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C’était à Séko, de l’autre côté du Mono, derrière la ligne fluviale séparant Grand Popo du Togo...
*Florent Raoul COUAO-ZOTTI*
Ma grand-mère, Tassi qu’on l’appelait, se drapait toujours de blanc quand les clochettes géminées résonnaient et que l’appel à la célébration de son culte se faisait par le houngan, le tambour sacré. Elle était majestueuse, belle, avec son pagne qui lui arrivait à hauteur de la poitrine, descendait jusqu’à mi-cuisses. Les perles, par rangées, auréolaient ses chevilles, tandis-que de fins bracelets en bronze garnissaient ses poignets, bracelets qu’elle s’amusait à agiter le long de ses bras. Coquette, Tassi se faisait de petits ronds crayeux sur le torse, après s’être poudrée le cou et les aisselles, allongé au moins quatre colliers au cou. Mais le plus important, c’était sa pipe calée au coin de la bouche qu’elle remplissait de tabac après en avoir ramonné l’intérieur.
Alors que, du temple du vodoun, sourdaient les notes de clochettes et les appels lancinants du houngan, Tassi, que rien ne pouvait ébranler, me regardait, moi, son petit fils en vacances près d’elle, me tendant la main, me demandant de m’apprêter pour la suivre. Dès que nous primes le chemin, je me rendis compte que de nombreux adeptes, habillés de la même manière, venaient se joindre à nous. Tassi était prêtresse et, malgré le baptême qui l’avait consacrée fille de l’église catholique avec son prénom Florentine, elle n’avait jamais abandonné son tablier de vodounsi. Et tandis qu’elle marchait cahin caha à cause de son vieil âge, je lui demandai :
– Tassi, pourquoi tu as choisi de vénérer deux dieux ?
Elle s’arrêta, me regarda tout en souriant :
– Il ne s’agit pas de deux dieux, répondit-elle, mais d’un seul servi par deux religions. Ici, chez nous, le vodoun accepte tout le monde y compris les catholiques. Mais les chrétiens, eux, nous rejettent et condamnent en enfer des gens supposés mauvais.
– L’enfer, c’est pour punir les gens qui ont fait de mauvaises choses, lui rétorquai-je.
– Qui sommes-nous pour dire que les autres sont mauvais ? Chez nous, on ne juge guère les gens. Quand on meurt, on rejoint les ancêtres qui nous accueillent à bras ouvert. Là-bas, le bien et le mal n’existent pas. Maintenant, dépêchons-nous, faut rejoindre les autres.
Tassi pressa le pas. Je la suivis en courant presque. C’était il y a une quarantaine d’années.
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