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L’intégralité de la 3ème Conférence publique de l’Alliance ABT sur le Théme« La réforme de la fonction publique béninoise en question »




« La réforme de la fonction publique béninoise en question » a été le Theme central de la 3ème Conférence publique de l’Alliance ABT tenue à Porto Novo le 19 avril. Une conferen animée par Monsieur Célestin MONTEIRO Enseignant à la Faculté de Droit et Sciences Politiques de l’Université d’Abomey Calavi. Votre journal publie ici en intégralité le contenu de cetet conférence

www.24habenin.info ; L’inforation en temps réel

Je voudrais tout d’abord adresser mes vifs remerciements aux organisateurs de la présente rencontre consacrée à une réflexion sur la réforme de la fonction publique de notre pays qui s’annonce depuis quelques semaines dans les milieux compétents en charge de ce genre de dossier. Il me revient l’honneur d’exposer devant l’auguste assemblée que vous constituez la réflexion qui est la mienne au sujet de la problématique que constitue actuellement la réforme de la fonction publique.

 

La présence en cette salle d’éminentes personnalités me conforte dans l’idée que nos échanges donneront lieu à un véritable rendez-vous du donner et du recevoir.

En d’autres termes, mon exposé a des ambitions très limitées : servir de prétexte à l’animation, dans un cadre adéquat et restreint, d’un débat qui vient de commencer et qui a toutes les chances de s’amplifier dans les jours et semaines à venir.

 En effet, d’ores et déjà, la question dont il s’agit est sur la place publique, surtout depuis que le projet de loi portant réforme de la fonction publique est transmis à l’Assemblée Nationale et comme on doit s’y attendre, chaque acteur concerné est déjà dans son rôle : le ministre en charge de la fonction publique a, à la faveur d’une émission télévisée à l’ORTB et rapportée dans le quotidien « Fraternité » n°3307 du mardi 19 mars 2013, expliqué les avantages du projet relatif aux stratégies globales de la réforme de la fonction publique.

 

Quant aux représentants de certaines organisations syndicales, dans le cadre d’un récent débat organisé sur la chaîne privée de télévision Canal3, ils ont exprimé leur intention d’indiquer aux membres de la Représentation nationale les insuffisances du projet de loi soumis à leur appréciation et d’apporter par la même occasion leurs propositions d’amélioration du texte. Pourvu que nos syndicalistes s’en tiennent à cette intention de contribuer à l’amélioration de la réforme en gestation, car on peut légitimement craindre la radicalisation de leur position qui pourrait tuer le projet de réforme dans l’œuf.

 Mon exposé intervient donc dans un contexte où des acteurs importants de la vie politique du Bénin s’observent en chiens de faïence, chacun étant prêt à défendre ses positions avec toute l’énergie nécessaire. Il vise à permettre à des cadres béninois de différents bords politiques et de différentes obédiences d’échange sur une réforme qui, sans exagération, peut entraîner d’importantes mutations dans la vie administrative et sociale de notre pays, si elle prenait effectivement corps.

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Etant pleinement conscient de l’importance de l’enjeu que constitueront les discussions qui suivront mon exposé introductif, je suis naturellement habité par un souci de clarté et de simplicité pour permettre à mon auditoire d’appréhender l’objet de ma communication dans ses différents contours. C’est ce qui m’amène à articuler celle-ci autour de deux axes :

- d’une part, les objectifs et le contenu de la réforme ;

- d’autre part, les facteurs générateurs des limites prévisibles de l’efficacité de la réforme.

I. Les objectifs et le contenu de la réforme

 

Dans la présente partie de ma communication, je m’attacherai d’abord à examiner les objectifs de la réforme avant de m’interroger sur son contenu.

A. Les objectifs de la réforme

 

Pour comprendre les objectifs de la réforme que se préparent à opérer les pouvoirs publics actuels de notre pays dans le secteur de la fonction publique, il est nécessaire de remonter à la Conférence des Forces Vives de la Nation réunie à Cotonou du 19 au 28 Février 1990 et aux Etats généraux de la fonction publique et de la modernisation administrative tenue dans la même ville en décembre 1994.

