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(Par Roger Gbégnonvi)
Charlie Hebdo, Le Bataclan, Nice… Du sang et du sang. Des morts partout. Grâce aux télévisions d’outre-mer, nous l’apprenons et sommes, à chaque fois, hagards devant l’horreur. Effroi. De loin l’émotion nous rejoint au travers des silences, des fleurs, des cierges... Puis nous effleure la méditation angoissée : et si l’instinct de mort était la règle chez l’homme, partout et toujours ? Si oui, ce qui a changé, c’est sa mise en scène sur les plateaux du monde, sa diffusion urbi et orbi. Il est donc plus ‘‘bénéfique’’ de tuer à Paris, Bruxelles, Munich ou New-York. Une centaine de Béninois écrasés en quelques instants un jour de grande affluence sur la Marina à Cotonou par un chauffeur déréglé mental, c’est un drame qui ne ferait la Une d’aucune presse à Zurich. Affaire bénigne au Bénin. Plutôt donc une ville-vitrine, avec plein de télés, zoomant sur l’instinct de mort au fond de l’homme.
Cet instinct de mort au fond de l’homme a une histoire connaissable que l’homme ne s’avoue pas. La Genèse, le Livre des Origines, rapporte que Caïn a tué Abel, son frère. Par jalousie. Car l’homme a toujours besoin d’un prétexte pour tuer l’homme. Plus tard, Abraham a levé le couteau sur Isaac, son fils premier né, pour l’égorger en sacrifice agréable à Yahvé, comme l’exigeaient les coutumes de sa tribu. Mais, estimant sans doute que les mœurs devaient évoluer, Yahvé l’en dissuada et substitua à Isaac un bélier. Mais Yahvé regretta son geste puisque c’est lui-même qui, plus tard, livra aux hommes Jésus-Christ, son fils unique, premier né de Myriam, à qui les hommes infligèrent une mort ignoble en l’écartelant sur un gibet. D’Isaac sauvé du meurtre par Dieu, à Jésus-Christ livré par Dieu au meurtre, il n’y a que cohérence, car il n’y a pas de contradiction en Dieu. Jésus-Christ est censé avoir triomphé de la mort en ressuscitant. Mais nombre de ses adeptes n’ont que son meurtre à vénérer : haut perché au-dessus de l’autel, le cadavre crucifié. Durant la célébration du mystère, les adeptes de Jésus contemplent le crime, et leur subconscient se convainc de façon subliminale que l’assassinat de l’autre, homme, ne peut avoir que du bon. Les adeptes de Mahomet, qui refusent d’adorer ‘‘Dieu sanglant’’ (sic), renouent, une fois l’an, avec le sacrifice du bélier, et ce sont des hordes de moutons égorgés à chaque fois pour la plus grande gloire d’Allah. Pour l’assassinat en règle de l’autre, homme, ils ont la guerre sainte appelée djihad, applicable à tous les infidèles, c’est-à-dire tous ceux qui n’adhèrent pas à Dieu ou adhèrent à un autre Dieu qu’Allah. Au demeurant, pour avoir accès direct au Paradis d’Allah, il suffit de mourir en tuant des infidèles pendant un jihad ou de les tuer hors djihad : imprégnation subliminale. Les peuples sans textes sublimes pour légitimer l’instinct de mort, se débrouillent avec la sorcellerie, incapable, hélas, de tuer 84 personnes à la fois ; c’est toujours une personne par coup assené, et c’est peu. Mais chaque sorcier fait de son mieux pour manger des tas d’hommes durant sa carrière. Appuyés sur un solide instinct d’hégémonisme, des Etats puissants veulent limiter à eux le nombre de pays possédant l’arme de destruction massive de l’homme qu’est l’arme atomique. Mais ce nombre a plutôt tendance à augmenter sous le manteau, car chaque Etat a bien envie de réduire en cendres tel pays qu’il juge gênant, et s’il estime que la juste solution est un bon massacre de masse.
Les écrits grandioses qui éclairent l’humanité autorisent en filigrane l’homicide. Si ver il y a, il est dans le fruit. Peut-on jeter le ver sans le fruit avec ? Jeter de la Bible le massacre des innocents, du Coran le djihad, du Capital la lutte des classes, risquer donc de jeter ces textes-trésors, échos et aiguillons de l’instinct de mort ? Seul un fou l’oserait. Or les hommes ne sont pas fous. Leurs textes-coutumiers, aussi inviolables que mortifères, les justifieront donc toujours, de façon subliminale, sur les subtils boulevards de l’instinct de mort.