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TETE A TETE ENTRE LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE SORTANT ET ENTRANT LE 6 AVRIL 2016
Une autre querelle inutile ?
Et si on s’en tenait à notre Constitution du 11 décembre 1990 !
Depuis quelques jours alors que le peuple béninois vient de montrer devant le monde entier que le principe consacré par l’article 2 de notre Constitution du 11 décembre 1990 à savoir « La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique. Son principe est : le Gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple » est une réalité au Bénin, l’on assiste à une querelle qui ne devrait pas avoir lieu vu la clarté des dispositions de notre loi fondamentale.
Comme nous l’avons constaté, le peuple béninois en allant aux élections présidentielles de Mars 2016 vient de démontrer le sens qu’il faut donner à l’article 3 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui dispose que « La souveraineté nationale appartient au Peuple. Aucune fraction du Peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice…. ».
Cette situation devrait être une leçon à nos acteurs politiques qui continuent de se comporter comme s’ils sont au dessus de notre Constitution et que pour les affaires de l’Etat, c’est leur unique volonté qui compte. Pourtant le deuxième alinéa de l’article 3 de notre Constitution du 11 décembre 1990 dispose que : « La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi Suprême de l’Etat ».
A la suite du communiqué du Conseil des Ministres en sa séance du 26 Mars 2016, publié par la presse nationale et internationale, le Conseil des Ministres a indiqué que le 6 Avril 2016 à 8h30 le Président sortant accueille sur le perron du Palais de la Marina le Président entrant, puis il y aura poignée de mains devant les cameras, tête à tête d’une quinzaine de minutés entre les deux Présidents, le Président sortant quitte le palais de la Présidence de la République et départ du Président entrant sur Porto-Novo pour la cérémonie d’investiture.
Les indiscrétions laissent entendre que ce choix de passer à la Présidence avant la cérémonie de prestation de serment n’est pas du goût du président entrant qui pour lui ne pense pas aller au palais de la République sans prêter serment comme l’indique la Constitution du 11 décembre 1990 même si cela a été fait déjà une fois.
Dans cet environnement, les commentaires sont légions. Pour certains c’est le Président sortant qui aurait raison car il évoque que le mandat a commencé déjà depuis 00 heure ce 6 avril 2016 et que c’est une tradition. Pour les autres comment aller prendre possession du palais de la République sans la prestation de serment.
Une analyse de cette inutile querelle vient une fois encore révéler que les deux personnages (Président sortant et entrant) ne finiront pas jusqu’à la fin de ce mandat de nous révéler les divergences profondes qu’ils ont même s’ils essayent de nous les cacher.
Il n’est pas obligatoire que les deux présidents (sortants et entrants) se rencontrent avant ou après la prestation de service. Notre loi fondamentale n’en parle pas et ce n’est pas une tradition aussi car depuis 1990, c’est une seule fois que ça a été fait entre les présidents sortant Matthieu KEREKOU et l’entrant Boni YAYI.
Une tradition c’est une « manière habituelle d’agir » et dans le cas d’espèce c’est une seule fois que le Bénin l’a connu depuis 1990.
Pour moi, c’est vraiment une querelle inutile car nulle part dans notre Constitution du 11 décembre 1990, il n’est indiqué que le Président sortant et entrant doivent nécessairement se voir.
Doit-on se rappeler que le Président américain George BUSH lors de la prestation de serment du nouveau Président OBAMA n’a pas souhaité le rencontrer alors même que la cérémonie devrait se dérouler à la Maison Blanche. Le Président sortant G. BUSH a tout simplement, quelques minutes avant l’arrivée du Président élu OBAMA à la maison blanche pris un hélicoptère et quitté les lieux avant l’arrivée du nouveau Président !
N’oublions pas que cette rencontre n’a pas pu se tenir lors de l’arrivée au pouvoir d u Président Matthieu Kérékou 2 car pendant que le Président N. SOGLO attendait son hôte au palais de la République, le nouveau ancien Président Matthieu KEREKOU était tout simplement à Porto-Novo pour prêter serment.
Selon l’article 53 de la Constitution du 11 décembre 1990 :
« Avant son entrée en fonction, le président de la République prête le serment suivant : "Devant Dieu, les Mânes des Ancêtres, la Nation et devant le Peuple béninois, seul détenteur de la souveraineté ; Nous ...... , président de la République, élu conformément aux lois de la République jurons solennellement : - de respecter et de défendre la Constitution que le Peuple béninois s’est librement donnée ; - de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation nous a confiées ; - de ne nous laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes nos forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale ; - de préserver l’intégrité du territoire national ; - de nous conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple. En cas de parjure, que nous subissions les rigueurs de la loi".
Le serment est reçu par le président de la Cour constitutionnelle devant l’Assemblée nationale et la Cour suprême ».
Par décision en date du 30 Mars 2016, la Haute Juridiction en proclamant définitivement élu, Président de la République Monsieur Patrice Athanase Guillaume Talon, elle a clairement indiqué à l’article 4 de sa décision que « Dit qu’avant son entrée en fonction, Monsieur Patrice Athanase Guillaume Talon doit prêter le serment prévu à l’article 53 de la Constitution ».
Il est donc clair qu’avant d’entrée en fonction, la seule et unique exigence constitutionnelle du nouveau Président est de prêter serment devant le Président de la Cour Constitutionnelle, l’Assemblée Nationale et la Cour Suprême.
Si nous savons que dans la doctrine « Le serment réalise l’intronisation juridique du Président nouvellement élu et manifeste l’acceptation de la fonction et des devoirs qu’engendrent cette haute fonction », indiquer voir imposer une rencontre entre les deux présidents (Sortant et Entrant) relève d’une exigence complémentaire non prévue par la Constitution du 11 décembre 1990.
Vouloir que cette rencontre se passe avant même l’exigence constitutionnelle de l’article 53 de la Constitution du 11 décembre 1990 comme l’affirme le communiqué du Conseil des Ministres en date du 26 Mars 2016 est à notre avis une méconnaissance de la Constitution du 11 décembre 1990.
Il est donc à se demander comment admettre qu’un Président élu qui ne se s’est pas conformé à l’exigence de l’article 53 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui stipule clairement « qu’avant son entrée en fonction… », prenne possession du palais de la République avant même de se conformer à cette exigence constitutionnelle.
Cessons avec cette querelle inutile et une fois encore faisons l’effort de nous en tenir à notre loi fondamentale.
Encore que ce 6 Avril 2016 à 00 heure le mandat du nouveau Président a déjà commencé et il peut à sa guise modifier le programme décidé en Conseil des Ministres d’un ancien Président dont le mandat est déjà arrivé à terme.
Dans le cas d’espèce cessons avec les polémiques et respectons tout simplement la Constitution du 11 décembre 1990 et l’article 4 de la décision de proclamation des résultats définitifs des élections présidentielles de Mars 2016 par la Cour Constitutionnelle.
Serge PRINCE AGBODJAN
Juriste