 

 

La Conférence Nationale a, dans une motion consacrée à la moralisation de la vie publique, constaté qu’au cours de la période marquée par la monopolisation de la vie politique par le Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB), c’est-à-dire de l’année 1975 à l’année 1989, les libertés publiques essentielles ont été confisquées et que la corruption, le népotisme et la gabegie ont été érigés en principe de Gouvernement. Ces constats ont conduit la Conférence Nationale des Forces Vives à demander notamment que le pouvoir soit réorienté de manière à assurer une fonction de service pour le bien commun. C’est dire que les détenteurs du Pouvoir devront se sentir désormais en mission et exercer leurs responsabilités de façon compétente et dans la plus stricte transparence ; que tout responsable impliqué dans la conduite des affaires de l’Etat devra faire preuve d’un esprit de sacrifice conforme aux exigences de redressement de notre pays.

 Quant aux participants aux Etats généraux de la fonction Publique et de la modernisation administrative, ils ont établi un diagnostic de notre administration publique qui a mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements dont les plus importants étaient :

- les objectifs et les missions de l’Etat n’étaient pas définis avec toute la clarté souhaitable. Faute d’une telle définition, l’organisation de l’administration publique présentait de nombreuses lacunes, lesquelles lacunes constituaient des sources de gaspillages et de contre performances ;

- l’arsenal juridique dont disposait le pays à l’époque était incomplet, dépassé et souvent mal appliqué. En 1994, la mise en place des fondements de l’Etat de droit n’était pas encore achevée. Dans ces conditions, la bonne gouvernance, caractérisée essentiellement par la responsabilité politique légale et administrative des gouvernants était quasi inexistante du fait de la prédominance de l’Etat patrimonial ;

- la culture administrative en vigueur à l’époque était fondée sur un système de protections politiques et non sur le mérite. De ce fait, elle n’était nullement orientée vers l’amélioration continue des performances et de la qualité des prestations des services :

- le cadre éthique public fortement dégradé et les grands principes qui devaient guider l’action publique étaient perdus de vue ou négligés ce qui entraînait une image peu honorable de notre Administration publique ainsi qu’un grand fossé entre les citoyens et les services publics. Toutes les constatations ci-dessus évoquées ont conduit les Etats généraux à conclure à la nécessité d’une réforme administrative globale et cohérente qui, du reste, doit être considérée comme une priorité nationale. Les grands axes et principes d’une telle réforme devraient reposer sur un objectif global qui, à son tour, devait se décliner en plusieurs objectifs spécifiques.

 

Ainsi, l’objectif global fixé à la réforme administrative par les Etats généraux vise le passage d’une Administration publique assurant la continuité de l’Etat uniquement à celle assurant non seulement cette mission, mais aussi celle du développement de la Nation. Cet objectif implique que l’Administration devienne une Administration de développement au service de la Nation et des citoyens.

 

 

Par ailleurs, les Etats généraux ont décliné en objectifs spécifiques l’objectif général de la réforme que je viens d’évoquer. Permettez-moi d’en citer quelques uns :

- les missions et objectifs de l’Etat doivent faire l’objet d’une indispensable clarification afin que les ressources publiques puissent être utilisées efficacement en fonction des priorités nationales d’une part et que les missions et fonctions se renforcent mutuellement pour permettre de bénéficier de rendements d’échelle d’autres part ;

- la culture administrative doit être réorientée vers le mérite, le service public et le contrôle de gestion ou des résultats ;

- le dispositif législatif et réglementaire national doit être révisé, complété, appliqué et constamment évalué pour obtenir un véritable Etat de droit et la restauration d’un cadre éthique public ;

- cette action générale et centrale doit, ensuite, être prolongée au niveau local pour la mise en œuvre d’une véritable politique de décentralisation et de déconcentration. En effet, on ne peut véritablement parler de développement durable sans une responsabilisation des individus et des communautés de base ;

- les méthodes de gestion publique doivent être modernisées et adaptées en accordant la priorité à la gestion des ressources humaines, des finances publiques et de l’information ;

- l’Administration publique doit se mettre au service des usagers et respecter les lois pour assurer correctement ses fonctions et contribuer ainsi à la restauration de l’image de l’Etat qui, à cette époque, était fortement dégradée ;

- la séparation des fonctions techniques et politiques doit être strictement observée afin d’assurer la continuité de l’Etat et protéger l’intégrité, l’efficacité et le caractère républicain de l’Administration publique.

- des actions doivent être également menées en vue de l’organisation de la société civile pour son épanouissement et sa participation au contrôle du fonctionnement des services administratifs car il n’y a pas non plus d’administration performante sans administrés conscients de leurs droits et de leurs devoirs civiques ;

- la réforme administrative ne pourra aboutir que si elle devient l’affaire de chaque Béninois, ce qui suppose un effort massif constant et adapté d’information, de sensibilisation et de formation des populations, mais aussi des responsables politiques et administratifs.

