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Le dossier Icc-Services, l’un des plus grands scandales financiers qu’a connu le Bénin dans l’histoire de son évolution, fait l’objet depuis ce lundi 17 décembre 2018, d’une audience retransmise en direct sur les ondes de la radio nationale et divers autres canaux à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Des personnalités de hauts rangs défilent depuis devant cette nouvelle juridiction créée sous le régime du Nouveau Départ et de la Rupture pour connaître du dossier aux fins de situer les responsabilités. Après avoir suivi les différentes déclarations, quelques citoyens rencontrés à Cotonou et à Abomey-Calavi livrent leurs impressions.
Selon Jonas Ahouangbè, conducteur de taxi-moto à Abomey-Calavi, l’ouverture de ce dossier témoigne de la volonté du gouvernement du président Patrice Talon de connaître la vérité et permettre aux populations qui ont été victimes de cette vaste escroquerie, d’être remboursées. C’est qui s’est passé dans cette affaire poursuit-il, n’est pas facile. « Des familles ont perdu leurs fortunes, d’autres ont été disloquées, des couples ont été séparés, des gens sont décédés », a déploré le conducteur de zémidjan. Indexant ceux qui y voient une récupération politique, Jonas Ahouangbè estime que même après des centaines d’années, si un gouvernement cherche à connaître de ce dossier et à situer les responsabilités, ce sera la bienvenue car, seul le pouvoir d’Etat peut vraiment trancher. Il a par ailleurs émis le vœu qu’au bout du procès et des enquêtes, le plus important est que les spoliés puissent entrer en possession de leurs sous.
Même avis que son confrère Jean Mèdébaho. Pour lui, les populations n’auraient pas été aussi grugées, si le pouvoir d’alors n’avait pas donné sa caution aux promoteurs de Icc-Services. « On les a vus plusieurs fois reçus en audience par le chef de l’Etat, leurs rencontres ont été médiatisées et tout le monde a vu. Comment veut-on que les populations doutent encore de ces gens-là ? », s’est-il interrogé. Depuis le moment où la crise a éclaté, explique le conducteur de taxi-moto, aucun déposant ne pouvait s’attaquer directement à un promoteur pour réclamer ses sous. Pour dénouer la crise, une commission d’enquête a été mise sur pieds, les gens ont été recensés mais au finish, d’autres structures ont remboursé leurs épargnants mais Icc-Services n’a remis aucun rond à l’un de ses déposants. Des biens ont été saisis et vendus, qu’a-t-on fait de tout ça ?, s’est interrogé Jean Mèdébaho. « Il faut que le peuple connaisse la vérité », a-t-il insisté regrettant que des choses comme ça se passe dans un pays sous le couvert des dirigeants, des gens censés protéger les populations.
Davènon Michel, étudiant en 2ème année de linguistique à l’Université d’Abomey-Calavi pense pour sa part qu’un rebondissement de cette affaire est nécessaire pour que le peuple connaisse la vérité. Mais le contexte dans lequel cela est survenu et la tapage médiatique qu’on en fait laisse croire qu’on veut rendre des coups politiques et multiplier le nombre d’exilés et de détenus politiques. Nous sommes à l’approche des élections et c’est à croire que le gouvernement cherche à intimider certaines personnes dans l’opposition. Pour un dénouement définitif de cette crise, il suggère que le gouvernement se patiente, laisse les élections se dérouler correctement comme il le faut et après se penche sur ce dossier.
Au regard du montant élevé de la somme mobilisée par les promoteurs de Icc-Services, Davènon Michel pense que le remboursement d’une telle somme aux spoliés relève d’une utopie. Il souhaite tout de même que la lumière soit faite sur la question et que les différents acteurs impliqués soient punis.
Pour son camarade Rostand Kouho, l’objectif final de tous dans cette affaire, c’est le remboursement des gens qui ont été grugés. Si après tout ces déballages devant la CRIET, on ne rembourse pas les populations, ce serait dommage.
’’Aucune affaire ne donne autant de bénéfice’’
Selon Arouna Lassissi, enseignant du primaire à Abomey-Calavi, la saisie du dossier Icc-Services par la CRIET n’est pas en soi une mauvaise chose. Ce dossier est un grand scandale financier dans lequel beaucoup de Béninois ont perdu leurs ressources. Mais au lieu de penser au remboursement des spoliés, se désole-t-il, les dirigeants en ont fait un dossier politique. Examinant la période où la CRIET s’est saisie du dossier, il estime que c’est une façon d’amener les opposants du régime en place à fuir. Quand il est question de vrais problèmes qui touchent la vie des populations, poursuit-il, il faut en faire du sérieux. « La façon dont la CRIET rend ses décisions, ne présage pas d’un dénouement objectif et sûr de ce dossier », a souligné l’enseignant.
Pour Bruno Montcho, enseignant chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi, c’est de la distraction politique, les politiques sont entrain de nous distraire. « Objectivement, la finalité, c’est quoi, est-ce qu’on veut payer les gens ? ça va se faire comment ? De quelle manière ? », s’est-il interrogé. Pour lui, les Béninois aujourd’hui ont d’autres soucis.
Cette affaire selon lui, est un dossier que même les victimes ont déjà oublié. Si c’est pour se donner des coups politiques, ça c’est la politique et les acteurs concernés selon l’enseignant, vont s’en donner autant qu’ils le veulent.
Bruno Montcho craint cependant la banalisation de l’institution judiciaire. La perception que les citoyens ont de cette institution n’augure pas selon lui, d’un lendemain meilleur. « Même si un bon travail veut se faire, à travers ce procès de la CRIET, l’écho que cela donne dans l’opinion ne permet pas de donner une légitimité à ce qui sortira de là », a-t-il souligné.
Le sociologue spécialiste des questions de déviances a par ailleurs précisé que la responsabilité de l’Etat à certains moments devrait se limiter. « Est-ce que c’est l’Etat qui a orienté les gens là-bas ?, s’est interrogé Bruno Montcho qui rappelle que la Côte d’Ivoire aussi a connu une affaire comme ça mais que l’Etat s’était désengagé. Il reconnaît tout de même que du point de vue du rôle régalien de l’Etat, si celui-ci manque à son contrôle, il y a de la déviance, et lorsque les déviances surviennent, il faut que chaque acteur prenne la mesure de la situation. Le dossier tel que c’est entrain d’être gérer, selon lui frise une certaine théâtralisation et les hommes politiques sont entrain de nous occuper. « Les acteurs de la justice se banalisent, les institutions judiciaires sont banalisées et ça ne nous donne pas la crédibilité nécessaire d’avoir confiance en notre justice », regrette Bruno Montcho.
Selon Agathe Mahougnon, revendeuse, c’est la recherche de gain facile qui a amené les gens à déposer leurs sous aux promoteurs de Icc-Services qui les ont bien escroqués. « Pour tout commerce, on doit viser son bénéfice », a souligné la revendeuse. Mais lorsque cela atteint une certaine proportion, il faut déjà commencer à se poser de questions, a-t-elle indiqué.
Le pays dans lequel nous sommes rappelle la revendeuse, est un pays de droit. « Les avocats se sont déjà saisis du dossier, si on les rembourse, ils vont remercier le Seigneur, dans le cas contraire, ils vont garder une fois pour toujours la leçon qu’aucun commerce ne donne autant de bénéfice », a précisé Agathe Mahougnon.
F. Aubin AHEHEHINNOU
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