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L’économie béninoise est morte à Cotonou et le gouvernement, en panne d’autorité intellectuelle, embarque son cadavre pour l’enterrer à Paris. Le patriotisme intempestif, le dirigisme ostentatoire, le retour de l’État dans l’économie, le come-back redondant du pouvoir, parfois juge et partie, ont fermé déjà toutes les issues à la résurrection du pays. Les formules consacrées, les principes stupides, la bêtise, l’intolérance, l’aveuglement, l’étroitesse d’esprit du gouvernement ont tué la confiance, l’espérance, le courage et l’enthousiasme des investisseurs. Le populisme a pris le dessus sur le réalisme. En tournant dos aux investisseurs locaux, le pouvoir impulsif de Cotonou a opté pour une politique de main tenue. Un pouvoir enfermé dans un engrenage de contradictions, de maladresses, de décisions grotesques où il utilise la même tribune pour vanter les mérites de l’entreprenariat privé aux jeunes et la chasse aux investisseurs. Un gouvernement qui torture les chiffres pour leur faire dire ce qu’il veut. Un gouvernement qui livre les investisseurs privés à la vindicte populaire. Un pouvoir impécunieux, incapable et corrompu, dont on sait d’ores et déjà que la table ronde de Paris ne tiendra aucun de ses objectifs.
Forum, rencontre, séminaire pour quels bilans
A la longue litanie des fora, le Bénin ajoutera donc la table ronde de Paris prévue du 17 au 19 juin 2014. L’objectif officiel assigné à cette rencontre est de mobiliser les investissements privés et publics pour améliorer la croissance et le développement. Si l’idée en elle-même n’est pas mauvaise, elle vient s’ajouter à la liste des initiatives sans lendemain dont ce gouvernement s’est fait le spécialiste. Des idées immatures jetées en pâture au peuple pour montrer qu’on travaille. Une rencontre aussi importante aurait nécessité des années de préparation, un environnement des affaires saint et des références que le Bénin doit faire valoir. Depuis 2006, des rencontres pompeuses se succèdent et n’ont d’existence que le temps de leur tenue. Les décisions sont rangées dans les tiroirs aussitôt que les participants ont tourné le dos. On sait bien que le Bénin est le royaume des fora qui s’éternisent ? Et si le gouvernement prenait le temps d’évaluer les multitudes de forums organisés : forum économique, forum sur l’emploi, forum de l’éducation, forum de la Diaspora ? Qu’a-t-on fait des résolutions ?
Crise de confiance et absence de garantie sur investissement
La table ronde de Paris tombe dans une période de crise de confiance entre l’État béninois et des investisseurs privés. Depuis des mois, les investisseurs privés sont avalés de gré ou de force par du nationalisme naïf ou tout simplement brûlés comme de la mauvaise graisse. D’autres sont pestiférés à cause de leur opinion politique ou de la conception néanderthalienne et monarchique du pouvoir. La violence à l’encontre des investisseurs a atteint une ampleur inédite. Le Bénin vient d’ailleurs de brûler son dernier capital crédit en s’engageant dans un bras-de-fer avec la cour d’arbitrage de l’OHADA à travers ses plus hautes autorités.
Les conditions minimales - un climat des affaires serein, la sécurisation des investissements, la disponibilité et l’accessibilité de l’énergie électrique - pour attirer des investisseurs sont loin d’être réunies. La décennie d’humiliation, de harcèlement, de torture fiscale dont sont victimes les investisseurs privés a assombri l’horizon économique. Les cas de Sébastien Adjavon, président du groupe JLR ou de l’homme d’affaires Patrice Talon, pourtant tous deux principaux pourvoyeurs privés d’emplois au Bénin en disent longs sur l’environnement des affaires au Bénin. Le Bénin ne peut se construire durablement sans un minimum de confiance entre les gouvernants et les gouvernés. La fracture ouverte entre le peuple et le gouvernement va au-delà des entrepreneurs et touche même le capital humain et l’intelligentsia béninoise. On peut citer les cas de Simon Pierre Adovolandé ou Bertin Koovi qui font respectivement les beaux jours des gouvernements ghanéen et équato-guinéen.
En matière de sécurisation des investissements, le Bénin n’a pas de lettres de référence à faire valoir. Et il vient de le confirmer en opposant une fin de non-recevoir à la décision de la cour d’arbitrage de l’OHADA qui l’a sommé de verser plus de cent milliards à l’homme d’affaires Patrice Talon. Cette position du gouvernement béninois laisse un message sans ambigüité aux investisseurs nationaux et internationaux. Le Bénin ne respectera pas ses engagements vis-à-vis des organes d’arbitrage auxquels le pays a librement adhéré. Aucun investisseur sérieux ne viendra investir dans un pays où toutes les décisions juridiques et économiques proviennent d’un seul homme. Sauf peut-être, les entreprises occidentales spécialisées dans la corruption des États africains et qui tirent dans l’ombre les ficelles des guerres fratricides.
Dans ces conditions, il est utopique d’espérer de la table ronde de Paris une plus-value pour un pays dans lequel la corruption est devenue un sport national, un pays qui présente une image malséante et où des hommes d’affaires sont traités comme des domestiques de l’État. Cette table ronde serait rien d’autre qu’une occasion offerte aux fonctionnaires d’aller faire du shopping sur les Champs-Élysées pour leurs « bureaux », sabler du champagne dans les hôtels cinq-étoiles et encaisser de mirobolants frais de missions. « L’initiative de la table-ronde ne s’inscrit point dans une approche de mobilisation des ressources pour la relance de notre économie mais plutôt dans une seule et unique visée à savoir siphonner les ressources affectées à son organisation pour se tailler un pactole pour les prochaines échéances électorales ». Personne n’est dupe.
Jules Djossou
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