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Après 293 heures de vol dont la majorité consacrée aux déplacements du président Boni Yayi à l’intérieur du pays, l’hélicoptère TY-ABC finit dans un crash à Djougou le 26 décembre 2015 avec à bord, l’ex-premier ministre Lionel Zinsou. Dix sept mois après, l’enquête piétine.
Marcel ZOUMENOU
Le samedi 26 décembre 2015, l’hélicoptère TY-ABC transportait le premier ministre d’alors Lionel Zinsou et trois autres personnes de sa délégation à Djougou où ils devraient participer aux festivités de la fête de la Gaani. Tout s’est bien passé jusqu’à hauteur du stade Atchoukouma, lieu supposé de l’atterrissage. Embarrassé par le choix d’un lieu précis où poser, alors que des travaux de réfection se faisaient sur le stade, le pilote décide alors de se poser sur un espace situé entre la clôture du stade et l’aire de jeu. « A quelques mètres du sol, le soulèvement d’un amas de poussière envahit l’hélicoptère et rend la visibilité difficile pour le pilote. C’est en ce moment que, voulant faire des manipulations nécessaires pour un atterrissage sécurisé, la pale de l’hélicoptère cogne le mur et se brise. L’engin devient incontrôlé dans les airs et vient s’affaisser au sol », confie un membre de la délégation du premier ministre qui a requis l’anonymat. Le mur dans sa chute blesse quelques riverains. Dans le procès-verbal de l’audition de la procédure d’enquête préliminaire par le maréchal des logis Charles S. Dansou, procès verbal N° 003/2015 de la compagnie de gendarmerie de Djougou, le pilote Eric Duprez confirme les faits et explique comment l’accident est survenu. « Avant l’atterrissage, j’ai demandé au premier ministre là où je vais atterrir ; il a répondu que l’atterrissage est prévu sur le stade de Djougou. J’ai préparé mon approche pour me poser face au vent, et comme le stade était en réfection, j’ai décidé de poser l’appareil entre l’aire de jeu et le portail. Au moment du posé, j’ai été surpris par la quantité de poussière qui s’est soulevée. Je tiens à noter que cette quantité est nettement supérieure à ce que j’observe d’habitude. Ensuite, il semble que les pales ont touché un obstacle et l’appareil est devenu incontrôlable au sol », a dit le pilote. Si l’appareil est totalement irrécupérable, aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée. En dehors de quelques écorchures, les six passagers à bord sont sortis indemnes de cet accident. Un cas de perte tout de moins, le pilote se plaint de n’avoir pas retrouvé son téléphone portable Samsung S5. Le 27 décembre une délégation du gouvernement conduite par le ministre des transports Gustave Depo Sonon se rend sur place pour visiter l’épave et veiller à sa sécurisation. Le 29 décembre, une commission d’enquête, dirigée par Abdoulaye Assoudo, alors Directeur de cabinet du Ministre des transports, est mise sur pied.
Manque de moyens
Si les causes de l’accident sont plus ou moins connues, il reste à l’enquête officielle de les confirmer et aussi, de situer si possible les responsabilités. C’est cela qui fait défaut depuis que l’accident s’est produit. Car, l’enquête a peu évolué et il n’existe pas de rapport officiel pouvant permettre de savoir réellement ce qu’il s’est passé. Si la majorité des membres reconnaissent que l’enquête n’a pas trop évolué, et qu’il n’existe pas encore de rapport officiel, le colonel Soulé Abou, directeur du cabinet militaire du Chef de l’Etat Boni Yayi affirme quant à lui qu’il existe un hypothétique rapport dans lequel, il aurait répondu à toutes les accusations qui pèsent sur sa personne. Il nous invite à y recourir pour avoir les réponses à nos préoccupations. Mais l’existence d’un rapport officiel n’est pas établie. Le président de la commission M. Assoudo nous a confié que « tant qu’on n’a pas procédé à la lecture de la boîte noire, l’enquête ne saurait être bouclé ». Le Dg de l’ANAC, Prudencio Behanzin également membre de cette commission jusqu’à sa nomination en Juin 2016 confirme cela. « L’enquête n’a pas été bouclée pour défaut d’autorisation de l’Etat pour financer la mission de lecture et d’analyse des données de la boîte noire jusqu’au changement de régime », a-t-il précisé. Le Bénin ne disposant pas d’équipements et d’experts pour ce genre de travail, envoie souvent la boîte noire à l’extérieur pour être décryptée. Le Dg ajoute que c’est maintenant qu’il a relancé le gouvernement pour une levée de fonds. Visiblement, personne ne se presse pour cette enquête. Pourtant, le Règlement 13 de l’aviation béninoise Règlement de l’aviation béninoise (RAB13) en son point 6. 3. 3 (b) stipule : « lorsqu’elle a mené l’enquête, la commission d’enquête doit rendre public le rapport final dans les plus brefs délais et si, possible, dans les 12 mois qui suivent la date d’occurrence. Si le rapport ne peut être rendu public dans les 12 mois, la commission d’enquête doit rendre public un rapport intermédiaire à chaque date anniversaire de l’occurrence, détaillant les progrès de l’enquête et toutes les questions de sécurité qui pourraient avoir été soulevées ». Pourtant rien n’a bougé et le pilote ne cesse de pointer du doigt les responsables de la SOBEH, de l’ANAC et le ministre Kassa. Pour lui, c’est parce que les gens ont des choses à cacher que l’enquête piétine.
Il a longtemps accusé le manque de professionnalisme qui a entouré la gestion de cet appareil. Dans un rapport adressé au président Boni Yayi le 06 août 2015, il avait parlé de « gestion inadaptée » et dénoncé une batterie d’irrégularités qui entachent le bon fonctionnement de l’appareil. Ce rapport est-il parvenu au Chef de l’Etat d’alors ? Difficile de le savoir puisque le pilote s’est plaint tout le temps des stratagèmes de Barthélemy Kassa, et des responsables de la SOBEH pour l’empêcher de rencontrer Boni Yayi. L’ancien ministre Barthélemy Kassa, relancé à maintes reprises pour donner sa version des faits n’a jamais répondu à nos questions. Pourtant, il est celui sur qui pèsent la majorité des accusations. Tout récemment encore, lorsque l’affaire Petrobas éclate au Brésil, c’est encore le nom de Barthélémy Kassa qui est cité par la justice brésilienne. Il est considéré comme l’homme ayant participé du côté béninois à l’évasion des capitaux de la firme pétrolière, en lui attribuant sur les côtes béninoises, des puits secs après avoir reçu des bonus. Selon des confidences, il aurait aussi reçu des retro commissions de plusieurs centaines de millions sur l’achat des deux hélicoptères. Eric Duprez l’a souvent cité comme celui qui lui a rendu la tâche difficile. A plusieurs reprises, à travers des courriers adressés à l’ex-DG de la SOBEH ou dans un mémoire adressé au président Boni Yayi, il a dénoncé le manque de congés pour l’équipe de pilotage, l’absence du contrat de maintenance, l’achat de pièces de rechange non certifiées, la négligence des procédures pour l’obtention d’un PEA. Bref, une gestion non professionnelle de l’appareil. Dans son audition pour le rapport d’enquête préliminaire, il a parlé de manque de « repos hebdomadaires et des congés qui ne sont pas accordés malgré de nombreuses demandes auprès de la SOBEH ». Est-ce pour cacher tout ceci que l’enquête piétine ?
(Enquête réalisée dans le cadre du projet ; « Pour les médias plus professionnels au Bénin » de la Maison des Médias financé par OSIWA)
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