jeudi, 25 avril 2024 -

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Grèves pour paralyser l’administration publique

Le mouvement syndical face à l’histoire




La dernière grève qui a paralysé, plusieurs jours durant, l’administration publique n’est pas du goût de tout le monde. Marc-Laurent Hazoumè, enseignant à la retraite et ancien chercheur à l’institut de l’Unesco, évoque dans ce texte les innombrables conséquences néfastes de ces mouvements d’humeur, sur le développement. Pour lui, il urge d’organiser des assises pour refonder le mouvement syndical. Lire son analyse

Pour raison de retrait du droit de grève dans certains secteurs de l’Administration, les magistrats, fonctionnaires également concernés par la décision, ont décidé d’un arrêt de travail pour une durée illimitée. Même les réquisitions sont loin d’avoir été suivies. N’y a-t-il pas là un véritable abus ? Si ce socle important de la Nation s’effondrait, à quoi devrions-nous nous attendre ? A un Etat de non-droit où tout est permis ? On sait que des situations extrêmes pourraient justifier de telles positions. Mais, étions-nous déjà dans ce cas de figure ? Même si, comme nous le pensions, il s’agissait d’une pression que l’on espérait exercer tant sur la Cour Constitutionnelle que sur le Gouvernement, cette grève coûte trop cher pour l’ensemble du peuple béninois, moralement et matériellement, dans tous les cas.

Avec une certaine suffisance, le secrétaire général du syndicat de la magistrature nous rappelait, nous le paraphrasons, qu’il préférait sa liberté à l’argent facile. Pourtant, ce même secrétaire général s’oppose aux défalcations de salaires et aux poursuites disciplinaires. Où sont alors les prérogatives de l’Etat ? Nous aimerions que le militant de premier plan qu’il tient à être nous les définisse. Dans le cas contraire, nous voudrions lui rappeler que nous sommes loin d’être dans la Cour du Roi Pétaud. Et ce n’est nullement au Magistrat que nous l’apprendrons. Il est du devoir des Autorités politiques de prendre toutes leurs responsabilités en faisant respecter la loi parce qu’il y va aussi de la survie même de cette Maison Justice que l’on prétend défendre pourtant. Par ailleurs, de quelle liberté parle le Secrétaire général ? De la sienne propre ? De celle du Corps de la magistrature ou de celle des usagers des tribunaux ? Si tout syndicat a le droit de défendre ses droits acquis, faut-il bafouer, sans aucune concession, ceux de la majorité qui est ainsi prise en otage ? Dilemme grave à prendre nécessairement en considération en toute circonstance avec une conscience politique aigue. Une grève illimitée paraît, en conséquence, totalement inappropriée dans ces conditions. Car, elle contribuera indéniablement à son propre échec. C’est ce qui vient d’ailleurs de se passer avec cette suspension annoncée qui est bien loin de constituer une victoire pour la Magistrature.

En soutien à ce mouvement, certains syndicats des secteurs de la Santé, de l’Education et d’autres encore ont décidé de s‘y associer. Hélas, face à tous ces faits, nous constatons que le Bénin continue de s’enliser dans une instabilité chronique qui nous rappelle, soit dit en passant, ce qualificatif d’ « enfant malade de l’Afrique » dont il fut jadis affublé. Mais, alors que l’on déplore une perte ascendante des valeurs dans le pays, le respect de la Loi devient une notion virtuelle et pratiquement inexistante. Les réquisitions non acceptées et le mot d’ordre de grève mis en exécution sans attendre la décision de la Cour en constituent des preuves palpables. Pire encore, ces transgressions de la Loi semblent devenir malheureusement aujourd’hui l’apanage de ce Corps qu’est la Magistrature au point d’amener une frange importante de la société béninoise à mettre en balance, ou plus explicitement, à comparer tous les avantages matériels acquis par les magistrats avec une grève qui lui paraît injustifiée et anormale même. Elle se questionne donc, cette frange de la société, et crie à une injustice intolérable à son égard. Une conséquence politiquement grave et nuisible pour toute organisation qui se respecte. Les responsables devraient y réfléchir mûrement. Car aucune action ne peut être menée contre ce peuple dont nous prétendons défendre, avec force et conviction, les intérêts vitaux. Ce qui est considéré comme légitime par une infime minorité lettrée ne l’est pas nécessairement par ceux qui cernent difficilement les problèmes soulevés et par les soixante pour cent d’analphabètes que compte notre pays, privés qu’ils sont de certains de leurs droits fondamentaux et de leur liberté, la vraie. Telle est la question qui devrait être la nôtre chaque fois qu’il nous arrive d’oublier que ces personnes-là existent et veulent vivre aussi une vie décente, dans toute sa plénitude.