 

L’objectif global et les objectifs spécifiques ci-dessus énoncés éclairent largement le contenu du projet de loi portant réforme de la fonction publique qui est déjà transmise par le Gouvernement à la Représentation nationale.

 

B. Le contenu de la réforme envisagée

 A l’étape ou se itue actuellement le processus de la réforme envisagée, tout observateur objectif est obligé de se référer aux textes officiels qui en portent le projet ; en l’occurrence, il s’agit du décret n°2011-812 du 29 décembre 2011 portant transmission à l’Assemblée Nationale du projet de loi portant statut général de la fonction Publique.

 

La lecture de ce décret contenant l’exposé des motifs du projet de loi nous donne de précieux renseignements sur le contenu que le Gouvernement, initiateur de la réforme envisage de donner à celle-ci.

 

En effet, fort légitimement, c’est dans les faiblesses identifiées dans le cadre du bilan de la mise en œuvre de la loi n°86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat que l’Exécutif béninois a indiqué les points sur lesquels la réforme de la fonction publique va s’appuyer. (1) Toutefois, la réforme s’attache aussi à examiner la situation juridique de deux autres catégories d’agents publics, à savoir celle des agents contractuels de l’Etat, (2) et celle des agents de la fonction publique territoriale (3).

 

1. Les faiblesses notées au cours de l’application du statut général des Agents permanents de l’Etat.

 

L’exposé des motifs du décret de transmission portant le projet de loi précise que les insuffisances de la loi n° 86-013 du 26 février 1986 sont nombreuses et se retrouvent pratiquement à tous les niveaux.

 

§ Le recrutement

 Le principe qui sert de base au recrutement dans l’Administration publique de notre pays est celui de l’égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois publics avec le concours comme mode d’application. Dans la pratique, le respect de ce seul principe ne permet pas de doter l’Administration publique de personnels en rapport avec ses besoins, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. En effet, le statut général des agents permanents de l’Etat actuellement en vigueur est resté silencieux sur les conditions de détermination des besoins réels en ressources humaines des ministères et institutions de l’Etat. La conséquence de cette lacune est que même si le principe du concours est strictement respecté, le but ultime du recrutement qui est de doter l’Administration du personnel susceptible de lui permettre d’assurer, de la meilleure façon possible, la satisfaction de l’intérêt général n’est pas toujours atteinte.

 

D’autres insuffisances ayant trait au recrutement sont :

 

* la caducité de certains articles du statut général des agents permanents de l’Etat en matière de recrutement, notamment l’article 15 qui exige des qualifications qui ont largement évolué sur le marché de l’emploi aujourd’hui ;

 

* l’utilisation de concepts inappropriés dans certaines dispositions du statut général des agents permanents de l’Etat : l’article 16 point 2 utilise le terme d’examen professionnel alors qu’il s’agit manifestement de concours professionnels ;

* le non-respect des dispositions du statut général et des statuts particuliers relatives aux proportions d’agents permanents de l’Etat à recruter selon le mode de recrutement ;

* les problèmes de justice et d’équité entre les agents qui sont posés par certaines dispositions telles que l’article 71 du statut général des agents permanents de l’Etat.

 

Ces problèmes résident notamment dans le fait que les agents nouvellement promus dans la catégorie intègrent l’échelle supérieure du corps dépassant largement les anciens dans le corps.

 

§ La période probatoire

De manière globale, les dispositions du statut général relatives au stage probatoire apparaissent difficiles.

Sont particulièrement concernées, les dispositions ayant trait à :

- la dispense de stage probatoire pour les agents contractuels (art.30) ;

- la discipline (art.33) ;

- la formation de l’agent en cours de stage (art.34 et 36).

 

Par ailleurs, l’expérience permet de déplorer l’absence d’un cadre de suivi du stage de l’agent de l’Etat nouvellement recruté pour s’assurer de son aptitude à faire une bonne carrière dans la fonction publique.

 

§ La titularisation

 

En ce qui concerne la titularisation, les plus grands reproches sont relatifs à la complaisance qui caractérise les travaux de la commission paritaire de titularisation.

