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(Par Roger Gbégnonvi)
Lorsqu’on tend aujourd’hui l’oreille pour capter dans la cité la rumeur et ses vagues (fama vagatur, disaient les Latins), Il est clair que nous y sommes à nouveau : Talon nous donnera le pain et le beurre, la prospérité et le bonheur. Et nos enfants auront des emplois en-veux-tu-en-voilà. L’euphorie à nouveau. Il en a toujours été ainsi. Ainsi avec Kérékou à la tête de la Révolution. Ainsi avec Soglo, premier Président du Renouveau démocratique. Ainsi avec Yayi gongonnant le changement. Ainsi aujourd’hui avec Talon prônant le nouveau départ. Les Béninois l’ont souhaité et voulu. Mais, comme à l’habitude, ils ne changeront pas un iota à leurs habitudes. Droits dans leurs bottes, ils regarderont Talon et son équipe se débattre et se noyer. Echec. ‘‘L’espoir mis en chantier’’ se sera fait baudruche éventrée, et les Béninois, gros Jean comme devant, retourneront à leur errance, errance renforcée et plus piteuse que celle d’avant. Une seule explication circonstancielle à ce sur-place éhonté : Talon n’est pas et ne peut pas être le factotum de la République. Nous faisons confiance à Talon pour transformer en actes, à son niveau personnel et exemplaire, les bonnes intentions de son projet de société dont le discours d’investiture constitue un bon condensé.
Mais Talon ne peut pas aller et n’ira pas à l’heure au travail à la place des nombreux Béninois qui y vont en retard, ou n’y font qu’acte de présence, disparaissent bien avant 12 h 30 ou 18 h 30, charge à leurs collègues collabos d’annoncer aux demandeurs de service : ‘‘Il s’est levé.’’ Et tant pis pour le jeune instituteur ahanant de Natitingou à Cotonou pour retirer quelque pièce administrative auprès de celui qui est parti et dont le retour est espéré. Lorsque le fonctionnaire de l’Etat injurie ainsi son devoir de servir ses concitoyens, que peut Talon tout seul contre cette injure ? Talon n’est pas et ne sera pas agent de la circulation ici, ailleurs et partout, pour empêcher le rançonnement des chauffeurs de taxis et de gros-porteurs en porte-à-faux avec la loi, pour empêcher de circuler les véhicules surchargés et sans papier en règle, dangers graves pour les voyageurs et les simples passants. Si malgré les ‘‘consignes fermes’’ du gouvernement de Talon, la passion de la fraude et du gain illégal l’emporte et que les forces de l’ordre, parées des attributs de l’Etat, se transforment sans état d’âme en forces du désordre, que peut Talon tout seul contre ce tête-à-queue de la déontologie ? Talon n’est pas et ne sera pas instituteur, professeur du secondaire ou du supérieur à la place des Béninois qui le sont. Mais lorsque ceux-ci violent, engrossent et font avorter leurs élèves, filles mineures et demoiselles nubiles, au cri de ‘‘nous autres n’avons que ça à détourner’’, que peut Talon tout seul contre le dévergondage hurlant et tragique de certains enseignants ? Talon n’est pas et ne sera pas vingt-et-un ministres, et pas leurs Directeurs de Cabinet et pas leurs Directeurs des Ressources financières et du Matériel. Mais si ce beau monde, malgré les indemnités censées le mettre à l’abri du besoin, se croit obligé de jouer les gredins afin de percevoir des dessous de table hideux pour laisser passer les mauvais dossiers et même les bons, que peut Talon tout seul contre la vermine, contre la corruption qui, depuis des lustres, ronge, ruine et tue le pays, la République et l’Etat ?
Trois questions viennent à l’esprit :- Le nouveau départ abandonnerait-il en rase campagne la foule des analphabètes ? Que signifie la ‘‘création de la zone franche du savoir et de l’innovation’’ quand la majorité n’écrit ni ne lit aucune des langues du monde ? Qu’est-ce qui prouve que le départ est nouveau ? Pour que ledit nouveau départ ne soit pas que vaine incantation, chaque Béninois doit faire le pas de l’exigence éthique et pratique, fort de la conviction que, malgré ses bonnes intentions et ses bonnes actions, malgré sa grande capacité de réflexion et d’action, Talon n’est pas le factotum de la République.