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(Par Roger Gbégnonvi)
Un feuilleton narco-judiciaire a tenu le Bénin en haleine du vendredi 28 octobre au vendredi 4 novembre. A la satisfaction générale, semble-t-il, il s’est conclu par un non-lieu au bénéfice du doute. Le brouillard demeure donc et se résorbera probablement dans l’oubli. Car le Bénin maîtrise l’art d’additionner oubli et silence pour continuer, en l’absence de toute mémoire, sa marche vers des tribulations semblables aux précédentes. Stoïquement parlant, la descente dans l’argent abondant aux origines opaques, la chute ininterrompue dans l’argent immonde, n’est plus un problème. On le sait, l’abîme est sans fond. Quand on y est, on sait qu’on a toute sa vie pour tomber sans pouvoir s’arrêter jamais de tomber. Mais le comble, c’est que les Béninois verraient bien Dieu avec eux dans l’abîme de l’argent.
Car est sidérante, renversante, la suite immédiate du verdict du 4 novembre 2016. Dès après le prononcé du non-lieu au Tribunal de Cotonou, le protagoniste du feuilleton, à la tête de sa troupe d’admirateurs, s’est rendu à l’église Saint-Michel, la plus grande de Cotonou. Les photos-reportages le montrent tout de blanc vêtu, la main droite levée vers le ciel. Derrière lui et le surplombant, le tableau du Christ surgissant du tombeau, victorieux de la mort. Et les catholiques de conviction peuvent se demander quel péché ils ont commis pour se voir infliger ce grotesque amalgame au fond de la nuit, entre 23 h et minuit, quand les enfants dorment depuis longtemps déjà. Au nom de quoi quelque ‘‘fonctionnaire de Dieu’’, quelque impie collabo, a-t-il permis ce spectacle insultant pour la foi des croyants, indécent pour la foi titubante de ceux qui doutent ? Au nom de quoi ? Car s’il s’agissait de rendre grâce à Dieu au sein d’une l’église, la dévotion aurait dû attendre le lendemain. Et pourquoi au sein d’une église ? Pourquoi ne pas suivre simplement la consigne de Jésus ? ‘‘Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra’’ (Mat., 6/6).
Or donc, il ne s’agissait pas de prier, mais d’en mettre plein la vue aux adversaires et aux ennemis présumés, voire aux associés à rassurer. Il s’agissait d’une opération politico-médiatique, dont l’un des lieux d’exercice est la salle Vivo du Marina-Hôtel. En aucun cas l’église Saint-Michel. Quelle que soit l’intensité de la foi catholique que tu professes, et si, justement, ta foi est intense, elle t’interdit d’aller t’exhiber au pied de l’autel en un spectacle de pur pharisaïsme. Certes, la paroisse Saint-Michel de Cotonou s’est acquis la fâcheuse réputation de SONAPRA de l’Eglise, antre où l’argent abonde et surabonde. Un catholique conséquent ne doit pas renforcer cette réputation en laissant croire à ses suiveurs qu’il suffit de payer pour obtenir ce que l’on veut, tout et n’importe quoi, payer pour obtenir l’introduction d’une troupe de claqueurs au sein de l’église après 23 h. Si tu fais de Dieu, en sa grandeur, le valet de ton ego, tu feras de l’homme, en sa petitesse, l’esclave de tes envies. Le salut de l’homme peut dépendre aussi de l’idée que l’homme se fait de Dieu.
Et quelle que soit cette idée, elle est toujours assez noble et haute pour empêcher que, de par notre fait et faute, ‘‘notre Dieu’’ soit traité en garçon de course en son lieu d’imploration et de vénération. Il faut sauver Dieu du vaudeville des Béninois. Nous snobons l’éthique et la morale, les principes et les valeurs. Le théâtre inadmissible dans l’église Saint-Michel au cœur de la nuit du 4 novembre ne nous en rapproche pas, hélas ! L’urgence n’est donc pas seulement à sauver Dieu du vaudeville des Béninois, elle est aussi à sauver les Béninois d’eux-mêmes, à les aider à ne pas s’accrocher rien qu’à l’avoir et à l’immanence, les aider à considérer qu’un frisson vers l’être et la transcendance les élèverait vers un bien sublime, qu’ils peuvent appeler Père, ‘‘qui est là, dans le secret,… qui voit dans le secret’’.