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(Par Roger Gbégnonvi)
Facebook a diffusé récemment le ‘‘Soliloque d’un carabin béninois’’, interne dans un ‘‘hôpital de référence’’ du Bénin. Il raconte : ‘‘Il est 05 h 07, Monsieur X vient de partir [mourir]. Salle de réanimation vide de tout, sauf de nous (étudiants en médecine). Un système de santé pourri, banal et tueur en série. Il n’y a pas une seule ampoule d’adrénaline…’’, etc. Les Béninois connaissent cette noire misère. Le soliloque du carabin ne leur apporte donc rien de nouveau sous le triste soleil médical de nos douze départements.
L’intéressant (?) dans la publication de Facebook, c’est le commentaire dont l’a accompagnée une lectrice. Elle met la misère de l’hôpital concerné en parallèle avec le coût de la campagne présidentielle d’un des recalés, coût évalué entre 32 et 48 milliards. Elle suggère qu’avec un Mrd prélevé sur cette somme, le richissime candidat eût pu réhabiliter ledit hôpital. Soyons plus réalistes, évaluons à 5 Mrds la réhabilitation. Bien entendu, le candidat en question n’y a pas pensé, ni pour cet hôpital, ni pour aucun autre. Mais à supposer qu’il ait mis 5 Mrds à disposition, quelle assurance peut-on avoir que 4 n’auraient pas été subtilisés, et le petit 5ème utilisé pour acheter des appareils-camelotes et pour faire des travaux de crépissage sans lendemain, confiés aux frères et cousins du Directeur ?
Restons collés au sujet et à l’actualité pour évoquer ceci. Noël approche. Certains directeurs en profitent déjà pour demander à chaque écolier la contribution de 2.500 f, afin d’organiser la fête d’abord à l’école. S’ils sont 500 ou 1000 écoliers ?... Derrière le paravent de noël en ces temps réputés durs, on se gobergera et l’on en mettra un peu de côté, sur le dos des petits et du Petit Jésus, sur le dos des parents exploités par mille cœurs arnaqueurs qui pourrissent tous nos systèmes, poussant l’indécence jusqu’á voler la veuve et l’orphelin à l’approche des fêtes de fin d’année. Tout le monde en conviendra : un cœur arnaqueur n’en est pas un, et, de ce point de vue tout au moins, les Béninois n’ont pas de cœur.
Au chapitre raison. Les élections finies, un autre candidat recalé, et qui aura jeté des milliards dans la bataille, s’en est allé proclamer que ‘‘L’Afrique est dramatiquement sous-endettée’’ (JA, N° 2906, du 18 au 24 sept. 2016), sous-entendu : elle a le droit de s’endetter résolument, au motif que son taux de croissance en 2016 est le double de celui de l’Europe. Ce calcul et cet appel bizarre à s’endetter (comment rembourser après ?) ont surpris un économiste français. Il expliqua à son collègue béninois que sa croissance africaine, ‘‘c’est la puce qui grandit plus vite que l’éléphant [et que], quand on ajoute les guerres, la piraterie, Ebola, l’éducation et la santé en faillite, le chômage des jeunes, la mauvaise gouvernance, etc., il faut croire au Vaudou pour dire que tout va mieux’’ (JA, N° 2907). Et voilà les Béninois décryptés comme accrocs à la déraison, mauvais répétiteurs, porteurs d’aucune lumière.
Mais il est vrai que le Christ a dit : ‘‘Prends garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres’’ (Luc, 11/35). Le Français aurait dû renvoyer le Béninois à cette précaution christique et non au Vaudou enfariné, poussiéreux, gorgé d’huile et de sang rancis. Ainsi représenté dans les maisons et au bord des rues enlaidies, le Vaudou atteste que la raison béninoise est au moins enténébrée et ne peut montrer aucun chemin à emprunter. L’intelligence de la raison prend appui sur celle du cœur. Et c’est en vain que les Béninois se couvrent d’argent et des parchemins des universités de France et de Navarre, et encombrent les églises et les temples. En vain car, s’ils n’ont ni cœur ni raison, ils ne peuvent aller nulle part. Puissent-ils donc travailler d’arrache-pied pour acquérir le cœur qui féconde la raison.
‘‘Il n’est point vrai que nous parasitons le monde’’, a écrit Aimé Césaire (Le cahier…), avant d’ajouter : ‘‘J’ai voulu forcer l’énigme de ce peuple à la traîne’’ (La Tragédie…).