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(Par Roger Gbégnonvi)
Le Gouvernement du Bénin aurait commis récemment un crime de lèse-liberté en suspendant les associations syndicales universitaires, ce qui a fait bondir et hurler les républicains et démocrates bon teint du landerneau béninois. Ces bonnes âmes, en même temps que toutes les autres, auront oublié le crime de lèse-humanité qui, après réflexion et, sans doute hésitation, a conduit le Gouvernement à mettre un holà à la dérive des porte-parole des futurs cadres de la nation, devenus un cas de conscience pour la République.
Car les Béninois ne doivent pas oublier l’immonde. Une nuit, des étudiants du campus d’Abomey-Calavi, très fâchés, comme trop souvent, avaient enduit abondamment de ce qu’on sait les amphis et les salles de cours. Usant ainsi de la pestilence descendue d’eux, ils comptaient empêcher la tenue des examens pour obtenir l’annulation du décret rectoral invalidant l’année académique à la Fac des Lettres, car les années de trois mois environ sont devenues pour nos enfants ce qui garantit l’excellence des études supérieures.
Au lendemain de l’usage immonde qu’ils firent de la pestilence rejetée par leur organisme, aucune voix ne s’éleva pour les blâmer et les ramener à la raison. Or, dans toutes les maisons au Bénin, cette descente de l’enfant dans la scatologie aurait plongé père et mère dans le désarroi. Ils auraient couru chez le médecin de l’âme au cri de : ‘‘Sauve-nous ! Incapable de nous atteindre, l’ennemi vient de s’attaquer à notre enfant.’’ Bégayant de consternation, ils expliquent leur malheur : leur enfant, le fruit de leurs entrailles, devenu scatophile. ‘‘Qu’avons-nous fait au bon Dieu pour qu’il laisse l’ennemi nous livrer ainsi à Satan ?’’ Et si leur enfant ne cesse pas de mettre la main à sa pestilence pour en peinturlurer les murs et les meubles de la maison, abattus et désespérés, père et mère l’emmèneront au centre psychiatrique, où la société fait garder les déments qui frappent à la porte de la folie, et dont les entreprises pestilentielles menacent les fondements de l’humanité.
Au lendemain de la décision du Gouvernement, très éloigné de ce que l’on fait pour contenir les déments et les fous, des vierges effarouchées ont surgi pour dénoncer une dérive autoritaire, voire dictatoriale. C’est de bonne guerre, et il convient de surveiller constamment l’Etat qui, pour sa tranquillité, appliquerait volontiers à tous les citoyens le régime des casernes. Mais notre vigilance de tous les instants ne doit pas nous empêcher de savoir raison garder, surtout quand on confesse un zest d’amour pour les démocraties populaires. Dans la Chine d’aujourd’hui et dans l’URSS d’hier, nos étudiants scatophiles d’une nuit auraient été conduits en bon ordre au centre de rééducation pour y apprendre, pendant des années, à devenir de très bons camarades stakhanovistes. Qui le leur souhaite ?
Qu’aurait dû faire le Gouvernement pour exorciser l’immonde, sauver l’humain sur nos campus, ramener les années académiques à la norme de neuf mois ? De toute façon, et même si toutes revendications et toutes ‘‘luttes’’ sur nos campus sont fatalement justes, le Gouvernement n’a pas le droit de laisser nos étudiants défier nos chiens et nos chats qui point ne mettent la patte à la pestilence rejetée par leur organisme. Suspension n’est pas interdiction. Le Gouvernement n’a pas violé l’article 25 de la Constitution du 11 décembre 1990. Le cas échéant, il verra rouge. Suspension, c’est l’espace de la réflexion et du dialogue, pour aller à un pacte qui, au-delà des revendications et des ‘‘justes luttes’’, sauve l’essentiel, l’espace pour penser au sort du Bénin désormais sans autorité morale. Feu Shimon Peres a dit à Barack Obama que le présent est l’affaire des jeunes et que l’avenir appartient aux aînés. Quand les nouveaux acteurs du présent mettent la main à la pestilence et que les anciens acteurs, qui voient bien où ils vont, les laissent faire, quel est l’avenir du Bénin ?