famille, et c’est parti ainsi. Parce que, c’est le rat qui est le réservoir du virus et ce rat élimine ce virus à travers les selles et ses urines. Les urines qui sont déjà en contact avec vos vêtements, une valise mal fermée, ou bien des vêtements jetés par-ci par-là, le rat urine dessus, vous les portez et les contacts à travers les contacts, vos orifices, les points d’ouverture de l’organisme, vous attrapez la maladie. Voilà un peu comment ça se développe. Donc, soit vous consommez le rat, il y en a qui le consomment, et vous consommez le réservoir de virus qu’il constitue et vous attrapez certainement la maladie et ça passe par le sang, soit vous avez votre cadre qui est malsain et le rat défèque par endroits dans vos aliments ou dans vos vêtements et à travers le contact avec votre peau ou une partie de votre corps qui est ouverte, vous attrapez la maladie.
Il ne suffit donc pas, pour ceux qui en mangent, de cuire le rat à point pour être protégé du virus…
Habituellement, il est dit que le virus ne résiste pas à une température supérieure à 100°, mais nul n’est à l’abri d’une cuisson mal faite, et il y a des gens adorent particulièrement prendre certains mets à moitié cuits, et donc, nous ne sommes pas épargnés d’une façon ou d’une autre.
L’alimentation jouerait un rôle dans le renforcement du système immunitaire des malades de Lassa. Comment cela se passe-t-il ?
La question de renforcement du système immunitaire n’a aucun rapport a priori avec l’épidémie. Toutes les maladies que nous développons en nous sont tributaires de ce que nous consommons. En termes d’hygiène de vie, ça veut dire que quand vous mangez bien et sain, soyez sûr que vous renforcez systématiquement votre état immunitaire. Maintenant, en période d’épidémie, si vous voulez faire un lien, c’est qu’un malade qui s’alimente bien, a forcément son système immunitaire plus renforcé et par conséquent, a des prémunitions pour lutter efficacement contre cette maladie-là. Ce n’est pas une exclusivité à l’épidémie Lassa, mais c’est lié à notre état de santé globalement.
Pouvez-vous nous faire un état des lieux de la situation de l’hygiène dans la zone sanitaire que vous couvrez ?
La question de l’hygiène est une question complexe et globale. C’est vrai que la commune de Parakou fait partie des communes à risque sur le plan de l’hygiène. Nous enregistrons de façon cyclique des épidémies de choléra liées à des questions d’hygiène. Quand on parle d’hygiène, il faut déjà prendre un aspect pointu qui est l’hygiène dans la défécation, et la commune de Parakou est une commune où la question de la défécation à l’air libre se pose avec acuité. Nous travaillons dessus avec les autorités locales pour trouver des mesures appropriées afin de pallier cette insuffisance d’hygiène. Il y a également le problème de la gestion des ordures. Voilà un autre défi sur lequel nous travaillons ensemble, avec les autorités locales, pour essayer d’endiguer ce problème. Nous sommes effectivement exposés à ces risques dans la commune.
Un dernier mot à l’endroit des populations sur a prévention de la fièvre Lassa ?
Le message que je veux faire passer aux populations est de leur faire comprendre que l’agent responsable de la fièvre hémorragique à virus Lassa est le rat multi-mamelles. Par conséquent, les populations doivent éviter la consommation des rats, quel que soit le type de rat. Le deuxième message est de leur demander de prendre toutes les mesures pour rendre leur cadre de vie sain. L’hygiène dans nos maisons, dans nos concessions, l’hygiène corporelle alimentaire, c’est la clé pour pouvoir prévenir efficacement cette fièvre à virus Lassa.
Juliette MITONHOUN
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