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(Par Roger Gbégnonvi)
En régime de démocratie africaine bananière, on n’ignore rien des troisièmes mandats interdits par la constitution, mais que le prince-gouverneur s’octroie au forceps par voie de mensonge, sabre au clair, ou chars et bazookas dehors.
Debout mais le visage tuméfié après le premier KO de leur histoire (contre toute logique, le prince est dit élu dès le premier tour), les Béninois doivent entrer en guérilla pour refuser le coup de Wade et de son troisième mandat, heureusement déjoué dans les urnes par la vigilance des Sénégalais. Mais au regard de l’iniquité subie, les Béninois ont perdu foi dans les urnes et tiennent pour foutaise de faussaire la parole dudit élu. Il court à Rome et à Washington jurer que lui jamais ne briguera un troisième mandat. ‘‘Va te faire voir !’’, lui répondent les Béninois, et ils entrent aussitôt dans la guéguerre des procédures pour briser le cou à toute révision opportuniste de leur constitution.
Pendant quatre ans de bataille juridique, le pays s’est… enlisé : souvent à sec les robinets et les stations d’essence, l’énergie électrique devenue rare comme le caviar dans l’assiette du pauvre ; quant à la connexion Internet, ‘‘Tu parles ! On est retourné à l’âge de la pierre.’’ La guérilla contre le troisième mandat a usé les énergies et arrêté le développement, ou ce qui en tient lieu.
Les Béninois ne sont pas replets et grassouillets comme leur prince, mais ils sont fiers de l’avoir stoppé net dans son élan révisionniste à la Wade. Ils savent que le serpent mort est celui dont la tête est coupée. Aussi persévèrent-ils en vigilance et résistance. A toutes fins utiles. Les Béninois s’en tirent plutôt bien avec un banquier parvenu au pouvoir par hasard. Qu’aurait été le sort de leur guérilla procédurière, s’ils avaient eu affaire à un massacreur sorti tout droit de la forêt après avoir trucidé des milliers d’entre eux ?
Les Burundais ont la réponse. Le prince là-bas veut son troisième mandat, point final. Les évêques peuvent lui retirer leur confiance, de hauts fonctionnaires démissionner et s’enfuir du pays, ses concitoyens en désaccord descendre dans la rue, lui c’est s’en fout la mort ! Il veut son troisième mandat, et basta ! A propos de mort, les Burundais opposés au troisième mandat tombent par dizaines sous les balles de la police. Mais quand on en a tué des milliers pour se faire prince-gouverneur, quelques dizaines ne sont qu’ ‘‘un détail de l’histoire’’. Dans l’histoire de ces assassins troisièmes mandats, les Ivoiriens sont très à plaindre pour s’être fait trucider en démocratie par un prince, professeur d’histoire dans le civil.
Dans une confusion tapissée de morts, il arrache le pouvoir à un général qui vient de se l’offrir en cassant les urnes. Peu de temps après, coup d’Etat manqué. Partition du pays. Le report des élections devient un sport qui maintient le prince historien au pouvoir pendant dix ans. Deux mandats donc. Enfin les élections. Il s’en déclare vainqueur. Contestation. Chars et bazookas dehors. Trois mille morts. En plus des autres milliers de morts pendant les deux mandats.
Les troisièmes mandats au forceps en démocratie africaine bananière ne tuent pas seulement le développement ou simplement la croissance, ils tuent aussi les gens, le présent et, plus encore, l’avenir. Si les princes-gouverneurs n’en ont cure, c’est qu’ils n’ont d’yeux que pour la crudité et la nudité du pouvoir, déclinées en amas de biens mal acquis (les fameux BMA), en d’inutiles voyages hors du pays, en traversées du pays en hélicoptère pour fuir les routes crevassées, en maîtresses poudreuses et mafieuses, en champagne et caviar. Dans l’une des principales langues du Bénin, gouverner se dit manger le pouvoir, au sens d’en profiter pour s’empiffrer. Joli programme. Il en ressort qu’il faut aller vers Aimé Césaire si l’on veut en finir avec ces assassins troisièmes mandats : ‘‘Le matériau humain lui-même est à refondre.’’ A commencer par le matériau humain des princes-gouverneurs.
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