1382 visiteurs en ce moment
Ce vendredi 18 janvier 2019 marque le 20ème jour du procès relatif au scandale de la structure illégale de placement d’argent, ICC-Services et consorts. Entamées depuis le 17 décembre 2018, les dépositions se poursuivent devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à Porto-Novo.
Pour le compte de cette 20ème journée d’audience, 03 représentants des banques sur 04 ont ouvert le bal des dépositions. Il s’agit des responsables de la Diamond Bank, BOA et Société Générale Bénin. Il était question pour la Cour de savoir si les différentes banques ont procédé à la mise en application de la loi 2006 relatif au blanchiment des capitaux eu égard aux nombreuses opérations financières suspectes effectuées par Emile Tégbénou.
Serge Houndété, représentant de Diamond Bank est le premier à répondre des faits. Ce dernier a affirmé qu’effectivement le sieur Tégbénou a plusieurs comptes au sein de la banque, mais qu’ils n’ont jamais fait de déclaration de soupçon. Pour lui ce manquement serait dû à une mauvaise compréhension de la loi 2006 et du fait que l’arrêté ayant validé le modèle de déclaration de soupçon n’a été pris qu’en 2008. Il soutient que la banque n’est ‘’ni complice ni co- auteur’’. Le président de la Cour l’a mis à la disposition du procureur spécial et a pris à son endroit la mesure d’isolement.
Le représentant de la banque BOA, Thierry Méhouénou a reconnu aussi que le patron de SNAB procédait à des opérations de dépôt et de retrait. Les dépôts varient entre 6 millions et 300 millions de FCFA. C’est en 2010 informe sieur Méhouénou que la déclaration de soupçon a été faite à l’endroit de la cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF). « C’est en cette période que nous avons constaté que le cumul des dépôts était de 57 millions », s’est justifié Thierry Méhouénou.
La situation est pareille au niveau de la Société Générale Bénin, à la différence que celle-ci l’a fait en novembre 2010 alors que Emile Tégbénou était déjà en détention. La représentante de la banque Armelle Hodonou renseigne qu’il y avait des opérations sur le compte de Tégbénou allant de 90 à 200 millions de FCFA. Elle précise que c’était un compte personnel et non ouvert au nom de la structure ICC-Services.
Le directeur financier de ICC-Services à la barre
Etienne Tihoundro, directeur financier de ICC-Services et chef d’agence de Dantokpa, a été auditionné par la Cour. Dans sa déposition l’accusé est amené à dire dans quelles conditions il a été recruté à ICC-Services.
« J’ai reçu l’appel de mon patron Guy Akplogan, il m’a invité dans la résidence de son père. Il était question de ICC-Services. Il y avait Ludovic Dohou et Emile Tégbénou. Ils m’ont dit qu’ils ont besoin de moi pour fonctionner. Ma tâche sera de prospecter les clients », a-t-il raconté. L’accusé a donc commencé en tant que directeur financier en décembre 2006.
S’agissant des produits ouverts à ICC-Services, le sieur Tihoundro a mentionné l’épargne et le placement tout en notifiant qu’il exerçait la tontine avant son recrutement à ICC-services. Les produits sont : Silva, Cristal, Costa et Merveille.
Etienne Tihoundro ignore les activités réelles exercées par les promoteurs pour faire face aux taux d’intérêts mirobolants. « Je ne maîtrise rien des activités. Je suis un employé », a-t-il affirmé. L’accusé informe la Cour qu’il est aussi victime de la structure étant un épargnant de ICC-Services, ce qui lui confère un statut ‘’d’employé et client’’.
Lorsqu’il a posé la question à son patron Guy Akplogan pour en savoir davantage sur les activités, ce dernier lui parlait de e-Gold, un placement de fond en ligne qui génère les intérêts. C’est devant la Cour ici, avoue-t-il que j’ai entendu beaucoup d’autres activités comme l’agro-pastorale et autres. Le chef d’agence de Dantokpa a fait part d’une réunion avec la BCEAO en 2009 où le directeur de l’institution suggérait au PDG Akplogan de baisser le taux d’intérêt et de faire des investissements locaux.
