L’avant-dernier dossier inscrit au rôle de la cour d’assises de la Cour d’appel de Cotonou a été examiné, jeudi 10 juillet dernier. C’était sous la police de Lima Damienne Dossa, assistée d’Eliane Bada Kpadonou et de Marie Soudé Godonou avec le concours des jurés Daniel Egoudjobi, Honoré Mello Hounyèmè, Ogadakpo Allabi, Louis Gbogbanou, Angeline Soares Tossa était le greffier d’audience. Après délibérations, la cour a reconnu coupable l’accusé du crime d’empoisonnement et l’a condamné aux travaux forcés à perpétuité, la prison à vie.
Par Didier Pascal DOGUE
Appelé à la barre jeudi 10 juillet dernier, Djilessi Akpi n’a pas reconnu les faits pour lesquels il était poursuivi. Pourtant, à l’enquête préliminaire et devant le magistrat instructeur, il les avait reconnus. Pour permettre la compréhension des débats, Lima Damienne Dossa, la présidente de la cour a présenté un bref résumé des faits. Pour elle, après vingt ans de vie conjugale, dame Akou Hounsiabè Hounguè s’est repliée au domicile paternel, suite à des scènes de ménage et des accusations fréquentes de son mari, le nommé Djilessi Akpi dit "Atcho" qui lui reproche son infidélité. Ce dernier a continué à entretenir son épouse, en lui procurant des vivres et numéraires. C’est dans ces circonstances que le 22 septembre 2008, Djilessi Akpi apporta de la farine de maïs à son ex-épouse. Le soir, Hounsikpè Hounguè, la grande sœur d’Akou Hounsiabè Hounguè s’est servie de cette farine pour préparer de la pâte. Elle l’a consommée ensemble avec sa sœur Hounsiabè, Comlan Mama et Jonas Aziangbessou. Pris de malaise, Comlan Mama décède quelques minutes après. Les trois autres furent transportés d’urgence à l’hôpital où ils reçurent des soins intensifs. Inculpé d’empoisonnement, Djilessi Akpi a reconnu les faits qui lui sont reprochés à toutes les étapes de la procédure. Le bulletin N°1 de son casier judiciaire ne fait mention d’aucune condamnation antérieure.
Le rapport d’expertise médico psychiatrique de l’accusé ne révèle aucun trouble mental au moment des faits.Ne reconnaissant pas les faits à la barre, la présidente Lima Damienne Dossa lui a donné lecture de certaines de ses déclarations à la brigade de Kpomassè. Ainsi, la présidente lui a demandé, entre ce qu’il déclare aujourd’hui et ce qu’il avait dit à la brigade, ce qu’il fallait retenir. Comme réponse, l’accusé supplie la cour de l’aider à se tirer d’affaire. Malgré l’intervention de son avocat qui lui explique que ce jour de jugement est le sien, il n’a rien lâché. Défilant à la barre, Hounsiabè Hounguê explique à la cour que Djilessi Akpi est son ancien mari avec qui, ils ont fait 7 enfants. « C’est après avoir consommé la pâte faite avec de la farine de maïs que Djilessi a apportée, que le mari de ma grande sœur a commencé par vomir du sang jusqu’à trépasser », explique-t-elle. De plus, a-t-elle poursuivi, grande sœur était convaincue que même si poison il devait y avoir, ce serait un produit pour l’attirer davantage vers son mari de qui, elle s’éloignait. Il avait donc mangé, selon elle, sans se méfier. Ils étaient quatre à avoir consommé la pâte, à savoir, Comlan Mama, le mari de sa sœur, le petit Jonas Aziangbessou et elle.
L’expertise du pharmacien-toxicologue
Le deuxième témoin, Akou Ernest Hounguè n’a pas apporté un grand éclairage à la cour. Par contre, le pharmacien-toxicologue, Dr Philippe Capo-Chichi, a expliqué avoir travaillé sur réquisitions du Tribunal de première instance de Ouidah. Il a déclaré sur la base des différents prélèvements faits (pâte, liquide gastrique et la farine), avoir repéré des traces d’une substance mortifère, mais avec des proportions variables. Pour lui, le raticide est un produit de nature à donner la mort. Sur insistance de la cour, il a retenu que l’ingestion du raticide a pu occasionner la mort par dépression respiratoire et arrêt cardiaque. Par ailleurs, le liquide gastrique prélevé par le médecin légiste, avait une concentration létale. La lecture de certaines pièces, à savoir l’enquête de moralité et le rapport d’expertise médico- psychiatrique et psychologique ainsi que le rapport d’autopsie du médecin légiste, a été effectuée. Par rapport au rapport d’autopsie établi par Dr Clément Kpadonou, médecin biologiste et légiste, il y est mentionné qu’il n’y avait pas de lésions sur le cuir chevelu, qu’il n’y en avait pas sur la tête, aucune lésion sur le corps et que le poumon serait le siège d’une hémorragie, la cause du décès.
