(Par Roger Gbégnonvi)
Un policier mort sur le champ. Trois autres admis au CNHU en Réanimation. Désastre ce 14 octobre 2014, en plein jour, à Cotonou, au quartier Jéricho. Bilan lourd et inquiétant pour notre sécurité. Ceux qui cassent le bois vert peuvent broyer le bois sec. Si les malfrats peuvent détruire nos protecteurs en armes, ils ne feront de nous qu’une bouchée. Ce sera, en permanence, ‘‘la bourse ou la vie’’, et, si nous hésitons ou résistons, la vie et la bourse.
Paniqué et le cœur chargé d’angoisse, vous vous portez, 48 h après la tuerie, chez votre voisin et ami, officier de police, et vous osez enfin lui poser la question que vous portez en vous depuis longtemps, mais qui pouvait vous faire passer à ses yeux pour un supporter des criminels. Si vous en croyez les journaux, les jeunes collègues de votre ami abattent presque toujours les malfrats qu’ils prennent sur le fait. Pourquoi cette table rase ? Pourquoi ne les handicapent-ils pas pour les faire juger et, avant le tribunal, tirer d’eux le maximum d’informations sur leurs manières, leurs tanières, leurs ‘‘confrères’’ ? Une prévention bien avisée ferait baisser le nombre des futurs braqueurs, au lieu que de tuer la plupart de ceux que l’on prend sur le fait ne contribue qu’à ‘‘protéger’’ les aspirants et à les radicaliser.
Après les remerciements d’usage pour votre ‘‘démarche louable’’, surprise : votre vieil ami vous répond qu’on devrait traduire en justice nombre de ces policiers volontiers flingueurs, car il n’est pas démontré qu’ils sont en état de légitime défense chaque fois qu’ils dégainent et tuent au lieu de tirer dans les jambes ou ailleurs où la balle n’est pas mortelle. Surprise de votre côté, parce que vous ne vous attendiez pas à tant de considération pour les droits de l’homme de la part d’un officier de police. N’était donc pas justifiée la crainte qu’il vous prît pour un allié objectif des malfrats. Sur sa lancée, votre ami, au motif qu’il n’a rien à vous cacher, vous apprend qu’à son avis – ‘‘et je sais de quoi je parle’’ –, certains de ses jeunes collègues seraient de mèche avec certains malfrats, et que de les tuer sans autre forme de procès leur permettrait d’effacer toute trace de leur complicité. A cet instant, votre visage a dû trahir votre effroi intérieur car, sans doute pour vous rassurer, votre ami officier vous rapporte un cas précis, dont il a eu ‘‘parfaitement connaissance’’, où des policiers ont ouvert eux-mêmes la voie du crime à des malfrats qu’ils ont tirés ensuite comme des lapins pendant qu’ils opéraient. Et de s’interroger : ‘‘Pourquoi ne pas les avoir arrêtés puisqu’on les attendait ?’’ Et votre ami vous aura plutôt assommé que rassuré. ‘‘Nous sommes donc perdus !’’, murmurez-vous. Et votre effroi est encore grand au moment où sa conclusion vous cueille à froid comme au sortir d’un violent cauchemar : ‘‘Ces histoires sont connues dans notre milieu. Mais à qui voulez-vous le dire ?’’ Pourtant il vous le dit !
Vous l’aura-t-il donc dit comme pour se libérer la conscience devant un ami en qui il a toute confiance ? Et il a dit ‘‘notre milieu’’, un peu comme on dit ‘‘le milieu’’ dans le jargon de la maffia sicilienne. Vous sortez de l’entretien, sonné. Est-ce pour atténuer le choc ? Vous revient en tout cas en mémoire Marseille en France : sa police et les policiers ripoux que la police des polices doit sortir des rangs des policiers pour assainir le milieu des policiers. Vous revient en mémoire le Mexique : sa police connectée au gang des narcotrafiquants, sa police accusée récemment d’avoir enlevé et fait disparaître 43 étudiants après une manifestation pacifique, le Mexique et ses fosses communes. Le Bénin et son disparu, ses assassinés, ses tueurs jamais identifiés. Epouvante ! Le Bénin en bonne compagnie ? ‘‘Si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ?’’ Mais encore faut-il que le sel existe. Mais encore faut-il que l’Etat existe. Et que l’Etat ne soit pas lui-même voyou. Où en sont les Etats mexicain et béninois ? Où en est le Bénin avec, en toile de fond, les troublantes confidences de votre ami policier ?
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28 octobre 2014 par Judicaël ZOHOUN