 

§ L’évaluation et la notation

 

Les résultats de l’évaluation ne traduisent pas toujours la valeur professionnelle réelle de l’agent parce que cet exercice ne repose pas toujours sur des objectifs quantitatifs et qualitatifs préalablement définis entre les supérieurs hiérarchiques et les agents, lesquels objectifs seraient assortis d’indicateurs de performance. Un autre élément de difficulté est l’absence de critères de notation standardisés bien compris de toutes les parties prenantes.

 

§ Les avancements

 

Le système d’avancement des agents permanents de l’Etat est tel qu’il ne permet pas la prise en compte des performances réelles de l’agent. Ainsi, les avancements d’échelon sont automatiques et se font tous les deux ans.

L’avancement de grade pour lequel le choix sur la base de la performance devrait prévaloir se trouve dévoyé et ramené pratiquement à l’avancement à l’ancienneté du fait de la quasi suppression de la péréquation et de la complaisance des commissions d’avancement.

 

Le système actuel fait d’échelons et de grades hiérarchisés est tel que la carrière est aujourd’hui quasiment analogue pour tous les agents quels que soient leurs performances et leur mérite individuels. Excellent ou médiocre, chaque agent atteint le sommet de la hiérarchie de son corps après vingt deux (22) ans de service ou au plus tard après vingt-cinq (25) de service.

 

§ La promotion hiérarchique

 

S’agissant de la promotion hiérarchique, il est courant de voir, notamment dans le cadre des concours professionnels et de l’intégration sur la liste d’aptitude des agents appartenant à l’échelle 3 d’une catégorie franchir d’un trait cinq (05) échelles et accéder à une catégorie supérieure sans subir une formation appropriée.

 

A l’évidenceence, il s’agit là de dispositions qui n’apportent pas d’émulation au travail.

Par ailleurs, la promotion hiérarchique n’est pas toujours faite au bénéfice des agents méritants et qui en remplissent effectivement les conditions. L’absence de plans de carrière et le non-respect des dispositions de l’article 58 relatif à la correspondance entre le grade et l’emploi créent des frustrations au niveau des agents.

 

§ La discipline

 

Le régime disciplinaire retenu par la loi n°86-013 du 26 février 1986 est caractérisé par une trop grande centralisation du pouvoir disciplinaire détenu par le ministre utilisateur pour les sanctions du premier degré et par le ministre de la fonction publique pour les sanctions du deuxième degré. Une telle organisation fait que les supérieurs hiérarchiques immédiats n’ont en définitive aucun pouvoir de sanction, d’où le constat d’une indiscipline généralisée dans les services.

A cela, il faut ajouter le manque de précisions dans certaines dispositions relatives à la discipline et les systèmes de réseaux de protection particuliers des agents.

 

§ L’évaluation professionnelle

 

Il convient d’opérer ici une distinction entre le cas de l’avancement d’échelon et le cas de l’avancement de grade, de l’avancement au choix ou de la promotion.

* Cas de l’avancement d’échelon

Le système actuel d’avancement d’échelon qui est automatique fait que la performance des agents n’est pas évaluée pendant près de 2/3 de la carrière de l’agent. Il ne permet donc pas de motiver les agents et de favoriser l’émulation dans leurs rangs. Les agents travailleurs ou paresseux reçoivent un traitement analogue, un système d’avancement semblable, une évolution analogue de la rémunération.

* Cas de l’avancement de grade, d’avancement au choix ou promotion.

Ici, il est à noter trois (03) types d’insuffisances :

 

Au niveau de la notation

* l’inadéquation du mode de notation qui ne tient pas compte du rendement de l’agent ;

* le mode de notation qui n’est pas conséquent : la note attribuée par le supérieur immédiat qui devrait présenter en principe le plus d’objectivité est modifiée en général au niveau de la commission nationale de promotion ;

* l’inaptitude du notateur et la méconnaissance de l’importance de l’acte qu’il pose, d’où complaisance, règlement de comptes etc.… favorisés par le caractère confidentiel de la note.

Au niveau du mécanisme de péréquation

Le nombre d’agents promus est fonction du nombre de postes vacants dans le grade d’accès. Ainsi, il peut arriver que tous les agents aspirant à un grade donné dans un corps soient frappés de péréquation, quelque soit leur mérite, pendant que d’autres, tout juste moyens, soient promus dans des corps de même niveau.

Au niveau des effets de la promotion

L’agent promu a vocation à occuper un emploi supérieur, ce qui, dans les faits, n’est pas appliqué.