Il a confirmé à la Cour qu’à son agence c’est l’argent des derniers qui servait à payer les premiers déposants et le solde est envoyé à la Fédération. Selon lui le mécanisme était le même dans toutes les agences.
Les biens du chef d’agence de Dantokpa
L’employé et client de ICC-Services, Etienne Tihoundro était propriétaire d’une imprimerie, d’une poissonnerie, d’une école, de deux maisons à Calavi, d’un appartement dans son village. Le directeur financier de ICC-Services détenait aussi des camions qui transportaient du graviers. « Même à l’Assemblée Nationale, ils me doivent 15 millions », a-t-il déclaré.
Le directeur financier a soutenu que les fonds utilisés pour l’achat de ses machines d’imprimerie proviennent de ‘’sa propre sueur’’. « Je n’ai pas pris les fonds de ICC-Services pour réaliser ce que j’ai », a lancé Tihoundro. Ce dernier s’est attelé a expliqué à la Cour qu’il était riche par son activité de tontinier avant d’être recruté à ICC-Services. Si la plupart des responsables de ICC-Services ont eu à faire des libéralités, Tihoundro signale qu’il n’en à faire aucune.
La Cour veut bien comprendre si l’accusé a intégré l’église Christianisme céleste à cause de ICC-Services. « Je suis un ancien du Christianisme Céleste », a-t-il répondu.
Quant autres activités de ICC-Services, Tihoundro souligne qu’il n’a jamais eu à visiter leur emplacement. Pour le fonctionnement de ICC-Services, le directeur financier a clarifié qu’il ne participe à aucune décision, mais exécute en tant qu’agent.
Les conditions d’arrestations de Tihoundro
Le procureur spécial Togbnon a amené le directeur financier de ICC-Services à parler des conditions de son arrestation. Selon les explications de l’accusé, il a été interpellé dans le bureau du premier adjoint au maire d’Abomey-Calavi par deux agents en uniforme. Après avoir été écouté, le directeur Tihoundro a été relâché.
A la suite des déclarations, Togbonon informe la Cour que le procureur de Calavi a reçu des ‘’coups de fil au superlatif ‘’ lorsque l’accusé lui a été présenté trois jours après son garde à vue. Au dire du procureur spécial, cette situation a permis de comprendre l’influence de la politique ou des gouvernants dans le dossier et les relations que les responsables de ICC-Services avaient avec les personnalités du pays.
Revenant sur les biens, le procureur spécial veut savoir si sa poissonnerie fonctionne toujours. « Ma poissonnerie n’a pas continué à fonctionner parce qu’il y a eu de conspiration contre moi. Alors qu’on avait fait une fiche de destruction pour les poissons avariés, la ministre du commerce a envoyé les agents sur les lieux pour nous verbaliser. Ils m’ont demandé de payer 5 millions dans l’intention de me faire couler et ça n’a pas manqué », a-t-il expliqué à la Cour. L’imprimerie dont le sieur Tihoundro dispose n’est plus fonctionnelle contrairement à son école.
Interrogé sur ses attributions en en tant que directeur financier, l’accusé répond : « Je n’ai jamais joué ce rôle de directeur financier puisqu’au départ j’ai exigé à contrôler toutes les agences et mon patron a dit non. Je n’ai pas été recruté sur la base de mes diplômes. Je n’ai eu aucun diplôme académique. Le rôle que j’ai joué ça été Chef d’agence ICC- Services Dantokpa. Je ne pense pas qu’un directeur financier puisse avoir un rôle au sein de ICC- Services ».
Les fonds de ICC versés sur le compte de Tihoundro
A la barre l’accusé a confié qu’en mai 2009 les fonds de ICC-Services ont transité par son compte personnel sur instruction du PDG Guy Akplogan pour payer les déposants de ICC-Services en cas d’absence du patron. « Ça été une ignorance de ma part puisqu’à la fin, mes propres avoirs ont servi à payer les clients de ICC-Services et jusque-là je n’ai pas pu récupérer mes sous. Tout le compte a été vidé pour payer les clients de ICC- Services », a-t-il déploré. Selon la Cour, l’accusé peut être poursuivi pour blanchiment d’argent du fait d’avoir mis l’argent de ICC-Services sur son compte personnel.
