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La fermeture des Ecoles normales d’instituteurs (ENI), décidée en 2019 fait maugréer les habitants de Kandi au nord du Bénin. La situation de l’ENI de Kandi crée de sérieux dégâts socio-économiques à Pèdè, un village de la commune.
La nuit semble tombée sur la zone résidentielle en pleine journée. Pas d’animation, un an après l’arrêt des activités de ce centre de formation. Une situation difficile à vivre pour les commerçants et propriétaires qui louent des chambres aux enseignants en formation à titre payant.
Il est 18h à Pèdè dans la commune de Kandi. Notre équipe de reportage se rend dans la zone résidentielle des normaliens ; une zone, jadis bien animée à pareille heure, située à quelques encablures du centre de formation des enseignants titulaires du BAC. Sur les lieux, le silence plane. Les chambres qui hébergeaient près de 400 élèves-maîtres régulièrement inscrits chaque année scolaire depuis l’ouverture de l’école en 2006, sont pour la plupart fermées faute de locataires. Dans certaines de ces constructions, dorénavant non habitées et en ruine, des mauvaises herbes règnent en maître. Certaines habitations sont transformées en dépotoir de tas d’ordures.
Avant 2019, la forte présence des élèves-maîtres donnait au petit village Pèdè, un statut de bourg.
La création de l’école de formation professionnelle à plus de 5 Kilomètres du centre-ville, obligeait les futurs instituteurs à se domicilier à Pèdè, situé au nord de Kandi à la sortie de la ville.
Rapidement, les autochtones dont la principale activité est la culture de coton, ont saisi l’opportunité en multipliant la construction des maisons à louer. Ce qui a longtemps profité à beaucoup de paysans.
« Trouver à manger est difficile pour moi... »
Aujourd’hui, ils se plaignent. A les en croire, il va falloir désormais attendre chaque année la campagne cotonnière pour jouir de ses efforts alors que l’or blanc, à lui seul, ne couvre pas toutes les charges.
« Trouver à manger est difficile pour moi, je suis déjà vieille, je ne peux plus aller au champ. C’est pourquoi, j’ai construit avec l’aide de mes enfants ces chambres à louer pour percevoir à chaque fin du mois de l’argent. Des maîtres venus de loin (enseignants affectés) ont pris quelques-unes, mais il en reste inhabitées », se désole Aminata Orou, propriétaire de maisons à Pèdè. Selon la sexagénaire, l’espoir que la création de cette école a suscité, est déchu après sa fermeture.
« Comme les normaliens ne sont plus là, c’est très difficile pour nous. J’ai pris mes économies tirées de la production du coton pour construire 6 chambres à louer », a confié Djamilou, père de famille. L’éleveur poursuit, les yeux presqu’en larmes, qu’ « aujourd’hui, il n’y a plus des locataires dans les chambres. Comment je peux bénéficier de ce que j’ai investi ? », s’inquiète-t-il. Pour lui, l’arrêt des activités de l’école normale d’instituteurs (ENI) de Kandi a de lourdes répercussions sur ses finances. Il avoue qu’en début d’année scolaire, il éprouve assez de difficultés pour payer les fournitures scolaires à ses enfants.
Contrairement à Djamilou, Rachidi, un jeune éleveur de Pèdè, n’a pas encore de charges. Mais il pensait épargner dans une banque les ressources tirées de la location des chambres en terre battue pour une utilisation ultérieure. « Moi, je me disais que l’ENI ne sera jamais fermée. Les chambres à louer sont pour moi, une manière de préparer ma retraite. Chaque fin du mois, je prenais quelque chose chez les locataires. Dans notre village, chacun construit sa chambre. Donc, aucun autochtone ne loue de chambres. Ce sont les étrangers seuls qui viennent louer nos chambres. Voilà que les normaliens ne viennent plus, c’est grave », a-t-il lancé, le visage triste.
« Avant, on prenait régulièrement de l’argent chaque fin du mois chez nos locataires, maintenant, il n’y a plus de locataires. Même les chambres, parce qu’elles sont inhabitées, se fissurent », se plaint un autre sous anonymat. Il souhaite que le gouvernement prenne des mesures sociales en leur faveur.
L’économie locale au ralenti
Au marché du village, des clients se font rares. La mévente s’est installée. Le petit centre d’échanges commerciaux a perdu son brouhaha habituel. L’économie locale tourne au ralenti. Les marchands peuvent y être désormais sur le bout des doigts. Plusieurs vendeuses de nourriture n’y vont plus. La plupart se retrouve à la maison du fait de la fermeture de l’Eni qui a entrainé la chute du flux commercial dans le marché.
Pourquoi suspendre la formation dans les ENI ?
La décision de suspendre le recrutement et la formation d’élèves-instituteurs remonte à la session du Conseil sectoriel pour le dialogue social (Csds), ouverte le 14 décembre 2017. La décision exige qu’il faille avoir le Baccalauréat pour être instituteur. L’objectif visé est de relever le niveau des enseignants sortant des Ecoles nationales d’instituteurs (ENI), et par ricochet, celui des apprenants.
Depuis la rentrée académique 2018-2019, la mise en application de la mesure a entraîné en même temps l’arrêt, avec ses conséquences socio-économiques, des activités des ENI de Kandi et de Dogbo.
Outre le niveau Bac exigé, la durée de formation de ces élèves-maîtres, passe de deux (02) à trois (03) ans.
Le jeudi 9 janvier 2020, le Ministre des Enseignements Maternel et Primaire, Salimane Karimou, faisant le point de la situation des enseignants dans les écoles plus de trois mois après la rentrée scolaire 2019 -2020 aux députés à l’Assemblée nationale, a abordé le sort des ENI.
Le Ministre a souligné que la décision de fermeture a été prise en attendant de procéder à certaines réformes. « Les Ecoles Normales d’Instituteurs sont dans une phase de restructuration, et les dispositions sont en train d’être prises pour qu’elles reprennent leurs activités dès la rentrée de septembre 2020 », soit au début de la rentrée scolaire 2020-2021, a-t-il confié.
En attendant la réouverture de ces centres de formation des élèves-maîtres, la morosité économique règne dans les zones résidentielles des normaliens à Kandi et à Dogbo. Petits commerçants et propriétaires de maisons pour bail à usage d’habitation ne savent plus à quel saint se vouer.
Boniface CAKPO
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