 

2. La prise en compte des agents contractuels de l’Etat dans le nouveau statut général de la fonction publique

 

Depuis ’année 1997 et conformément aux dispositions du décret n° 97-562 du 11 novembre 1997 portant conditions et modalités de prise en compte des titulaires de diplômes d’enseignement général pour les tests et concours de recrutement à la fonction publique, il a été procédé à des recrutements d’agents contractuels de l’Etat. Ceux-ci, étant investis de missions de service public sont des agents publics et la possibilité leur est offerte de faire carrière dans la fonction publique. Dès lors, l’appellation agent permanent de l’Etat utilisée pour désigner ceux des agents de l’Etat qui sont régis par le statut général et les statuts particuliers en opposition à celle d’agents contractuels qui occuperaient par conséquent des emplois précaires ne rend pas compte de la situation de chacune de ces catégories de personnel.

 

En effet, la différence entre la situation de l’agent permanent de l’Etat et celle de l’agent contractuel ne se situe pas au niveau de la permanence ou non du poste occupé, mais tient au fait que l’un se trouve dans une situation légale et réglementaire, objective et impersonnelle alors que l’autre se trouve régi par un contrat. Il y a donc lieu de prévoir un statut général de la fonction publique qui prenne en compte les deux catégories d’agents de l’Etat (central) qui participent, chacune pour sa part, à l’exécution de la mission de service public.

 

3. La solution apportée au problème de la fonction publique territoriale

L’option faite à la Conférence Nationale des Forces Vives de février 1990 pour un système d’organisation de l’Administration territoriale est à l’origine de la création au Bénin des collectivités locales dénommées communes qui sont dotées de pleins pouvoirs pour gérer les affaires locales et impulser le développement à la base.

 L’étendue des pouvoirs ainsi transférés traduit l’importance de la mission qui incombe aux communes, singulièrement en matière de promotion du développement local. Dans un contexte où il est aujourd’hui plus que jamais question de dynamiser le processus de décentralisation et d’amener ainsi les communes à exercer leurs compétences, l’importance du rôle des ressources humaines n’est plus à démontrer. Les agents des collectivités territoriales décentralisées, principaux animateurs des services communaux, doivent bénéficier d’une attention soutenue pour œuvrer aux côtés des élus locaux à l’enracinement de la démocratie à la base et à la promotion d’un véritable développement local…

 

La réalité actuelle est que ces agents n’ont pas une situation juridique clairement définie. Les initiatives visant à leur ouvrir des perspectives à la mesure du rôle qu’ils sont appelés à jouer dans l’administration communale sont timides. Leur carrière est gérée sur la base de textes dont la teneur les confine dans une situation hybride et précaire. Pour doter ce personnel d’un statut juridique clair, le Gouvernement a élaboré un projet de loi portant statut général des fonctionnaires territoriaux. Ce projet de loi a été soumis à l’avis de la Cour Suprême conformément aux dispositions de la Constitution.

Par son avis motivé n° 004-C/PCS/DC/CAB/SP du 13 octobre 2006, la Cour a, au regard des dispositions de l’article 98 de la Constitution, montré que les fonctionnaires territoriaux ne peuvent pas bénéficier d’un statut pris sous la forme d’une loi distincte. Elle a donc indiqué en Gouvernement deux possibilités pour définir le statut des fonctionnaires territoriaux.

La première possibilité qui s’offre au Gouvernement est que celui-ci prenne un décret pour fixer les dispositions statutaires relatives aux fonctionnaires territoriaux, en se fondant sur l’article 100 alinéa 1er de la Constitution : « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».

 

La seconde possibilité est d’initier conformément aux dispositions de l’article 98 alinéa 1er, 10ème tiret, un projet de loi portant statut général de la fonction publique et fixant les dispositions statutaires relatives à toutes les catégories de fonctionnaires y compris les fonctionnaires territoriaux. Le Gouvernement a opté pour la seconde possibilité pour donner une plus grande force aux dispositions devant régir ces agents.

Au niveau du personnel des collectivités territoriales décentralisées, le projet de loi a prévu la distinction entre personnels fonctionnaires et agents contractuels de droit public.

 

Lesprincipes fondamentaux de gestion de ce personnel sont analogues à ceux applicables aux agents de l’Etat. Les maires étant responsables de l’Administration communale, cette spécificité a été respectée dans l’élaboration des dispositions de gestion.

