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Le Club de l’économiste a reçu ce jeudi 31 octobre 2019, le professeur John Igué. Enseignant chercheur à la retraite, il est professeur agrégé de géographie.
Le Directeur scientifique du laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale (Lares) s’est prêté aux questions des animateurs du Club sur le secteur de l’économie béninoise.
Auteur d’un récent ouvrage intitulé : « Les activités du secteur informel au Bénin : des rentes d’opportunité à la compétitivité nationale », le professeur John Igué a décrit à travers son ouvrage le secteur informel au Bénin et son influence sur l’économie du pays. Il a fait part de son apport à l’économie béninoise notamment les populations et l’influence du Nigéria sur le secteur.
Selon le directeur du Lares, le secteur formel occupe seulement 20% de la population alors que 80% vivent d’autres secteurs essentiellement informels. « L’informel fait que tout marche bien au Bénin. Le secteur formel est un secteur de dépendance avec l’extérieur. Ce secteur n’est pas favorable au règlement de tous les problèmes sociaux. Le plus important et dangereux est la domination de la dépendance coloniale », a expliqué le directeur du Lares. Même si l’on a tendance à croire que le secteur informel assure la survie des populations, le professeur souligne que c’est ce secteur qui nourrit la plupart des populations. Encore moins tous ceux qui exercent une activité le font pour survivre.
« Le secteur privé béninois est composé de deux éléments à savoir le secteur privé national et le secteur privé international », a-t-il indiqué.
« Le Bénin jusqu’à une date récente était sous l’emprise de la domination coloniale jusqu’à la révolution en 1972. Mais avant, il y a eu la crise de sécession ou guerre de Biafra. Beaucoup de Nigérians se sont donc déplacés vers le Bénin pour s’investir dans divers secteurs dont le cacao. En l’espace de cinq ans, ils ont pu gagner quelques milliards.
La révolution a décidé de la nationalisation des banques étrangères. Dans les banques nationalisées, seuls les nationaux ont accès à ce secteur. Ceci a relancé le commerce puisque les gens se dirigent vers ces banques », explique-t-il.
Le secteur est géré aujourd’hui par différents acteurs comme les Ibos, les Indopakistanais, les Chinois,...tous exercent dans l’informel.
Prof Igué signale que le contrôle reste difficile puisque l’Etat ne pourra tout contrôler. Il pense que « Dans les pays de la monnaie non convertie, tout le profit contenu est transféré à la banque centrale. Autrement, on ne peut faire le transfert vers l’extérieur. Ce que les gens ont, ils peuvent le mettre dans des sacs et déposer dans les banques au Bénin comme dans les sept autres pays de l’Uemoa. L’Etat ne pourra pas contrôler et seul le secteur informel permet de comprendre. L’impact de l’État sur la richesse nationale est très faible. Il y a le libéralisme alors que dans certains pays cela est minimisé››.
Un secteur en plein essor
« Avant la colonisation le secteur économique était dirigé par quatre acteurs dont les haoussa kanouri, qui s’étaient installés dans toutes les régions. Il y a les Yoruba, les Djioula, les Dendi. On était dans ce commerce de région qui n’avait pas de frontières », a rappelé le professeur.
Mais il se désole de ce que « D’une économie régionale, on est allé à une logique moderne. On a maintenant la logique traditionnelle et la logique moderne. A l’arrivée des Européens, ils nous ont imposés leur monnaie. Les commerçants ont continué en perpétuant l’économie traditionnelle qui est aujourd’hui l’informel ».
M. Igué estime que « le secteur informel est très organisé contrairement à ce qu’on dit. Les économistes vont dire que c’est un secteur de survie et ce n’est pas un secteur d’accumulation capitaliste alors que l’accumulation capitaliste, c’est ça qui amène la guerre. Comment comprendre qu’une petite catégorie s’accapare de la plus grande richesse ».
Pour lui, il ne faut pas prêter franc jeu à cette théorie puisque « C’est le secteur informel qui assure la survie de tout le monde aujourd’hui ».
« L’origine et le développement viennent de nos réformes. Le secteur informel s’est imposé pour profiter des lois biaisées que nous prenons. Les acteurs ne peuvent pas se formaliser. Ils sont pour la plupart analphabètes. Comment ils vont se formaliser. Le système moderne aujourd’hui exclut beaucoup de gens. La formalisation prend trop de temps », déplore Prof John Igué.
Les populations ne connaissent pas de frontières
La situation de la fermeture des frontières du Nigéria n’a pas été occultée pendant les échanges.
M. Igué a mis l’accent sur l’importance du brassage entre les peuples.
Toutes les populations du Bénin, Togo, Ghana et Nigéria sont les mêmes. Ce qui fait que l’idée de frontière est juste dans les papiers. « Les populations n’ont jamais accepté cela et c’est ce qui fait qu’on a une bonne collaboration entre pays. Cette fermeture concerne les frontières officielles », a-t-il indiqué. Cette situation selon lui, « influence le secteur formel. Puisque c’est sur ces passages que l’Etat perçoit des taxes. Cela a des conséquences sur l’économie. La stratégie de l’Etat, c’est de constater seulement. On connaît la cause et il faut que la diplomatie s’active », suggère-t-il.
Concernant la monnaie unique, John Igué estime que c’est une question des économistes. Néanmoins, il souligne que « la question de la gestion de devise est une question de fond. Et pour cela, on n’a pas de spécialiste sur la question ».
Pour lui, « Si vous n’avez pas une économie forte et une institution forte, il n’y a pas de monnaie. Ce sera très difficile que les 15 Etats arrivent à la convergence macro-économique. La création de la monnaie est un acte purement politique ».
Par rapport au progrès effectué par le pays, il fait un développement qui montre la réalité des faits. Aussi pense-t-il que « Les questions de chiffres qu’avancent les autorités politiques sont autre chose. La réalité est autre ». « Je ne crois pas qu’un pays peut utiliser la langue d’autrui pour se développer. Il faut qu’on règle ce problème linguistique. Les élites doivent réfléchir avec les populations analphabètes pour régler la question de barrière linguistique. Le mode de développement s’appuie trop sur les problèmes qu’on ne maîtrise pas », confie Prof Igué.
Concernant le chômage grandissant de la jeunesse, le professeur pense qu’ « Il faut s’asseoir et régler le problème éducatif, régler la question de partage équitable des ressources économiques en mettant l’accent sur la question de la jeunesse et non de la production ». Il ajoute qu’ « On doit mettre l’accent sur la formation professionnelle dès le bas. La réforme complète du système éducatif et la réforme complète du partage de la richesse ».
Quant au secret de la réussite, il conseille qu’il faut toujours « travailler ».
G.A.
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