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Le sommet USA/Afrique s’ouvre ce 4 août avec plus de quarante chefs d’État et de gouvernement africains invités par la Maison Blanche. Cette rencontre est la suite logique d’une autre initiative américaine visant à promouvoir de jeunes élites du continent noir. Le « Young African leaders initiative » est un levier efficace avec les quatre centres régionaux de formation au leadership au Ghana, au Sénégal, en Afrique du Sud et au Kenya.
Si la promotion des cinq cents jeunes leaders africains est une initiative louable, le sommet qui s’ouvre cette semaine, laisse plus d’un perplexes, au vu des profils des chefs d’État dont les casiers judiciaires sont longs comme le transsibérien. L’Amérique ouvre ses portes aux dictateurs pur-sang, démocrates décolorés, tortionnaires endurcis, une densité de criminels au mètre carré qu’on ne voit nulle part au monde qu’au sommet de l’Union Africaine à Addis Abeba. Face aux dérives dictatoriales, Barack Obama va une fois encore se laver les mains à la façon de Ponce Pilate.
Les inquiétudes portées par des démocrates et des intellectuels africains ne datent pas d’aujourd’hui face à cet Occident qui n’hésite pas à serrer la « main du diable ». Ces interrogations étaient déjà celles de l’ancien président burkinabè Thomas Sankara, quand il avait sermonné son homologue français, François Mitterrand, en ces termes : "Nous n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en porteront l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours". Aujourd’hui, juste les patronymes ont changé. Les Savimbi, les Pieter Botha foisonnent sur le continent. Depuis l’indépendance, les populations africaines subissent les affres d’un deuxième tortionnaire en plus du colon : leurs propres frères. Avant on se contentait du fouet du colon, et on pouvait pleurer caché dans sa chambre. Maintenant, le tortionnaire est dans la chambre avec nous. Il peut ordonner que sa propre population soit abattue sans que personne n’en assume la responsabilité. Qu’ils s’appellent Yayi, Déby, Compaoré ou Mugabé, ils proviennent de la même école, ils ne gouvernent que pour eux-mêmes et tous ceux qui osent interférer dans leurs actions sont, au mieux, logés en prison ; au pire, purement assassinés.
En Afrique subsaharienne, on peut chercher les présidents démocrates à la loupe ou au microscope, il est très difficile d’en trouver un ou deux. Le vent de démocratie qui a soufflé sur le continent au début des années 90, a été balayé par un ouragan d’élections truquées et de constitutions tripatouillées. Les chefs d’État Africains viendront donc jouer leur cirque à Washington dans une sorte de tragédie à l’africaine. On discutera beaucoup, mais on ne dira pas grand-chose ; on proposera des moyens, on n’en adoptera aucun qui soit sage.
La grand-messe africaine annoncée est avant tout une opération de charme des USA, pour contrebalancer les propensions impérialistes de la Chine. Même si le message officiel rappelle aux présidents africains de garder leur démocratie vivante, l’Amérique est avant tout préoccupée par ses intérêts économiques. Sinon, des questions subsistent face à sa complicité passive par rapport au coup d’État en Égypte et les nombreuses morts qui s’ensuivirent.
En cette veille de fin de mandat présidentiel dans plusieurs pays africains, les prochaines années risquent d’être pénibles pour les populations. Plusieurs présidents arrivent au terme de leur mandat mais ne semblent pas faire leurs valises. Ils se font même livrer de nouveaux meubles, sur fond de marches de soutien à un troisième ou énième mandat.
Au Bénin, au Congo démocratique, au Burkina Faso ou au Nigeria, l’équation de l’alternance au pouvoir risque d’être compliquée à résoudre. Faure Gnasingbé vient d’ailleurs d’obtenir son laissez-passer pour les trente prochaines années ; Denis Sassou Nguesso, Yayi Boni, ou Joseph Kabila continuent de tirer les ficelles dans l’ombre pour obtenir les titres fonciers sur leurs pays respectifs.
Dans ce contexte de fin de mandat dans plusieurs capitales africaines où la tentation de s’éterniser au pouvoir est grande, la messe de Washington aurait été utile au continent noir si les Américains avaient trié les présidents et surtout, pouvaient user de moyens de coercition pour mettre certains chefs d’État devant leurs responsabilités. Quelles prescriptions, Barack Obama va-t-il délivrer aux présidents africains ? Wait and see !
Jules Djossou
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