 

Il est prévu un organe technique intercommunal de gestion qui est une délégation de compétence des maires pour assurer une gestion uniforme de la carrière de l’ensemble des personnels des communes.

 

A l’évidence, le contenu du projet de loi dont nous débattrons ce jour démontre bien que la démarche intellectuelle adoptée par ses auteurs est assez judicieuse et a abouti à aborder l’essentiel des problèmes qui se posent aujourd’hui dans le secteur de la fonction publique béninoise.

 

Toutefois, comme pour tout texte de loi qui vise surtout l’efficacité puisqu’il s’agit de réformer des comportements, il est possible d’identifier dès à présent les facteurs susceptibles de générer des limites à l’efficacité souhaitée par les auteurs du projet de réforme.

 

 II. Les facteurs générateurs des limites à l’efficacité de la réforme.

Les facteurs dont il s’agit sont de plusieurs ordres. Ils appartiennent en effet à cinq catégories principales : juridique, constitutionnelle et politique, psychologique, socio-économique et administratif.

 

A. Le facteur juridique : le problème récurrent de l’ineffectivité des textes juridiques.

 

 

Tout le monde sait que dans nos pays africains, nous avons une propension à ne pas appliquer les textes que nous prenons. Ce phénomène aurait des explications diverses sur lesquelles je n’ai pas le temps de m’attarder dans le cadre de la présente communication : mimétisme par rapport aux anciennes puissances colonisatrices le fait que nos textes correspondent rarement à nos réalités socioculturelles, nos administrations elles-mêmes sont des créations des anciennes puissances colonisatrices et ne correspondent pas à une évolution naturelle de nos sociétés etc. Ces éléments constituent des données constantes qui « plombent »l’effectivité des textes que nos dirigeants prennent pour régler les problèmes de notre société-Nul n’a besoin d’être un devin pour savoir que quelles que soit la qualité du texte de loi qui sera promulgué et qui portera prochainement la réforme de la fonction publique chez nous, certaines de ses dispositions ne seront pas appliquées. De ce point de vue, ce texte s’inscrira dans la tradition de ceux qui l’ont précédé dans la matière qu’il a vocation à régir.

 

B. Les facteurs constitutionnel et politique

 

Dés lors que les agents publics dont la réforme des règles régissant la carrière sera au centre de nos débats exercent leurs activités dans un cadre constitutionnel et légal, leur comportement sera influencé, dans une certaine mesure, par leur perception des normes et l’efficacité du contrôle de leurs actions qu’exercent les autorités politiques et les organes judiciaires. C’est dire que la surveillance régulière des agents de la fonction publique de l’Etat central et des collectivités territoriales permet de contrôler l’action de ces derniers. En l’absence d’un tel contrôle lorsque le pouvoir législatif devient inopérant en raison des prérogatives excessives du chef de l’Etat (en droit et/ou dans les faits), la responsabilité publique des fonctionnaires tend à se subordonner aux volontés d’un exécutif autoritaire. De même, l’intégrité des organes judiciaires et leur degré d’indépendance à l’égard de l’exécutif exerce une influence déterminante sur le comportement des agents publics. Si ces derniers ont le sentiment de pouvoir commettre des infractions graves aux règles constitutionnelles et légales sans risques de poursuites, il en résulte presque naturellement un accroissement du nombre des actes irréguliers qu’ils commettront. Ces mêmes fonctionnaires peuvent évidemment justifier leur comportement en prétendant qu’ils ont agi au mieux des intérêts du pouvoir politique en place.

 

 

Au Bénin, comme dans la plupart des Etats, dans le monde contemporain, les fonctionnaires sont plus ou moins sollicités par les hommes politiques et par des citoyens influents qui s’efforcent d’obtenir des faveurs spéciales et des passe-droits. Ces conditions contraignent les fonctionnaires, soit à céder aux pressions ou aux tentations et d’agir dès lors d’une manière contraire aux lois et règlements en vigueur, soit encore à apparaître comme des « trouble-fête » dont il faut se débarrasser à la première occasion. La situation se détériore davantage lorsque le régime identifie l’Exécutif et l’Etat à la personne titulaire de la charge.

