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Mémoire du chaudron 59




Dans cette longue marche vers le pouvoir, il y a eu des moments d’enthousiasme et de grande espérance, auxquels ont souvent succédé des moments de doute, des passages dans un tunnel sombre, des moments de désorientation, de marquage de pas, de pédalage dans le vide.

Ces moments se vivent sans doute différemment, selon la distance qui vous sépare de l’épicentre de la conquête. Moi, j’en étais au coeur, vous vous en doutez bien.

Un de ces moments me marqua particulièrement. Il fut aussi bref qu’intense.

C’était un soir d’août 2005, à Tchaourou. Tous les signaux étaient au vert pour nous. Le rejet, par la cour constitutionnelle, de la loi sur la résidence, avait créé un formidable élan populaire autour de notre candidat. La digue avait sauté et plus rien ne tenait devant le cours de ce fleuve si remuant.

Finalement, cette histoire de critère de résidence grossièrement glissée dans la loi électorale pendant qu’un certain Ismaël Tidjani Serpos présidait la commission des lois à l’Assemblée nationale, fut tout bénéfique pour Yayi.

La machine de la victimisation tourna à plein régime et travailla si bien que dans chaque commune des Collines et du septentrion, personne ou presque n’ignorait plus le nom Yayi Boni. C’était vraiment du pain béni.

Les députés porte-flambeaux du yayisme étaient peu nombreux à l’assemblée nationale. Mais ils furent remarquablement stables et fidèles dans ce combat.

André Dassoundo, Saca Lafia, Karimou Chabi Sika et tous ces héros méconnus furent des guerriers dans un combat où il fallait tout donner, sans savoir de quoi serait fait le lendemain.

Il y avait eu, certes heureusement, "Patrice" pour attiser, de sa bourse, le feu de la mobilisation générale qui se traduisit en marches abondamment médiatisées contre l’exclusion qui secouèrent alors toutes les contrées du pays.

J’ouvre ici une parenthèse pour faire cette petite précision à ceux qui tiquent et se mettent en émoi chaque fois que j’évoque le nom "Patrice" dans mes chroniques et qui reniflent inutilement, cherchant derrière mon initiative, la présence d’une brosse à reluire en faveur de l’actuel locataire de la Marina.

Ce réflexe peu brillant vous fera passer à côté du courant du fleuve que constitue ce récit. Et au lieu d’y capturer les nombreux poissons qui y pullulent, vous remplissez vos paniers avec la vase des berges.

Car le présent ne change pas le passé. Concentrez-vous sur les faits tant qu’ils ne sont pas mis en doute de façon sérieuse. Oubliez mes commentaires s’ils vous indisposent. Ce sont les miens. Pas les vôtres.

Le rôle de l’historien n’est pas d’écrire ce que vous voulez lire. Car certains de ceux qui se pincent aujourd’hui le nez à l’évocation d’un certain prénom, savaient faire les génuflexions nécessaires en ces temps, pour se remplir la sébile. L’histoire devrait-elle occulter des épisodes, juste pour mettre à l’aise quelques-uns ? Je le répète : le présent ne change pas le passé.

Et l’actuel président de la République sait, je l’espère, que plus tard, quelqu’un d’autre écrira pareillement son histoire, avec ou sans son consentement. Celui-là n’est d’ailleurs pas souvent celui qu’on soupçonne le plus.

La protestation populaire contre la loi sur la résidence fut un rodage de notre machine électorale, un test grandeur nature de la réactivité du terrain. Et ce fut si concluant que finalement je crois, avec le recul, que nous fîmes deux campagnes électorales officielles pour une même élection présidentielle.

La liesse populaire à l’annonce de la décision de la cour constitutionnelle rejetant cette disposition de la loi électorale, n’a pas, à ce jour, son équivalent en matière d’instrument de mobilisation politique.

Comme d’habitude, le bas-peuple courut au secours de la victime. Je pense que ce fut le moment le plus décisif de notre marche vers la victoire.

Mais ce soir-là, le domicile de Yayi, la bâtisse blanche très visible au bord de la voie inter-Etat, était plus calme que d’habitude.

L’écho des sifflements sourds des pneus des véhicules filant à vive allure vers le haut nord, parvenait à la paillote circulaire où je me trouvais. J’avais, en effet, obtenu de Yayi, l’autorisation de prendre mon dîner hors de la table à manger officielle. Je préférais savourer ce plat d’igname pilée à la sauce sésame en compagnie du garde du corps et cousin de Yayi, Yakoubou, à qui une grande amitié me liait. Sur beaucoup de sujets, j’aimais cette élévation d’esprit dont il savait faire preuve.