Réquisitions et plaidoiries
Pour Désiré Dato, Djilessi Akpi a posé des actes qui tombent sous le coup de la loi. Il rappelle les faits qui fondent le renvoi de l’accusé devant la cour pour empoisonnement ; des faits prévus et punis, selon lui, par les articles 301 et 302 du Code pénal. L’analyse des faits révèle, a insisté Désiré Dato, que Djilessi Akpi s’est rendu coupable d’empoisonnement. Est qualifié d’empoisonnement, tout attentat à la vie d’un homme opéré par l’ingestion d’une substance, définit-il. Pour qu’il soit punissable, la loi exige la réunion de deux éléments constitutifs, les éléments matériel et intentionnel. Il y a eu, selon lui, des substances qui peuvent donner la mort. L’expertise toxicologique a révélé que ce sont des produits qui ne peuvent que donner la mort. Le raticide peut effectivement donner la mort, retient-il. Selon Désiré Dato, c’est pour se venger de dame Akou Hounsiabè Hounguè et de son amant, que l’accusé dit avoir arrosé la farine de maïs de raticide qu’ils emploient avant de semer les graines. Et pour l’élément intentionnel, il fait remarquer que l’empoisonnement suppose l’intention de donner la mort. Savait-il que le raticide était toxique ?, s’interroge Désiré Dato, avant de répondre par l’affirmative, car selon lui, Djilessi Akpi avait bien déclaré vouloir se venger. Il en a eu les échos, a-t-il dit. Mieux, poursuit le représentant du ministère public, le jour où il avait donné la farine, il avait pris la précaution de repartir avec ses enfants, retient Désiré Dato. Les faits d’empoisonnement au regard de cette démonstration sont établis, martèle-t-il. En désespoir de cause, la défense servira un autre son de cloche.
Lourde responsabilité
Sous le bénéfice de ses observations et sur la base des articles 301 et 302 du Code pénal, Désiré Dato a requis de déclarer Djilessi Akpi coupable d’empoisonnement. Le Bénin ayant ratifié le 2e protocole facultatif relatif à l’abolition de la peine de mort, il a requis de le condamner à la prison à perpétuité. La défense n’a pas voulu entendre de cette oreille.Renée Ayi a déclaré à l’entame de ses observations : « J’ai la lourde responsabilité de défendre Djilessi Akpi qui est poursuivi devant vous pour empoisonnement ; La parole de Dieu défend de donner la mort et toutes les religions le prescrivent ». Le casier judiciaire de l’accusé est vierge et l’enquête de moralité lui est favorable, défend-elle. Il faut, selon elle, tenir compte de ses éléments. Au moment des faits, l’accusé a déclaré qu’il avait 82 ans. La relation des faits laisse perplexe, retient-elle. Les comportements inexcusables des victimes emportent, selon elle, leur responsabilité puisqu’elles ont choisi malgré tout de consommer la pâte faite de la farine incriminée. La femme de l’accusé et sa grande sœur sont encore en vie, explique-t-elle, pour déduire que l’enfant décédé, l’a été deux ans après. « Je mets en doute la toxicité relevée. Accepterez-vous de garder en prison, un attardé qui n’est pas en possession de toutes ses facultés ?, interroge-t-elle, plaidant le doute qui devrait, selon elle, profiter à l’accusé.
Tenez compte de son casier judiciaire et vous êtes en présence d’un attardé, contrairement aux réquisitions du ministère public, fait-elle observer. Et sur cette base, Renée Ayi sollicite une douce application de la loi et pense que ce serait justice. Sur les intérêts civils, la cour a demandé à Akou Hounsikpè Hounguè que la victime étant son mari, si elle réclamait quelque chose en réparation des préjudices subis du fait de sa disparition. Elle répond que la cour n’a qu’à voir et apprécier. La présidente insiste pour dire que la loi a prévu que ce soit elle-même qui fasse sa demande. Elle se reprend et demande 40 000 F CFA. En ce qui la concerne, la mère de Jonas Aziangbessou, dame Sidonie Akakpo, elle réclame 1 200 000 F CFA pour les dommages et les dépenses faites. Le ministère public requiert qu’il plaise à la cour d’accorder 40 000 F CFA à la femme de Comlan Mama et à la mère de Jonas 600 000 F CFA.Pour la défense, la partie civile n’apporte pas la preuve des dépenses faites et des préjudices subis. Renée Ayi ne comprend pas les demandes faites et donc ne s’y est pas associée. La cour se retire et après délibérations, accorde respectivement à Sidonie Akakpo et Akou Hounsikpè Hounguè, les sommes de 100 000 F CFA et de 40 000 F CFA pour toutes causes de préjudices confondues.
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17 juillet 2014 par Judicaël ZOHOUN