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A la faveur du retour à Pretoria des
soldats sud-africains blessés dans la bataille de samedi en République
centrafricaine, un coin de voile a été levé sur les événements de ce
week-end dans le pays. Deux points clés retiennent l’attention : pendant
que les rebelles de l’alliance Seleka avançaient sur Bangui, des
officiers centrafricains ont tenté, eux aussi, de s’emparer du pouvoir.
Par ailleurs, des renforts sud-africains ont été envoyés en RCA, mais la
mission de l’armée sud-africaine reste toujours aussi floue…
Le statut des troupes sud-africaines en
République centrafricaine reste flou ou – en tous cas – mal défini,
tandis que des pillards et des bandits armés errent dans les rues de la
capitale, Bangui. Les chefs rebelles et les soldats de maintien de la
paix essaient tant bien que mal de rétablir l’ordre après l’éviction du
président François Bozizé, ce week-end. Dans cette atmosphère de chaos,
on en sait toujours aussi peu sur le rôle des troupes sud-africaines qui
y sont stationnées. Les circonstances de la mort de treize soldats
sud-africains, samedi dernier, restent floues.
Vingt-huit soldats sud-africains blessés
lors des affrontements sont actuellement traités dans un hôpital
militaire de Pretoria. Alors que la sécurité autour de l’hôpital a été
renforcée depuis l’arrivée des soldats, une source locale a recueilli
des avis de soldats blessés qui estiment que l’envoi de troupes en RCA
n’était pas dénué d’arrière-pensées politiques.
En janvier, quand Jacob Zuma annonçait
l’envoi de 200 soldats pour prêter main forte aux troupes de Bozizé,
l’alliance rebelle Seleka - qui a maintenant pris le contrôle de la
capitale - était mécontente de la décision. Les rebelles auraient même
considéré les troupes sud-africaines comme des « mercenaires ».
Les Sud-Africains étaient censés être
dans le pays pour « le renforcement des capacités de défense de l’armée
centrafricaine », mais les soldats affirment qu’ils n’ont pas été
impliqués dans des programmes de formation militaire. Cela pouvait se
comprendre dans le contexte général de l’insurrection rebelle de
décembre, avec les victoires de la rébellion sur les forces
gouvernementales.
Mais la semaine dernière, soldats et
rebelles étaient censés travailler main dans la main, en vertu des
accords de paix de Libreville…
Les soldats affirment que dans leur
briefing, ils avaient été informés qu’ils avaient été déployés pour
protéger les ressortissants sud-Africains, leurs actifs, ainsi que les
équipements militaires de la South African National Defence Force
déployés en RCA.
Contre-coup d’état
Ils disent qu’ils étaient basés à 50 km
de la capitale lorsqu’ils ont été attaqués samedi dernier par les
rebelles. De manière assez curieuse, les soldats blessés affirment
également avoir été attaqués vendredi par les troupes gouvernementales
centrafricaines qui tentaient de mettre en place leur propre « petit
coup », mais ils ont réussi à repousser l’attaque.
L’armée centrafricaine est sous-financée et, au-delà de la motivation, souffre de graves problèmes d’équipement.
Historiquement,
les dirigeants de la RCA se sont toujours méfiés d’une armée trop
forte. Seule la garde présidentielle, composée pour l’essentiel de
soldats de la propre ethnie de Bozizé, dit-on, avait une puissance de
feu redoutable. Leur sort, dans le bourbier et le capharnaüm actuels,
fait l’objet de nombreuses supputations à Bangui.
Mais alors que Bozizé s’en est allé au
Cameroun, il est à noter qu’il était gardé par des soldats tchadiens
jusqu’à octobre dernier. L’accord de coopération militaire entre
l’Afrique du Sud et la RCA, comprend un volet sécuritaire relatif à la
protection personnelle de François Bozizé.
Il reste à savoir si les Sud-Africains gardaient le président déchu en l’absence des troupes tchadiennes.
Il y a aussi beaucoup de questions sans
réponse au sujet de la bataille de samedi qui, pour la plupart, se
rapportent à ce que les soldats sud-africains faisaient exactement et où
ils étaient stationnés.
Hors du bureau des Forces de défense à
Pretoria, le sergent Alvin Tshuma avait de son côté l’air tendu
lorsqu’il a été interrogé par les médias. Il a expliqué que les soldats
ont été "confrontés à une situation difficile" et que davantage de
troupes ont été déployées en RCA.
Un autre sergent, qui s’est exprimé sous
couvert de l’anonymat, a déclaré : "Il est vrai que nos gens meurent
là-bas, même s’il n’y a pas de missions de guerre. C’est une tâche très
difficile d’essayer de maintenir l’ordre avec des gens qui vous tirent
dessus de toutes parts. "
Les membres des Forces de défense
étaient réticents à parler aux médias, mais un sergent, qui a également
souhaité rester anonyme, a confirmé que de nouveaux contingents avaient
été envoyés en RCA - une information soutenue par d’autres sources. "La
brigade de parachutistes 44 de Bloemfontein a été envoyée hier", a-t-il
dit.
D’autres troupes du Limpopo, la base
militaire Braambos à Louis Trichardt (Makhado) devraient partir
aujourd’hui, a-t-il ajouté. "Mais nous ne voulons pas la guerre avec eux
(les rebelles en RCA). Les rebelles ne sont pas censés s’en prendre aux
troupes de maintien de la paix."
L’analyste Helmut Heitman, spécialisé
dans les questions militaires, a salué le rôle de l’Afrique du Sud en
République centrafricaine et déclaré que la décision de maintenir des
troupes sur place enverrait le message suivant aux mouvements rebelles à
travers le continent : il n’est pas facile de vaincre les troupes
sud-africaines. « Ceci est crucial, en raison des autres missions de la
paix dans lesquelles le pays est engagé », a-t-il ajouté.
"Laisser une petite force là-bas est un
peu idiot et la retirer serait contre-productif", a déclaré Heitman.
Pour lui, un bataillon de 800 à 1000 hommes avec des équipements lourds
devrait être envoyé pour renforcer les capacités des troupes et parvenir
à la stabilité, en partant du postulat que l’Union africaine ou les
Nations Unies prendraient le relais.
"C’est un échec catastrophique en
matière de planification", a-t-il dit, interrogé sur les difficultés
liées à l’évacuation des troupes de la RCA. "Vous devez être en mesure
de vous renforcer ou, à défaut, de vous retirer."
D’autres analystes ne sont pas aussi
sûrs de la mission sud-africaine en République centrafricaine. "C’est un
vrai désastre pour l’Afrique du Sud", soutient Thierry Vircoulon,
spécialiste de l’Afrique centrale à International Crisis Group. "Ils
n’ont pas du tout compris qu’ils soutenaient le mauvais cheval."