Il aimait les discussions et les débats, et ça tombait bien. Nous passions ces moments à croiser nos informations et nos analyses. Je me faisais volontiers porteur de beaucoup de messages qu’il aurait de lui-même passés directement à son cousin Yayi s’il n’était pas par ailleurs son patron.

Nous vécûmes tous deux intensément, et au jour le jour, cette marche vers le pouvoir. C’était un homme sans excès. C’était un homme agréable. J’aimais, comme lui, l’igname pilée. Moi je tenais de la culture mahi-idaasha de ma mère, ce goût immodéré pour tout ce qui partait directement du mortier à la table. Je ressens toujours jusqu’à aujourd’hui une grande tendresse chaque fois que j’entends parler autour de moi le mahi ou le idaasha, bien que ne comprenant pas un traître mot de la seconde.

Mais les inflexions des notes de ces deux langues me donnent toujours le sentiment d’être en face d’un parent maternel. L’homme est décidément un résultat complexe.

Le dîner fut simple et agréable, comme d’habitude. Sous la paillote éclairée, nous parlions de tout et de rien. L’actualité politique était très fournie et nous ne chômions pas.

Quelques visiteurs venus de Parakou dînaient avec Yayi, dans la salle à manger jouxtant le modeste séjour. Bientôt, deux autres visiteurs se firent ouvrir le portail. De leur mine serrée, on comprenait qu’ils étaient porteurs d’un message. Ils s’annoncèrent et Yayi, qui sembla abréger son dîner pour les recevoir sur la véranda où quelques chaises blanches en plastique furent hâtivement installées. Ils échangèrent peut-être un quart d’heure, puis Yayi envoya m’appeler.

Lorsque je rejoignis la petite réunion, je trouvai Yayi anormalement abattu et défait. Il semblait subitement flotter dans ce "bomba" qu’il affectionnait chaque fois qu’il se trouvait à Tchaourou.

Lorsque je me fut assis, Yayi m’annonca, d’une voix basse et désespérée : "Tiburce, tout est à l’eau, hein, le vieux vient d’envoyer son projet de révision de la Constitution au parlement ".

L’information me glaça et je ne savais sur le coup quoi penser. Yayi et ses deux informateurs me regardaient, comme s’ils quémandaient de ma part, quelque réconfort. ’’Révision de la Constitution maintenant encore ?’’, me demandai-je silencieusement, sans savoir par quel bout prendre la chose.

Tous les signaux étaient au vert, et voilà que patatras, un grand rouge s’allumait.

Pendant une fraction de seconde, tout mon parcours sur ces sentiers de conquête du pouvoir d’Etat aux côtés de Yayi me retraversa l’esprit. C’était un film bref, condensé et vif.

Yayi expira bruyamment, maugréa quelque chose d’inaudible, puis baissa la tête. "Qui est l’informateur ? ", ai-je finalement demandé. "Ces deux frères-là viennent à l’instant de recevoir l’information. Ils viennent comme ça de Parakou ", répondit Yayi, totalement défait.

"Je crois que le plus simple serait de contacter nos députés à l’Assemblée nationale. André Dassoundo, Chabi Sika, Saca Lafia", ai-je proposé.

Je sentis une défiance mêlée d’agacement chez les deux informateurs. "Non, à l’étape actuelle, ils ne sont pas encore informés", me répondit l’un d’entre eux.

Téléphoner à Tchaourou en ces temps-là relevait d’un exploit. Pendant longtemps, la bourgade ne fut desservie que par un câble téléphonique venant de Parakou et que les voleurs repliaient régulièrement à coeur joie.

Le réseau GSM Télécel qui, le premier, s’y aventura autour de l’année 2004 si je ne me trompe, y offrait un service si exécrable que très peu de gens s’y essayaient.

Sinon, il m’eût juste fallu passer un coup de fil à mes collègues souvent très informés, comme Clément Adéchian, Gérard Agognon, ou même appeler directement Charles Toko, pour confirmer où démonter cette information.

Mais à l’impossible, nul n’est tenu, et je passai cette nuit, la rage au coeur, presque convaincu que j’avais couru pendant trois ans inutilement. Demain sera peut-être un nouveau jour.

(✋🏾À demain)

*Tibo*

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10 avril 2018 par Judicaël ZOHOUN




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