 

Dans les pays où le pouvoir politique se cristallise autour de la personne d’un Chef Suprême, les fonctionnaires sont généralement placés sous la dépendance d’administrateurs politiques qui exercent un pouvoir arbitraire pour réaliser les objectifs fixés par leur Chef. Dans ces pays, la loyauté envers l’autorité et la poursuite inconditionnelle de ses buts et objectifs nationaux tend à devenir le critère de qualification. Dans un tel climat politique, la survie devient naturellement le souci principal des fonctionnaires. La célèbre citation de Lord Acton ce « tout pouvoir tend à corrompre et le pouvoir absolu corrompt absolument » s’applique parfaitement à cette situation.

 

C. Le facteur psychologique

 

Les valeurs personnelles et sociales et la philosophie de la vie qui a cours dans la collectivité conditionnent à la fois les conceptions et le respect de l’éthique dans la pratique. Si l’usage consiste à « fermer les yeux » sur ce qui devrait être considéré en temps normal comme des actes de corruptions ou l’action de privilèges particuliers, il ne faut pas attendre des fonctionnaires un comportement très différent. C’est dire que le comportement attendu des fonctionnaires reflète le système de valeurs consacré par la société. Il se crée alors un climat psychologique propice à la tolérance d’activités contraires aux règles de déontologie et d’éthique, si les administrés estiment eux-mêmes que l’Etat doit être géré à l’exemple d’une entreprise familiale ou appliquer les règles du secteur privé ou encore que tout fonctionnaire peut être « acheté » et que l’intérêt personnel du dirigeant politique peut se confondre avec l’intérêt national. Dans un tel climat, d’aucuns, conscients du phénomène de la corruption généralisée du système, estimeront que seuls ceux qui participent à la combine peuvent « se faire une place au soleil », que chacun agit pour soi, qu’il est donc permis de suivre l’exemple général et d’exploiter toutes les possibilités offertes.

D. Le facteur socio-économique

Une conception toujours plus matérialiste de la vie semble avoir entraîné le déclin des valeurs sociales et morales dans nos sociétés modernes. Il est de pratique courante aujourd’hui dans de nombreux pays industrialisés et en développement de rechercher les moyens légitimes ou autres d’échapper aux prescriptions et règlements de l’Etat, notamment en matière d’impôts, dans le but de défier l’Administration et de saper son autorité. L’âpreté au gain matériel est à l’ordre du jour, aussi bien que l’exploitation des faiblesses de l’appareil de l’Etat et du secteur privé. On n’est plus très regardant sur les moyens de se procurer les biens ou avantages de ces entités. Tromper l’Etat est chose admise. Par conséquent, les pratiques irrégulières sont tolérées par la collectivité pour autant qu’elles ne se répètent pas négativement sur les autres individus qui, en tout état de cause, paieront indirectement la note par un alourdissement de la fiscalité. Le prestige social de la personne qui exploite abusivement l’Etat est rehaussé si elle fait preuve d’habileté et si elle tire astucieusement parti des circonstances. Et il ne faut donc pas atteindre des agents de l’Administration un comportement différent.

 

 

La corruption dans les pays du Tiers Monde, dont fait partie le Bénin, tend à se distinguer de celle des pays industrialisés à la fois par sa nature et par son intensité. Dans la mesure où les biens et les services fournis par les pouvoirs publics sont loin de satisfaire le volume important de la demande, il n’est pas rare que la population verse de petites sommes à un agent subalterne pour l’admission dans un hôpital public, pour l’obtention d’un raccord téléphonique ou pour tout autre service administratif. La corruption dans ce cas est la conséquence des insuffisances des ressources publiques et des exigences quasi illimitées de la collectivité. Dans les pays riches aussi, on ferme généralement les yeux sur les petits bénéfices illicites. Les prix des biens et des services augmentent au fur et à mesure que le désir des biens matériels se fera irrésistible. Les fonctionnaires chargés de la prestation de ces services ou de leur réglementation seront donc soumis à des tentations constantes. Dans de telles circonstances, certains fonctionnaires s’efforcent d’exploiter un maximum leur position à des fins personnelles. Leur comportement renforce le public dans sa conviction que les fonctionnaires sont généralement corrompus et rien ne corrompt davantage qu’un simple soupçon de corruption.

 

Parmi les autres facteurs qui peuvent être à l’origine de la corruption des fonctionnaires, on peut citer la pénurie d’emplois, l’insuffisance des rémunérations et les prérogatives toujours plus étendues que l’Etat reconnaît aux fonctionnaires dans le domaine de la réglementation de ses affaires économiques et sociales. Ce pouvoir de réglementation accru qui est offert aux fonctionnaires leur offre diverses possibilités d’enrichissement, notamment à l’occasion de l’octroi de permis de construire, de l’adjudication de marchés publics, de l’octroi de licence d’importation et d’exportation, de la perception des droits de douane etc.