Me Affougnon tente de savoir d’où il tirait ses fonds. « Les avoirs de mes comptes personnels provenaient de mes activités liées à la vente des graviers, la tontine que je faisais bien avant mon entrée dans ICC, les revenus de mes écoles. J’étais déjà millionnaire avant d’intégrer ICC-Services », a répondu le chef d’agence de Dantokpa.
Tihoundro avoue qu’il gagnait au début 150.000 FCFA jusqu’en août 2008 où son salaire est passé à 500.000 FCFA. A en croire le directeur financier de la structure, aucune publicité n’a été faite pour attirer les clients. Cela se faisait de bouche à oreille. Ce qui m’a déterminé à déposer mes sous à ICC- Services énonce-t-il est que j’ai cru en mes frères en Christ. L’accusé a fait part d’une correspondance adressée aux responsables de ICC-Services en juin 2018 dans laquelle les chefs d’agences ont menacé de porter une plainte puisqu’il y avait cessation de paiement.
Etienne Tihoundro souligne qu’il n’a aucune relation dans le sillage politique. Client de ICC-Services, il révèle que la structure lui doit 100 millions de FCFA.
Des fonds publics déposés à ICC-Services
Me Gustave Cassa est revenu sur les ordinateurs saisis au lendemain de l’éclatement de l’affaire ICC-Services. L’accusé informe qu’il n’a plus jamais mis pied à l’agence de Dantokpa. « Moi tous mes ordinateurs qu’ils ont saisi à mon domicile m’ont été retournés sauf ceux de bureau qu’ils ont aussi ramassés », a-t-il signalé. Il a également évoqué des rencontres tenues avec la présidente du comité de suivi Mme Lawson.
Le chef d’agence de Dantokpa martèle que le jour où l’ex AJT a dit d’écrire au juge d’instruction pour avoir accès aux ordinateurs et fournir la liste des déposants, il lui a répondu : « Ils ne vont jamais remettre les ordinateurs ». Ceci sous prétexte qu’il y avait sur la liste des personnalités de l’Etat qui étaient clients de ICC-Services.
Selon Me Gustave Cassa, des fonds publics ont été déposés dans l’agence de Dantokpa. « Je ne peux savoir si l’argent qu’on a placé chez moi est un fond public puisqu’ils ne m’ont jamais dit que c’est de l’argent public qu’ils veulent placer », a-t-il énoncé. Le procureur spécial rappelle qu’au niveau du ministère de l’enseignement secondaire, un cadre a été interpellé pour avoir déposé des fonds publics à ICC-Services.
Pour un autre avocat, c’est le poste qu’a occupé le sieur Etienne Tihoundro à PAPME qui l’intéresse. « A PAPME qui est une institution de l’Etat qui ne fait pas d’épargne mais plutôt de crédit de 5 millions à 80 millions. A un moment ils ont besoin de visibilité et c’est en ce moment où nous nous avons travaillé là en tant que tontinier », a-t-il raconté. L’avocat lui demande alors les raisons de son départ de l’institution. Il explique : « J’ai décidé de partir de PAPME parce qu’à un moment, ils ont recruté des jeunes étudiants qui ont voulu faire de la rébellion. Je me suis opposé à ça. Un jour on a fait une réunion et PAPME a décidé d’arrêter la tontine ».
Me Gbaguidi, avocat de la défense est revenu sur les conditions d’arrestation de l’accusé et la situation réelle de la structure ICC-Services avant l’incident du 1er avril. « Je peux rassurer la Cour que je n’en veux pas à mon patron puisqu’il a demandé au comité de suivi de l’encadrer qu’il va payer mais on ne lui a pas permis », a déclaré Etienne Tihoundro.
Avant la suspension du 20ème jour d’audience, le procureur spécial Togbonon informe qu’une ordonnance a été prise par le président de la CRIET aux fins de proroger la session criminelle jusqu’au jeudi 31 janvier 2019.
Akpédjé AYOSSO
www.24haubenin.bj ; L'information en temps réel