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(Par Roger Gbégnonvi)
Béninoiserie (=méchanceté corsée), calomnie, envie, jalousie, voilà des mots grommelés en aval dans le camp des conseillers perdants quand tel maire se ramasse perdu, dans la poussière, très loin de son fauteuil. Mais qu’en est-il en amont, au moment où les armes se fourbissent dans le camp grossissant des conseillers grognards et que les mots grimpent, crescendo, de résignation (piano), à y’en a marre (forte), et à révolte (fortissimo) ?
Or donc, imaginons ceci, imaginons ‘‘l’affaire de plus de cent millions (100.000.000) de francs CFA détournés à la régie financière de la Commune’’, affaire découverte après ‘‘un contrôle sectoriel fait sur la gestion en trois (03) ans du cimetière municipal…’’. A ce mot cimetière vous bondissez, votre cœur s’est retourné car, si vous-même avez parfois truandé les vivants, jamais vous n’avez truandé les gisants, croyant ce chant à la fois impossible et impie. Vous voilà contraint de déchanter. Vous vous apercevez d’ailleurs qu’on a fait d’une pierre deux coups, car ce qui a été commis sur les os des gisants l’a été tout uniment sur le dos des vivants, ceux-ci ayant payé pour ceux-là aux yeux clos. Et vous criez ‘‘oh, les hommes’’, en embrassant, bien sûr, les femmes. Et voici que, déjà retourné, votre cœur se met à battre la chamade, lorsque vous apprenez qu’à la tête de ceux qui puisent dans la caisse de vos morts se trouve le propre jeune frère du premier magistrat de votre bonne ville. Oh Dieu, quelle histoire ! Mafia familiale, concerto, connivence ? Vous hésitez sur les notes, et le chef d’orchestre a peur que vous soyez cause de quelque discordance en ré bémol. Le frère est jeté en prison, et vous voyez nettement votre maire dans les bras de Caïn mijotant la mort d’Abel, son frère, et dans le camp des frères de Joseph vendant joyeusement leur frère Joseph, le plus jeune d’entre eux. Mais vous exagérez (trop) car votre maire a crié son innocence sur sa radio ‘‘le jeudi 8 décembre 2016’’. En effet, ‘‘la première autorité communale, garant d’une gestion transparente de ses ressources, prétend ne rien en savoir’’. L’apprenant, vous respirez, votre cœur, tantôt retourné, revient en place et rebat toc-toc, tic-tac. Vous êtes apaisé car, contrairement à ce que vous croyiez, votre cité n’est pas mal gouvernée, elle est simplement pillée avec ardeur et conscience. Or rien de tel qu’une maladie dont on ignore la cause, et vous savez maintenant qu’il vous incombe de balayer à grand balai les pilleurs. Vous êtes rassuré. Et vous avez á présent le cœur à rire franchement quand vos concitoyens révoltés ne veulent pas ‘‘admettre que les recettes issues des droits de place de plus de sept millions (7 000 000) de francs CFA perçus chez les femmes du marché soient gardées par le régisseur, votre frère, depuis plus de dix-huit (18) mois’’, au lieu de se retrouver dans les caisses de la Commune. Naïveté du propos. Quel problème ont vos concitoyens ? Peut-être faut-il les inscrire à un cours de logique pour qu’ils admettent, une fois pour toutes, que, lorsqu’en terre africaine du Bénin, on n’a pas peur de truander les gisants au cimetière, on vole absolument les vivants au marché, d’autant qu’il s’agit de pauvres vivantes qui triment jour et nuit pour nourrir mari et enfants dans une cité sans travail et sans vue sur l’avenir, une cité pillée de part en part et au pas de charge.
Les mélomanes habitués aux dièses et guillemets ont pu s’étonner à ouïr par deux fois ‘‘imaginons’’ dans le prélude de cette pièce. Qu’ils se rassurent : ni fausse note, ni dérapage, mais la vérité révélée. La vérité du divertimento quand ‘‘la folle du logis’’ se fait la révoltée d’une ville en ruine parce que pillée par quelque Parrain élu, oui !, à coup de sandwiches, de coca et d’argent très puant. Ville que nous referons belle. ‘‘Cette ville que je prophétise, belle’’, disait Aimé Césaire aux siens, esclaves largués ‘‘dans cette ville inerte’’. Divertimento pas drolatique. Sincères regrets. Merci quand même. Merci beaucoup. Rideau.