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Toujours aucune trace du mot « pardon » dans le droit positif béninois. Plusieurs heures après la contrition solennelle du chef de l’Etat, juristes, avocats, praticiens du droit, commentateurs, adulateurs ne parviennent pas à indiquer clairement la référence juridique de l’acte présidentiel. Tout ce dont on semble sûr, c’est le retrait de la victime présumée de la tentative d’empoisonnement de toute la procédure. En d’autres termes, la partie civile incarnée par le chef de l’Etat, renonce à toute poursuite judiciaire. Plus trivialement, on peut dire que le locataire de la Marina souhaite désormais suivre le reste des débats en observateur puisque visiblement son désistement ne vaut pas extinction de la procédure.
Une halte s’impose néanmoins en vue d’un état des lieux. Cet état des lieux enseigne qu’au jour du « pardon présidentiel » tous les prévenus bénéficiaient des deux non-lieux, c’est-à-dire d’un refus de poursuivre la procédure selon le juge Angelo Houssou, depuis le 17 mai 2013. Patrice Talon et Olivier Bocco en exile en France, bien qu’ayant été exclus de ces non-lieux à partir du 02 juillet 2013 par la Cour d’Appel ont finalement été incidemment réintégrés par la Cour suprême le 02 mai 2014. Voilà donc des « blanchis » par la justice qui se trouvent « pardonnés » par leur supposée victime principale. On devrait logiquement alors tirer les rideaux et passer à autre chose. Seul problème, c’est qu’il s’agit d’une procédure pénale portant sur des crimes aussi graves que la tentative d’empoisonnement sur la personne du chef de l’Etat et une tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Tous les spécialistes de droit répètent à longueur de journée que l’auteur principal de la poursuite dans ce cas précis demeure le ministère public et non la personne du président de la République. Or il ne s’agit que du pardon du chef de l’Etat et non celui de l’Etat béninois.
Une incursion dans les contours du discours du pardon présidentielle du 14 mai 2014 donne, néanmoins, une autre dimension à l’embrouille juridico-politico-financière. On y lit des noms de personnalités prestigieuses non béninoises comme le président français François Hollande et son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius ainsi que le Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf. Il est même question de tractations, d’accords, de correspondances voire de concessions, de part et d’autre. En découle la préoccupation de savoir comment traduire cette touche « diplomatique » dans la procédure judiciaire en cours. Ce serait intéressant de voir l’influence de l’action de cette diplomatie franco-francophone sur la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou pourtant clairement indiquée dans la décision de la Cour suprême, pour la suite de la procédure.
Il faut bien une raison juridique évidente pour permettre aux régisseurs des différents lieux de détention d’élargir leurs pensionnaires concernés par le pardon présidentiel. Alors qu’au nom de la loi les mêmes administrations pénitentiaires freinaient des quatre fers pour ne pas laisser les prévenus recouvrir leur liberté malgré les non-lieux. Aucun acte judiciaire définitif sur ces dossiers ne saurait porter la référence à une médiation souterraine de Hollande-Fabius-Diouf comme moyens de droit. Imaginons le président de la grande France, berceau de la déclaration universelle des droits de l’homme et de la démocratie se justifier devant ces compatriotes d’être intervenu pour influencer une procédure judiciaire dans un pays démocratique dont les institutions fonctionnent normalement. Tout comme Diouf devrait expliquer en quoi son institution aide à la démocratisation dans l’espace francophone grâce à la primauté des tractations occultes sur des procédures judiciaires internes de certains pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie.
Quand la diplomatie s’oppose à la justice !!!
Par Arimi Choubadé
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