On n’en finira pas de sitôt avec le décryptage du scénario catastrophe décrit par Me Adrien Houngbedji le 21 septembre 2014 sur Canal 3. Chaque épisode de la tragédie électorale en cours vient conforter ce dessein cauchemardesque visiblement basé sur le cumul de plusieurs vides juridiques d’ici à 2016. Ainsi au retard des municipales pourrait s’ajouter celui des législatives prévues pour mars-avril 2015 puis celui de la présidentielle de mars 2016. Un pays où tous les mandats électifs perdraient toute légitimité voire toute légalité. Une sorte de gouvernance sans expression du peuple ; ce qui équivaut à un État de prince, tout le contraire de l’Etat de droit. En d’autres termes une mise à mort pur et simple de la démocratie, sous nos yeux. Certains caciques de l’ordre en place peuvent déceler dans ce diagnostic des fantasmes d’un opposant mauvais perdant. D’autant plus que la formule de faire tenir toutes les élections à bonne date figure dans tous les discours présidentiels depuis l’avènement du Changement en 2006. De plus le chef de l’Etat, sans y être contraint, n’a de cesse de renouveler sa promesse ferme de rendre le pouvoir au terme de son 2ème et dernier mandat tel que recommandé par la constitution. Chiche !
Seulement voilà. Bientôt deux ans de retard pour le renouvellement des mandats des élus locaux même si le Benin n’en est pas encore mort en tant qu’Etat. Au contraire, les maires ont retrouvé une nouvelle jeunesse et font feu de tout bois à travers marches, meetings, prières et autres actes adulatoires vis-à-vis du régime finissant de la refondation. En 2011, année des K.O électoraux, le parlement aussi a connu son retard de renouvellement pour quelques semaines seulement, du 22 avril au 15 mai. Sans grande conséquence peut-être. Peu avant, la présidentielle a été organisée hors délai constitutionnel ; ce qui n’a pas empêché sa validation par les sages de la Cour constitutionnelle. Le Benin semble, donc, s’accoutumer peu à peu à la violation régulière de sa propre législation électorale.
Sauf que, cette fois-ci, la concomitance des impasses fait soupçonner l’existence d’un dessein bien calculé. C’est bien curieux qu’on soit arrivé à un vil débat sur le couplage des municipales et des législatives alors que ces deux échéances étaient pourtant légalement séparées par deux bonnes années. Comment est-on parvenu à un retard de près de deux ans sur un scrutin sans que tout cela ne soit ourdi au plus haut niveau institutionnel ? Ceux qui ont suivi Houngbedji le 20 septembre 2014 ont certainement compris qu’au-delà de ces retards anodins se profile un péril plus pernicieux. Le vide juridique autour des mandats des maires a pu être circonscrit par une loi qui les maintient en place jusqu’à la tenue des prochaines municipales. Ce retard est insidieusement en passe de rattraper un autre, celui lié à la tenue des législatives ; ce qui consacre la disparition de fait de tout parlement au Bénin. Un dangereux blanc seing au chef de l’Etat bientôt libre de légiférer par ordonnance sur toutes les questions y compris un référendum constitutionnel perverti.
Si cette hérésie n’était pas arrêtée avant 2016, on ne pourrait même plus appliquer les dispositions relatives à la vacance du pouvoir puisque qu’il n’y aurait plus de parlement et donc pas de président intérimaire chargé, sous quarantaine, d’organiser un scrutin présidentiel. L’article 50 de la constitution a clairement évoqué cette vacance en cas d’"empêchement définitif" pour le chef de l’Etat dû par exemple à l’impossibilité pour lui de briguer un troisième mandat. Or tout porte à croire et au vu des agissements sur le terrain (après nous, c’est nous), que, si les tireurs de ficelle ont pu tenir le retard d’une élection durant près de deux ans, on ne voit pas ce qui pourrait les empêcher de tenir encore un an supplémentaire jusqu’en 2016. Cela leur offre un État à la dérive, totalement débridé dont on pourrait user et abuser à satiété. Le scénario catastrophe n’aurait donc pas débuté sur un plateau de télévision le 20 septembre 2014 mais a pris ses sources bien avant la fin du mandat des élus locaux en mai 2013. Avril 2016 n’en serait que le couronnement.
De vide juridique en vide juridique, le Bénin dans le néant...
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20 octobre 2014 par Judicaël ZOHOUN