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(Par Roger Gbégnonvi)
Africains ou français, les spécialistes de la monnaie s’entendent désormais comme larrons en foire pour voir dans le franc CFA une vaste escroquerie, le rachitisme cultivé pour les pays à qui on l’a accroché, leur ruine à un horizon proche. Cette monnaie fabriquée en France, régie par le Trésor français, surévaluée à outrance pour une parité fixe avec le franc français hier et avec l’euro aujourd’hui, cette monnaie-là contribue surtout à développer la France, qui l’utilise avec rigueur pour maintenir en état d’hibernation les pays d’Afrique à qui elle l’a accrochée. A ces pays, cette monnaie gardera la tête en dehors de l’eau comme des poissons frais qui, le regard encore mouillé, seront bientôt jetés sur le gril. Par conséquent leur survie et leur développement passent logiquement par leur décrochage du franc CFA.
Et par la création de leur propre monnaie. Or le Ghana, le Nigeria, la RDC, etc., l’ont fait et sont pourtant loin derrière la Suisse, la Corée du Sud ou l’Iran, etc., dont on voit bien qu’ils se développent même quand, fâché contre eux, le monde leur impose pendant des années (cf. l’Iran) un blocus économique. Un pays peut donc vivre et s’épanouir avec sa propre monnaie, même si, parfois, cela ne va pas de soi. L’Europe, dans son ensemble, pour résister au bulldozer étasunien, a dû s’inventer une monnaie commune. ‘’L’union fait la force’’. Si donc c’est la galère en vue pour un pays d’Afrique exsangue, fièrement et souverainement accroché à sa monnaie, la solution est toute trouvée : les pays ensemble garrotés par le franc CFA se libèrent ensemble de lui et créent leur monnaie commune.
La solution vraiment ? Que produisent, transforment et vendent ces pays, qui puisse offrir un socle solide à une monnaie commune ? Air-Afrique, commune compagnie aérienne florissante, se disloqua néanmoins sur le tarmac d’une gestion tellement scabreuse qu’on se demande, a posteriori, comment des ‘‘responsables’’ sensés ont pu croire un seul instant qu’une entreprise aussi malmenée avait la moindre chance de vivre et de prospérer. La monnaie zaïroise fut florissante et très appréciée avant de perdre tout éclat et tout intérêt, pour se voir remplacé, de fait, par le dollar américain. Dans une RDC vaste comme un continent et qui recèle une grande partie des richesses dont le monde a besoin, les ‘‘responsables’’ politiques ont tellement fait tourner la planche à billets au rythme de leurs instincts et de leurs prurits qu’ils ont fini par plonger le zaïre dans une inflation abyssale : il fut un temps où il fallait une brouette de cette monnaie pour s’acheter un morceau de pain.
Ce que révèle le fiasco ‘‘exemplaire’’ d’Air-Afrique et du zaïre, c’est que, s’ils sont un peu honnêtes, les Africains n’ont pas le droit de se faire confiance à eux-mêmes pour la chose très délicate que constituent la création et la gestion d’une monnaie commune. C’est d’ailleurs leur histoire récente qui leur interdit de se faire confiance, à cause de leur manque de vision et de leur propension à dormir dans le lit dressé par l’autre. Sur le dos frêle des indépendances, acquises et non conquises, on a assis ‘‘l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation’’. On les sait absurdes. Mais les remettre en cause, c’est s’atteler à corriger le Congrès de Berlin. Aucune envie de travailler ! On a habillé des tirailleurs rescapés, à qui on a donné gallons, voire étoiles, pour faire d’eux des chefs d’état-major. Comme si des gens, qu’on a obligés à tuer les résistants vietnamiens et algériens, étaient ce qu’il fallait pour construire les armées nationales et patriotiques de l’Afrique indépendante. Le franc CFA n’a pas suscité l’ombre d’une hésitation : il était là, bras ouverts ; on s’y est engouffré, et en avant la dépense ! Jouissance dans l’insouciance. Esprit d’abnégation et de sacrifice, zéro.
Ce que révèle la conscience soudaine du CFA attrape-negro, c’est que l’Afrique est une affaire bricolée, à l’intérieur de laquelle les Africains s’adonnent au bricolage à tout va.