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(Par Roger Gbégnonvi)
L’opinion publique béninoise manifeste une vague de fond en faveur d’une limitation drastique du nombre des partis politiques. Mais cette vague n’est pas déferlante, elle hésite, elle se retient, comme si l’on manquait d’arguments sérieux pour justifier un élan que l’on sent noble. Voir donc les ordres catholiques. Ils ont un principe sacré : jamais un, rarement deux, toujours trois. Car à partir de trois, on fait communauté et force. Car Dieu est Trine, c’est à Trois qu’Il fonde et tient l’univers. Car les Béninois tiennent pour vérité indépassable que ‘‘jamais ne se renverse la marmite sur un foyer à trois cônes portée.’’ Solidité et solidarité de la trinité. Voilà qui amène le Bénin à s’en tenir à trois partis politiques au maximum. Débarrassés du corset du PRPB, nous avons exprimé le besoin de nous défouler et avons obtenu que la Conférence Nationale nous laissât aller, nous laissât faire. A bride abattue, nous avons déployé notre liberté retrouvée en multipliant les partis comme les souris font des portées. Or voici le temps de savoir raison garder pour entrer dans les rangs.
Entrer dans la cour des grandes démocraties qui n’offrent de spectacle que celui de deux grands partis politiques : l’un dévoué à conserver au présent les acquis du passé, l’autre décidé à prendre le risque de nouveaux acquis au futur. Entre conservateurs et progressistes existe, ou survient de temps en temps, un troisième parti, petit poucet, dont le rôle consiste presque toujours à arbitrer entre les deux grands partis pour qu’ils n’en viennent pas à des renvois d’ascenseur préjudiciables à la démocratie. Trois partis politiques au maximum. Car il n’est pas vrai qu’il puisse y avoir pour un pays, pour une nation, une foule de directions politiques possibles, exprimées au Bénin par des partis qui se distinguent entre eux par leurs noms qui se ressemblent et par leur appartenance ethnique ou clanique.
Or, pour qui peut lire notre histoire politique sur le temps long de 58 années, depuis 1960, le Dahomey-Bénin, par monts et par vaux, par compromis et compromissions pour éviter le pire de la guerre civile, marche, cahin-caha, vers son unité pour aboutir un jour à faire nation. Le peuple béninois a accentué ce désir d’unité et de nation lorsque, en 2006, il a crédité dès le premier tour son futur président de 34% des suffrages exprimés, lorsque, en 2016, il a crédité au second tour son nouveau président de 65% des suffrages exprimés. Ainsi, par deux fois de suite, il a transcendé les clivages ethniques, régionalistes, claniques et familiaux, pour appeler à le diriger le candidat qui a su le convaincre qu’il pouvait tracer avec lui les sillons du développement. Il est juste et bon que la classe politique béninoise, qui n’est pas étrangère à ce désir d’unité et de nation, colle á présent totalement à ce désir.
Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Les minuscules partis politiques qui encombrent notre Parlement au travers de nos 83 députés reflètent des prurits qui cassent notre dynamique vers l’unité pour faire un jour nation. Elu sur une base fractionniste, le député, ‘‘représentant de la Nation toute entière’’, selon l’article 80 de notre Constitution, a tendance à se faire acheter, tout au long de son mandat, par le Chef de l’Exécutif. Comme le prix d’achat peut varier selon l’importance des lois à voter et selon les exigences des self-mis-à-prix, la marchandisation du mandat législatif nous a toujours fabriqué un Parlement dit à géométrie variable. De limiter donc légalement à trois le nombre des partis politiques nous fera un Parlement tout à fait lisible, démocratique et respectable, un Parlement qui ne sera plus un marché où les moutons bêlent à qui les achètera au prix le plus intéressant, un parlement qui contribuera ipso facto à faire avancer la lutte contre la corruption.
La vérité, c’est qu’il n’y a que du bonheur à limiter à trois le nombre des partis politiques au Bénin. Il convient donc que nous allions vers cet objectif avec enthousiasme.