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Car Mme Rosine Vieyra Soglo n’a pas traversé le ciel béninois à l’instar d’une étoile filante. Elle s’est installée dans le paysage béninois comme un roc. Une épopée. Une légende. La saga Rosine. Rosine fut de la race de ceux qui refusent de vivre inutilement, la race de ceux qui n’acceptent pas que de naître, manger, procréer, mourir. L’avocate Vieyra Soglo, avant de se révéler à ses compatriotes comme pôle d’énergie, a dû être toujours telle qu’en elle-même, « une force qui va », bousculant et réveillant sur son passage les gens endormis et statiques. Au grand étonnement d’une société grosso modo machiste, Rosine prit résolument les choses en main aux côtés de son mari désigné Premier Ministre. Quand ce dernier, élu Président de la République, devait prêter serment pour entrer officiellement dans ses fonctions, c’est Rosine qui prêta serment en renfort à Nicéphore à la voix devenue murmure de souffrance et de douleur. La cérémonie terminée sans discours du Président, Rosine mit son mari dans un avion, et les deux partirent au loin, en quête de guérison et de santé pour l’éprouvé. Six mois d’attente et d’angoisse pour le peuple craignant que sa toute jeune démocratie ne s’effondre. Le couple revint, rayonnant, acclamé par la foule en liesse.
Alors ce qui avait germé timidement à l’ombre de la Primature s’épanouit fièrement au soleil de la Présidence : Rosine imposa le statut de First Lady. Pas un bouquet géant et mobile à côté du Président. Pas une grande poupée souriant à ses côtés. Car Rosine créa très vite la Renaissance du Bénin, parti politique, qu’elle dirigea d’une main de fer et de fée. A l’une des législatures, elle fit remporter à la RB vingt-sept sièges de député au milieu d’une flopée de plus de 200 autres formations parties à l’assaut des 83 fauteuils du Parlement. Les campagnes électorales de Rosine étaient ardentes, menées tambour battant. Palpitantes. Et Rosine était, sans détour et sans discussion, la colonne vertébrale de son mari au pouvoir.
A quoi, à qui comparer Mme Rosine Vieyra Soglo ? A elle-même. Au temps récent où les tempêtes dévastatrices portaient exclusivement de jolis noms de femme, il eût été juste et bon d’en baptiser une Rosine Soglo. A la différence que la tempête Rosine ne dévastait pas, elle était une tempête, et il valait mieux ne pas se mettre en travers. Rosine ne faisait pas commerce de tendresse. Pourtant, derrière la hardiesse de la tigresse se cachait un bel amour de mère. Et tout le monde avait fini par savoir que, pour le bon déroulement des négociations, il fallait appeler Rosine Maman et non pas Mme la Présidente. Et le comble, c’était quand vous alliez à Rosine avec un bébé dans les bras. La tempête, alors, fondait en zéphyr, devenait vent caressant. En ses instants maternels, Rosine se révélait capable de vous offrir le ciel et la terre, quitte à les arracher à Dieu pour vous. Hélas, interlocuteurs et négociateurs n’avaient pas toujours un bébé á présenter au volcan pour transformer ses éruptions non dévastatrices en éruptions carrément apaisées et apaisantes. Aussi, fidèle à sa nature rudement pacifique, Rosine a-t-elle dû suspendre moult réunions qu’elle présidait et dont les participants étalaient la marmelade de leur indécision et de leurs atermoiements.
Sans doute écrivaine et poétesse dans le tréfonds de son âme, la maîtresse femme Rosine aura incarné le vœu d’André Malraux, écrivain tragique qui rêvait de « laisser une cicatrice sur la terre ». Amazone singulière après les Amazones d’Abomey, Rosine aura montré aux Béninoises et Béninois l’art de « transformer un destin subi en un destin dominé ». Maman Rosine aura-t-elle parfois fait la part un peu trop belle aux sien ? On l’en a soupçonnée. En ayant oublié Arthur Rimbaud : « Ô saisons ! ô châteaux / Quelle âme est sans défauts ? » En ayant oublié Victor Hugo : « Oh ! l’amour d’une mère ! » Ô Rosine !
Oui, c’était Rosine. Femme entière. Femme de passion et de courage. Rosine forever.