Lorsque dans le secteur de la Santé la grève se déclenche et qu’au-delà de toute logique, elle n’est souvent assortie d’aucun service minimum, cet acte est considéré ici également par les militants comme un élément fondamental de leur lutte. Donc juste. Face à une telle dérive, il ne s’agira même plus d’évoquer la notion de manque de patriotisme ou de parjure liée au serment prêté. Il est plutôt question ni plus ni moins d’inhumanité et de crime au regard des morts qui surviennent dans ces contextes d’arrêt de travail et dont on connaît à peine le nombre. Ils deviennent, faut-il le croire, des « trophées de guerre » pour ces militants en mal de reconnaissance. Souhaitons simplement qu’il n’en soit jamais ainsi. Mais nous osons malgré tout affirmer que ces organisations sont pour le moment en sursis. Elles jouissent pour le moment, à vrai dire, d’un répit qui ne sera pas long. En effet, la majorité de la population béninoise soumise au silence aujourd’hui et la grande partie enfermée dans un analphabétisme total et dégradant recouvreront, un jour, leur droit à la parole ou à l’Education. Elles en jouiront pleinement, avec une meilleure appréhension des problèmes sociaux, politiques et économiques que se pose et résout, à sa manière, une certaine classe intellectuelle. Cette étape atteinte, la riposte s’organisera inexorablement. Les dépôts de plaintes, et c’est peu dire, surgiront de toutes parts et concerneront tous ceux qui auront posé ces actes répréhensibles que les tribunaux se chargeront de qualifier sans complaisance. Nous ne perdons rien à attendre donc. C’est ce qui advient dans tout pays moderne, ou mieux encore, civilisé ou qui aspire à le devenir. Mais, le drame ici est que tous ceux qui sont supposés défendre, sous leur bannière révolutionnaire, ces « damnés de la terre » se taisent et regardent, sans état d’âme, tout cela avec une complicité incompréhensible.

Des politiciens à bout de souffle et totalement en fin de course et désœuvrés ; des syndicalistes infatigables et « touche-à-tout » et autres adeptes d’un passé totalement révolu ne cessent d’appeler le Gouvernement à organiser des Etats généraux aux fins d’une réflexion sur la marche actuelle du pays. Une bonne initiative, certes. Mais il aurait fallu exiger avant les élections de 2016 une Conférence nationale, la seconde en l’occurrence, pour redorer le blason de ce Bénin profondément terni pendant les dix années précédentes. Un programme est en place aujourd’hui qui mérite, par décence et par honnêteté intellectuelle, que l’on en suive, mais avec toute la vigilance requise, la réalisation jusqu’au terme du présent mandat. Tous ceux qui trouvent à y redire maintenant auraient dû réfléchir à un plan alternatif en vue d’une confrontation saine et scientifique des projets ainsi proposés de part et d’autre sans attendre que tout vienne « de ceux d’en face » comme aiment à le dire certains politiciens du pays. Si tel n’est pas le cas, et il ne l’est pas en réalité, il s’agit alors, disons-le, d’une paresse intellectuelle qui déconstruit totalement l’existant et qui démontre clairement que l’on est à court d’idées. Ce que nous souhaitons dans l’immédiat, c’est plutôt l’organisation d’assises nationales sur le mouvement syndical dans notre pays pour éviter de voir se poursuivre le désordre organisé que nous subissons de plein fouet et dans lequel se meuvent piteusement bon nombre de prétendus militants.