E. Le facteur administratif

Si les fonctionnaires, dont les pouvoirs publics veulent réformer le statut général, savent qu’ils ne seront vraisemblablement pas punis pour avoir commis des actes irréguliers, ils auront tout naturellement tendance à adopter une attitude très laxiste au plan de la moralité administrative. La lenteur de l’appareil administratif entretient un climat favorable à la corruption. De même, la complaisance témoignée par les cadres supérieurs à l’endroit des malversations accroît la conviction des administrés qui doutent de l’intégrité des fonctionnaires ; le public estime que la corruption est un mal nécessaire, voire indispensable à la bonne marche des affaires.

 

Parmi les autres facteurs, on peut retenir notamment : l’organisation défectueuse des Institutions qui peut être à l’origine de l’incurie des fonctionnaires, l’absence de mécanisme permettant de les rendre responsables individuellement de leurs actions, la dilution des responsabilités, de telle sorte qu’il est malaisé de trouver le responsable d’un acte déterminé, la tolérance ou la mansuétude dont les milieux dirigeants font preuve lorsqu’ils ont à reconnaître des accusations d’irrégularités commises en haut lieu.

 

En guise de conclusion

 La éforme de la fonction publique telle qu’elle transparaît à travers le projet de loi qui sera apprécié dans les prochaines semaines à l’Assemblée Nationale aborde essentiellement les questions d’ordre juridique donc technique. Ce texte a même déjà été inscrit à l’ordre du jour de la dernière session extraordinaire de l’Assemblé Nationale, mais n’a pas pu être examiné.

 Or, à mon avis, pour donner à cette réforme toute la portée souhaitable, il est nécessaire de prendre en compte d’autres caractéristiques de la société béninoise à laquelle la réforme va s’appliquer. C’est tout le sens de la deuxième partie de la communication que j’ai eu l’honneur de présenter à votre auguste assemblée.

 

Je vous remercie de votre attention et de votre patience.

 Porto Novo, le 19 avril 2013

Présentée par : Monsieur Célestin MONTEIRO

Enseignant à la Faculté de Droit et Sciences Politiques de l’Université d’Abomey Calavi


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22 avril 2013 par Judicaël ZOHOUN




La PRMP de Malanville démissionne


19 avril 2024 par Akpédjé Ayosso
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17 avril 2024 par Akpédjé Ayosso, Ignace B. Fanou
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La 1ère session ordinaire 2024 ouverte à l’Assemblée nationale


15 avril 2024 par Akpédjé Ayosso
La première session ordinaire de l’Assemblée nationale au titre de (...)
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Les responsables des partis RN et MOELE reçus à la Présidence


10 avril 2024 par F. Aubin Ahéhéhinnou
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Les hauts conseillers s’enquièrent des expériences de la Cour (...)


3 avril 2024 par Akpédjé Ayosso
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Communiqué de Presse du parti Alliance des Forces Nouvelles (AFN)


1er avril 2024 par Judicaël ZOHOUN
Depuis le 24 mars 2024, une nouvelle ère s’ouvre sur le Sénégal. La (...)
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La loi portant Code électoral promulguée


19 mars 2024 par Marc Mensah
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L’opposition béninoise déjà dans l’esprit du nouveau Code électoral


13 mars 2024 par Marc Mensah
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Les partis politiques deviennent des institutions avec le nouveau (...)


13 mars 2024 par F. Aubin Ahéhéhinnou
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Le Code électoral n’exclut pas les partis du processus électoral


8 mars 2024 par F. Aubin Ahéhéhinnou
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La nouvelle SE de Bantè prend fonction


8 mars 2024 par Akpédjé Ayosso
La nouvelle Secrétaire exécutive de la Commune de Bantè a été (...)
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Talon invité à ne pas promulguer en l’état la loi portant Code électoral


7 mars 2024 par Marc Mensah
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28 février 2024 par Akpédjé Ayosso
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23 février 2024 par F. Aubin Ahéhéhinnou
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19 février 2024 par F. Aubin Ahéhéhinnou
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12 février 2024 par Ignace B. Fanou, Marc Mensah
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11 février 2024 par Ignace B. Fanou
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9 février 2024 par Akpédjé Ayosso
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