Le dialogue supposé avec le Gouvernement montre bien en effet que la question centrale, celle de la Loi incriminée, n’est plus la seule à l’ordre du jour. Elle reste enfouie dans un amalgame de problèmes hétéroclites dont l’issue de leur examen est fortement improbable et compromise. Est-ce là une démarche syndicale acceptable ? Non, pensons-nous. Les grandes problématiques exhumées à l’occasion devraient être examinées dans les secteurs concernés pour plus de sérieux et de transparence. Toute autre démarche ne serait que manœuvre dilatoire. Un piège à éviter si le Gouvernement lui-même tient à donner à ses actions une certaine crédibilité. Mais les arrêts de travail continuant, nous espérons qu’aucun des protagonistes présents au dialogue ne se lancera, d’ici à quelques mois, en ce qui concerne principalement le secteur de l’Education par exemple, dans des discours larmoyants lorsque les taux de réussite aux examens scolaires seront au plus bas. Bonjour les dégâts, donc !

Pour toutes ces raisons, une réflexion de fond doit intervenir au plus tôt au sein des syndicats. Ce ne sont pas les Conseils syndicaux ou les congrès où tout semble joué d’avance qui donneront un souffle nouveau à ces groupes et groupuscules au sein desquels toute discussion politique et scientifique est souvent biaisée. C’est une refondation qui devra intervenir pour en transformer la vision et les pratiques. Ne pas vouloir le faire, c’est manquer de courage politique et syndicale et constater, impuissant, le délitement total de ces structures. Les responsables syndicaux doivent s’autosaisir pour déclencher sans plus tarder cette marche salvatrice nécessaire. Les organisations ne seront plus alors abandonnées entre les mains de baroudeurs et de certains parvenus dont le seul dessein est le pouvoir, rien que le pouvoir et pour lesquels le danger de sa pérennisation ne signifie pas grand ’chose. Et pour cause ! Que toutes les « Bases » qui, souvent, évoluent dans une atmosphère de non-dits et d’obscurité exigent ce renouveau, plus que salutaire pour chacune d’elles.

Et cela, parce que nous voulons des syndicats au sein desquels la dictature camouflée sous de fausses alternances n’existera plus. Nous voulons des syndicats qui formulent des idées autonomes et constamment renouvelées sur le développement du pays dans des programmes d’action visibles et crédibles. Nous voulons des syndicats qui prennent en main, à travers des analyses bien élaborées selon leur propre vision, la question du chômage et de l’emploi des jeunes et toutes les lois récentes qui le régissent. Des syndicats qui interrogeront les problèmes fondamentaux liés à l’Education, à la problématique de la pauvreté et aux moyens de l’atténuer. Ainsi l’atmosphère de mensonge et de lutte permanente cèderait la place à des dialogues documentés, dénués de toute suspicion. Le syndicalisme béninois a besoin de se transformer intellectuellement et de passer de l’obsolescence des pratiques à la modernité. Combien de sexagénaires, de septuagénaires ou d’octogénaires peuvent, en conscience, affirmer aujourd’hui, chez nous, avoir vu autre chose que cette instabilité permanente et les environnements physiques totalement dégradés et délabrés de nos villes et campagnes. Cela continuera t-il ainsi et jusqu’à quand ? Telle est la question que se pose la majorité des Béninois en attendant une réaction qui ne se fera pas longtemps attendre.

Que les syndicats sachent que le syndicalisme n’est l’apanage de quelque groupe que ce soit. D’autres l’ont pratiqué hier et la marche continuera ainsi pour longtemps encore, de génération en génération. La dictature que ces organisations tentent d’imposer à tout ce peuple est à vrai dire insupportable et indécent. Les réflexions politiques sont loin d’appartenir exclusivement aussi à certains clans, qu’ils se prétendent révolutionnaires ou non, qui ne savent plus à quel saint se vouer et qui recherchent tous azimuts, après avoir manqué le train de l’histoire et de la réussite, des alliances coupables et contre-nature pour briser tout élan de développement novateur et qui se transforment, faute d’idées nouvelles, en censeurs professionnels. L’état de notre pays ruiné appelle de la part de chacun plus de modestie et de réflexion sur l’ensemble des moyens à mettre en œuvre pour nous en sortir. Telle est notre opinion sur le présent et tel est l’espoir que nous nourrissons pour la renaissance du mouvement syndical chez nous.

Marc-Laurent HAZOUME
Enseignant à la retraite
Ancien Chercheur à l’Institut de l’Unesco
pour l’apprentissage tout au long de la vie
Hambourg ( Allemagne) ‘

www.24haubenin.bj ; L'information en temps réel

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